Corneille mantelée

Corvus cornix

Pour les articles homonymes, voir Corneille.

En vol à Isfahan.

La Corneille mantelée (Corvus cornix) est une espèce d'oiseaux appartenant à la famille des corvidés. Largement diffusée, on la rencontre dans le nord, l'est et le sud de l'Europe, ainsi que dans certaines parties du Moyen-Orient. C'est un oiseau gris cendré à tête, la gorge, les ailes, la queue et les plumes des pattes noires, ainsi que le bec, les yeux et les pieds. Comme d'autres corvidés c'est un oiseau omnivore et opportuniste.

Elle ressemble fortement à la Corneille noire (Corvus corone) par sa morphologie et son comportement, et ces deux espèces ont été longtemps considérées comme deux populations locales d'une même espèce. Le fait que des cas d'hybridation soient connus là où les deux espèces se rencontrent corrobore cette opinion. Toutefois, depuis 2002, la Corneille mantelée a été élevée au rang d'espèce à part entière après une observation plus attentive. Les cas d'hybridation restent en effet rares et les hybrides manquent souvent de vigueur. Quatre sous-espèces de la Corneille mantelée sont reconnues, dont l'une, la Corneille de Mésopotamie, est peut-être suffisamment distincte pour justifier son statut d'espèce à part entière.

Description

À Berlin, en Allemagne.
Une corneille mantelée près du lac de Scharmützel, Allemagne. Juillet 2017.

Plumage et mensurations

À l'exception des plumes de la tête, la gorge, les ailes, la queue et de la cuisse, qui sont pour la plupart noires et brillantes, le plumage est gris cendré, les rachis sombres lui donnant un aspect strié. Le bec et les pattes sont noirs et l'iris est brun foncé. Il n'y a qu'une seule mue, à l'automne, comme dans d'autres espèces de corvidés. Les deux sexes sont très semblables, à part la plus grande taille du mâle. Le vol est lent et lourd, et généralement linéaire. La taille de l'animal varie entre 48 et 52 cm de long. À l'éclosion, les jeunes sont beaucoup plus noirs que les parents. Les juvéniles ont un plumage plus terne avec des yeux bleuâtres ou grisâtres et une bouche rouge. Les oiseaux adultes ont une envergure moyenne de 98 cm et un poids moyen de 510 g[1].

Espèces similaires

La Corneille mantelée, avec ses couleurs contrastées, ne peut pas être confondue avec la Corneille noire, mais son cri d'appel est presque identique à celui de cette espèce[2].

Écologie et comportement

Alimentation

Corneille fouillant une poubelle à la recherche de nourriture.

La Corneille mantelée est omnivore, avec un régime similaire à celui de la Corneille noire, et est un charognard régulier. Il attrape et fait tomber des mollusques et des crabes afin de les briser à la manière de la Corneille noire, et un vieux nom écossais pour désigner les coquilles vides d'oursin était « crow's cups » (« tasses de corneille »)[3]. Elle vole sur les falaises côtières les œufs de goélands, cormorans et autres oiseaux lorsque leurs propriétaires sont absents, et elle entre dans le terrier du Macareux moine pour subtiliser ses œufs. Elle se nourrit également de petits mammifères, de restes de nourriture humaine, de petits oiseaux et de charognes.

Reproduction

Nid avec des œufs dans la ville de Moscou.
Oisillons de corneille âgés de 10 jours.
Oeuf de Clamator glandarius dans une couvée de Corvus cornix - Muséum de Toulouse

La nidification a lieu plus tard dans les régions froides : de mi-mai à la mi-Juin dans le nord-ouest de la Russie, les îles Shetland et les îles Féroé et fin de février dans la région du golfe Persique[4]. Dans les régions les plus chaudes des îles Britanniques, les œufs sont pondus en avril [5]. Le volumineux nid de branches est généralement placé dans un grand arbre, mais les corniches des falaises, les bâtiments anciens et les pylônes peuvent être utilisés. Les nids sont parfois placés sur ou près du sol. Le nid ressemble à celui de la Corneille noire, mais sur la côte les algues entrent fréquemment dans sa construction, ainsi qu'os d'animaux et les fils[3],[6]. Les quatre à six œufs bruns tacheté de bleu mesurent 4,3 × 3 cm et pèsent 19,8 g, dont 6 % de coquille[1]. Les œufs sont couvés pendant 17-19 jours par la femelle seule, qui est nourrie par le mâle. Les petits sont nidicoles. Ils quittent le nid au bout de 32 à 36 jours. Des femelles en incubation ont été observées allant chercher la plus grande partie de leur nourriture, puis plus tard celle destinée à leurs petits[7].

La durée de vie de cet oiseau est inconnue, mais celle de la Corneille noire est de quatre ans en moyenne[8]. L'âge maximal enregistré pour une Corneille mantelée est de 16 ans et 9 mois[1].

Cette espèce est un hôte secondaire du Coucou geai, un parasite de couvée, même si l'hôte de prédilection de ce dernier est la Pie bavarde. Dans les zones où cette dernière est absente, comme en Israël et en Égypte, la Corneille mantelée devient l'hôte privilégié pour ce coucou[9].

Cette espèce, comme son parent, est régulièrement abattue par les agriculteurs. Dans le comté de Cork, en Irlande, les clubs d'armes à feu du comté ont tué plus de 23 000 Corneilles mantelées en deux ans au début des années 1980[3].

Aire de répartition et habitat

Carte de répartition de la Corneille mantelée.
Carte illustrant la répartition européenne de la Corneille noire et la Corneille mantelée

La Corneille mantelée se reproduit dans le nord et l'est de l'Europe, mais certaines sous-espèces occupent également le sud de l'Europe et l'ouest de l'Asie. Lorsque son aire de répartition se chevauche avec celui de la Corneille noire, comme dans le nord de la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le Danemark, l'Italie du Nord et la Sibérie, ils produisent des hybrides fertiles. Cependant, ces hybrides sont moins résistants que les oiseaux de race pure, et c'est l'une des raisons pour lesquelles cette espèce a été divisée de la Corneille noire[10]. Il y a certaines régions, telles que l'Iran et la Russie centrale, où peu ou pas de croisements se produisent.

Dans les îles Britanniques, la Corneille mantelée se reproduit régulièrement en Écosse, sur l'Ile de Man et dans les îles écossaises. Elle se reproduit également couramment en Irlande. En automne, certains oiseaux migrateurs arrivent sur la côte est de la Grande-Bretagne. Dans le passé, il s'agissait d'un visiteur plus commun, et dans le Hertfordshire il était connu comme le « Corbeau de Royston » d'après la ville de Royston. Le journal local vieux de 150 ans est toujours intitulé Royston Crow, et la tête de l'oiseau illustre le haut de la une[3].

Taxinomie et systématique

La Corneille mantelée a été l'une des nombreuses espèces décrites à l'origine par Linné dans son Systema Naturae au XVIIIe siècle, et il porte toujours le nom que celui-ci lui a attribué, Corvus cornix[11]. Le nom binomial est dérivé des mots latins corvus, signifiant « corbeau »[12] et cornix, signifiant « corneille »[13]. Elle a ensuite été considérée comme une sous-espèce de la Corneille noire pendant de nombreuses années[14], et par conséquent connue sous le nom Corvus corone cornix, en raison des similitudes des deux espèces dans leur morphologie et leur comportement. Depuis 2002, elle a été re-élevée au rang d'espèce à part entière[15].

Sous-espèces

Corneille mantelée sur le Delta du Danube, Roumanie.

Quatre sous-espèces de la Corneille mantelée sont aujourd'hui reconnues. Auparavant toutes étaient considérées comme sous-espèces de Corvus corone. Une cinquième, Corvus cornix sardonius (Trischitta, 1939) a été ajoutée mais elle a été tour à tour partagée entre C. c. sharpii (la plupart de la population), C. c. cornix (population corse) et C. c. pallescens au Moyen-orient.

  • C. c. cornix, la sous-espèce type, se reproduit dans les îles Britanniques (principalement en Écosse et en Irlande) et en Europe, jusque dans le sud de la Corse.
  • C. c. pallescens (Madarász, 1904) se trouve en Turquie et en Égypte, et est plus pâle que la sous-espèce type, comme son nom l'indique.
  • C. c. sharpii (Oates, 1889) a été nommée en l'honneur du zoologue anglais Richard Bowdler Sharpe. C'est une forme gris plus pâle présente de Sibérie occidentale jusqu'à la région du Caucase et à l'Iran[4].
  • C. c. chapelain (P.L. Sclater, 1877) est connu comme la Corneille mésopotamienne. Cette forme distinctive apparait en Irak et en dans le sud-ouest de l'Iran. Elle a le plumage gris très pâle presque blanc[4]. Cette population est peut-être suffisamment distincte pour être considérée comme espèce à part entière[16].

La Corneille mantelée et l'Homme

Sauvegarde

La liste rouge de l'UICN ne distingue pas la Corneille mantelée de la Corneille noire, mais les deux espèces ont à elles deux une aire de répartition très étendue, estimée à 10 millions de kilomètres carrés, et une grande population, comprenant environ 21 à 51 millions d'individus rien qu'en Europe. Elles ne semblent pas être concernées par les seuils de déclin de la population de la liste rouge de l'UICN (c'est-à-dire une baisse de plus de 30 % en dix ans ou trois générations), et sont donc évaluées comme étant de préoccupation mineure[1],[17].

La Corneille mantelée dans la culture

Dans le folklore celtique, l'oiseau apparaît sur l'épaule de Cú Chulainn mourant[18], et pourrait également être une manifestation de Morrígan, la femme de Tethra, ou la Cailleach[19]. Cette idée a perduré, et la Corneille mantelée est associée aux fées dans les Highlands écossais et en Irlande. Au XVIIIe siècle, les bergers écossais leur faisaient des offrandes pour qu'elles n'attaquent pas les moutons[20]. Dans le folklore des îles Féroé, une tradition raconte que si une jeune fille sort sur le matin de la Chandeleur, et jette une pierre, puis un os, puis une touffe de gazon à une Corneille mantelée  si celle-ci survole la mer, son mari sera un étranger, si elle a atterri sur une ferme ou une maison, qu'elle épouserait un homme de cet endroit, mais si elle ne bouge pas, elle restera célibataire[21].

La Corneille mantelée est représentée sur la crête du North Hertfordshire District Council[22]. Elle est aussi l'un des 37 oiseaux norvégiens représentés dans la salle des oiseaux du Palais Royal à Oslo[23]. Jethro Tull mentionne la Corneille mantelée dans la chanson Jack Frost and the Hooded Crow en bonus track sur la version remastérisée du Broadsword and the Beast et sur leur The Christmas Album[24].

La corneille mantelée a également donné lieu à une curieuse invention linguistique. A Turin, ville où l'espèce est extrêmement présente, la plupart des habitants y voit un croisement entre le corbeau et le pigeon. S'est ainsi développée l'appellation de corccione, issue d'un mélange entre corvo (corbeau) et piccione (pigeon).

Notes et références

  1. (en) « Hooded Crow Corvus cornix [Linnaeus, 1758] », sur BTOWeb BirdFacts, British Trust for Ornithology (consulté le )
  2. (en) Killian Mullarney, Lars Svensson, Dan Zetterstrom et Peter Grant, Birds of Europe, Princeton University Press, (ISBN 0-691-05054-6), p. 336
  3. (en) Mark Cocker et Richard Mabey (en), Birds Britannica, Londres, Chatto & Windus, (ISBN 0-7011-6907-9), p. 418–425
  4. D. Goodwin, Crows of the World, Queensland University Press, St Lucia, Qld, (ISBN 0-7022-1015-3)
  5. (en) G Evans, The Observer's Book of Birds' Eggs, Londres, Warne, , 18 p. (ISBN 0-7232-0060-2)
  6. (en) David Snow, Perrins (éditeur) et Christopher M (éditeur), The Birds of the Western Palearctic concise edition (2 volumes), Oxford, Oxford University Press, (ISBN 0-19-854099-X), p. 1478–1480
  7. (en) Y. Yom-Tov, « The effect of food and predation on breeding density and success, clutch size and laying date of the crow Corvus corone », J. Anim. Ecol., vol. 43, , p. 479-498
  8. (en) « Carrion Crow Corvus corone [Linnaeus, 1758] », sur BTOWeb BirdFacts, British Trust for Ornithology (consulté le )
  9. Snow & Perrin (1998) 873–4
  10. Steve Jones, Almost Like A Whale : The Origin Of Species Updated, Garden City, Doubleday, , 402 p. (ISBN 978-0-385-40985-8)
  11. (la) C Linnaeus, Systema naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Tomus I. Editio decima, reformata., Holmiae. (Laurentii Salvii)., (lire en ligne), p. 105
  12. (en) « Corvus », sur Merriam-Webster online (consulté le )
  13. (en) DP Simpson, Cassell's Latin Dictionary, Londres, Cassell Ltd., , 5e éd. (ISBN 0-304-52257-0), p. 153
  14. (en) S. Vere Benson, The Observer's Book of Birds, Londres, Frederick Warne & Co. Ltd, , 222 p. (ISBN 0-7232-1513-8)
  15. (en) David T. Parkin, « Birding and DNA: species for the new millennium », Bird Study, vol. 50, , p. 223–242 (lire en ligne)
  16. (en) Steve Madge et Hilary Burn, Crows and jays : a guide to the crows, jays and magpies of the world, Londres, A&C Black, , 191 p. (ISBN 0-7136-3999-7 et 0-7136-3999-7)
  17. (en) « Corvus corone », BirdLife International, (consulté le )
  18. Armstrong 1958, p. 81
  19. Armstrong 1958, p. 83
  20. (en) Ernest Ingersoll, Birds in legend, fable and folklore, New York, Longmans, Green and co., (lire en ligne), p. 165
  21. Armstrong 1958, p. 74
  22. (en) Robert Young, « Civic Heraldry of England and Wales - Thames Valley and Chilterns », sur Civic Heraldry, 2005–2009 (consulté le )
  23. (en) « The Bird Room », sur The Norwegian Royal Family - Official Website, The Norwegian Royal Family, (consulté le )
  24. (en) Ian Anderson, « The Jethro Tull Christmas Album Special Edition Features Bonus DVD in USA! », sur Jethro Tull - The Official Website, Jethro Tull, (consulté le )

Annexes


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