Copyfraud

Un copyfraud est une fausse déclaration de possession de droit d'auteur faite dans le but d'acquérir le contrôle d'une œuvre quelconque[1]. La définition a été proposée en 2006 par Jason Mazzone, un professeur associé en droit à la Brooklyn Law School.

Illustration sur le copyfraud lors de Wikimania 2012.

Définition

Le copyfraud est une fausse déclaration de droit d'auteur. Cela induit une protection frauduleuse d'un contenu libre d'accès afin d'en contrôler l'usage, par exemple mettre un copyright sur des œuvres élevées dans le domaine public.

Mazzone identifie quatre cas types de copyfraud :

  1. Déclarer posséder des droits d'auteur sur du matériel du domaine public[2] ;
  2. Imposer, notamment par le titulaire des droits, des restrictions d'utilisation allant au-delà de ce que la loi permet[3] ;
  3. Déclarer posséder des droits d'auteur sur la base de possession de copies ou d'archives du matériel[4] ;
  4. Déclarer posséder des droits d'auteur en publiant un travail du domaine public sous un support différent[5].

Mazzone affirme que la copyfraud est généralement couronnée de succès puisqu'il y a peu de lois contrant les fausses déclarations de possession de droit d'auteur[6] :

« Les lois sur la propriété intellectuelle souffrent d'une grave défaillance : les importantes garanties apportées au respect du droit d'auteur ne sont pas du tout compensées par des garanties comparables pour le domaine public. »

Ainsi, aux États-Unis, le Copyright Act ne prévoit aucune peine concernant les fausses déclarations de possession de droit d'auteur sur du matériel du domaine public. Il ne prévoit aucun recours pour les individus s'étant abstenus de copier le matériel ou ayant payé des droits d'auteur à l'entité pratiquant la copyfraud[7]. De plus, Mazzone affirme qu'il y a généralement peu de gens qui sont suffisamment compétents pour donner un avis légal sur le sujet[6]. En France, le code de la propriété intellectuelle ne prévoit qu'une définition négative : le domaine public commence lorsque les droits d'auteur expirent.

Le copyfraud n'implique pas seulement un préjudice pour un particulier ou une entreprise, il touche au patrimoine commun de la collectivité et aliène celle-ci de ce patrimoine qui lui revient.

Exemples

  • En 1984, Universal Studios attaque en justice Nintendo, car le personnage du jeu Donkey Kong ressemblait à King Kong, un film des studios Universal. Nintendo gagne le procès car le personnage de King Kong était dans le domaine public. Après trois appels, cette décision est confirmée[8],[9],[10].
  • Le personnage de Sherlock Holmes était revendiqué comme protégé, alors que les livres le mettant en scène étaient dans le domaine public[11],[12].
  • La chanson Joyeux Anniversaire est revendiquée comme appartenant à Warner, qui précise qu'elle n'entrera dans le domaine public qu'en 2030. La justice américaine a tranché en 2015 que la chanson était en réalité dans le domaine public depuis 1921[13].
  • En France, des droits d'auteur sur des manuscrits médiévaux ont été refusés par un tribunal[14].
  • En Allemagne, la fondation Wikimedia est en procès contre le musée Reiss-Engelhorn, au sujet de la reproduction d'œuvres, qui apporteraient selon le musée des droits d'auteurs nouveaux[15]. La fondation décide de demander à la Cour fédérale de juger[16].
  • L'Agence France-Presse a déclaré posséder des droits d'auteurs et a réclamé des paiements sur une photographie de Neil Armstrong, pourtant placée dans le domaine public par la NASA[17].
  • En 2012, le Conseil Général de Dordogne déclare posséder les droits d'auteurs sur les peintures de la grotte de Lascaux et tente de faire condamner ZK Production pour contrefaçon.[18]
  • Lors du premier Festival du domaine public, une cérémonie parodique, les « Copyfraud Awards », s'est déroulée le à l'initiative de Savoirscom1[19].
  • La bibliothèque de l'École nationale des ponts et chaussées prétend être propriétaire de droits de reproduction sur des œuvres du domaine public[20].
  • En Espagne, la police procède en juin 2017 à l'arrestation d'un groupes de personnes qui modifiaient très légèrement des musiques du domaine public, afin d'en tirer profit en profitant d'une faiblesse du système de la Sociedad General de Autores y Editores (es)[21].

Historique

En France

En 2013, la députée Isabelle Attard dépose une proposition de loi de consécration du domaine public[22], dont l'article 7 prévoit des sanctions pénales envers ceux qui pratiquent le copyfraud.

Lors du vote de la loi pour une République numérique en 2016, le cabinet de Fleur Pellerin, ministre de la culture, déclare « l'affirmation d'un développement croissant des pratiques de copyfraud n'a en aucune façon été démontrée »[23]. Cependant, un amendement en faveur de la sanction de telles pratiques est approuvé à l'assemblée[24].

Notes et références

  1. Mazzone 2006, p. 1026
  2. Mazzone 2006, p. 1038.
  3. Mazzone 2006, p. 1047.
  4. Mazzone 2006, p. 1052.
  5. Mazzone 2006, p. 1044-45.
  6. Mazzone 2006, p. 1029-30.
  7. Mazzone 2006, p. 1030.
  8. United States Court of Appeals, Second Circuit (October 4, 1984). Universal City Studios, Inc. v. Nintendo Co., Ltd.
  9. United States Court of Appeals, Second Circuit (July 15, 1986). Universal City Studios, Inc. v. Nintendo Co., Ltd.
  10. Conrad Reyners, « The plight of Pirates on the information superwaves », Salient, (consulté le )
  11. Nick Davies, « Sherlock Holmes will stay in public domain », Melville House (consulté le )
  12. « Conan Doyle Estate: Denying Sherlock Holmes Copyright Gives Him 'Multiple Personalities' », Hollywoodreporter.com, (consulté le )
  13. (en) « Rupa Marya et al. vs. Warner/Chappell Music, Inc., et al. », (consulté le )
  14. « Une victoire pour le domaine public : un cas de copyfraud reconnu par un juge français », sur - S.I.Lex -, (consulté le ).
  15. Camille Gévaudan, « Quand Wikimédia défend le domaine public contre le «copyfraud» », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
  16. (de) « Wikimedia will Streit über Gemälde-Fotos vor den BGH bringen », sur heise.de,
  17. Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, « #CopyrightMadness : Hadopi, House of Cards, Google, Donald Trump… », sur Numerama, (consulté le )
  18. « Un palmarès du « copyfraud » par Christine Tréguier », sur politis.fr, (consulté le )
  19. Guillaume Champeau, « Copyright Madness : votez pour les Copyfraud Awards ! », Numerama, (lire en ligne, consulté le )
  20. http://patrimoine.enpc.fr/mentions-legales
  21. (es) « 18 detenidos en una operación contra el fraude por los derechos de autor en programas musicales », sur el diario.es,
  22. « Assemblée nationale - Consacrer le domaine public, à élargir son périmètre et à garantir son intégrité », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
  23. marc@nextinpact.com, « Contre les communs, l'argumentaire de Fleur Pellerin adressé à des députés », sur www.nextinpact.com, (consulté le )
  24. « Open Access, Panorama, Copyfraud : République numérique, la loi se dessine », sur www.actualitte.com (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Jason Mazzone, « Copyfraud », New York University Law Review, vol. 81, no 3, , p. 1026 (lire en ligne). 

Articles connexes

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