Controverse sur les cours du Nord et du Sud

La Controverse sur les cours du Nord et du Sud concerne un débat historique portant sur l'époque Nanboku-chō. Lors de cette époque, la Cour du Nord et la Cour du Sud se disputent la légitimité de la lignée impériale japonaise.

Si les historiens lors des siècles successifs optent pour plusieurs lectures des évènements, et attribuent à l'une ou à l'autre cette légitimité, le débat est relancé au début du XXe siècle. La publication d'un manuel scolaire va relancer les débats, et amener l'État à établir de manière autoritaire une version officielle.

Données historiques

L'empereur Go-Daigo met en place la Restauration de Kemmu en 1333, à la suite du renversement du shogunat des Hōjō. Le régime qu'il instaure est autoritaire, et il entend réunir sous son autorité le pouvoir militaire et administratif[1]. Il favorise les guerriers de l'ouest dans la nouvelle configuration du pouvoir, au détriment de ceux du Kantō alors que ces derniers conservent une puissance armée importante, et tente de diviser les principaux chefs de cette dernière région, Ashikaga Takauji et Nitta Yoshisada, en prenant appuis sur leurs rivalités. Par ailleurs, il commet plusieurs erreurs au début de son règne, en décrétant plusieurs lois qui ont pour effet d'attirer les guerriers dans la capitale, Kyoto, pour y faire valoir leurs droits[2]. Ceux-ci sont contraints de rester longtemps dans la capitale en raison de la lenteur de la nouvelle administration, et, désœuvrés, optent pour des comportements violents envers les habitants de la ville. L'empereur finit par abolir ces lois, mais ce revirement est à l'origine de nombreux mécontentements, et il acquiert une réputation d'incompétence[3]. En 1335, à la faveur de la rébellion Nakasendai, Ashikaga Takauji se révolte ouvertement contre le nouvel empereur après avoir réprimé cette rébellion. Il prend la tête d'une armée et rallie les mécontents du nouveau régime[4]. Les forces impériale sont battues lors de la bataille de la Minato-gawa en , et l'empereur Go-Daigo doit fuir sur le mont Hiei alors que Kyoto est ravagée par des combats[5].

L'empereur Kōmyō, issu de la branche Jimyōin-tō accède au pouvoir à la faveur de l'abdication de Go-Daigo en 1336, et appuyé par Ashikaga Takauji. Il installe sa cour à Kyoto. Cependant, Go-Daigo fuit avec les symboles impériaux à Yoshino, plus au sud, et y installe une cour impérial dissidente. Commence alors une période de cour nord et de cour sud, dite époque Nanboku-chō, pendant laquelle deux lignées d'empereurs vont se partager le pouvoir[5].

À la faveur de l'incident de Kan'ō à partir de 1349, la cour du sud va parvenir de manière éphémère à exploiter un affrontement au sein du clan Ashikaga, et parvient même un temps à réoccuper Kyoto[6]. Cependant, le shogunat va parvenir à reprendre le dessus, et à imposer en 1392 la réunification des deux cours impériales[7].

Débats

Lors de l'époque d'Edo, le pouvoir shogunal domine la vie politique du pays, et donc le pouvoir impérial. Hayashi Razan, un lettré néo-confucéen proche du pouvoir shogunal, publie dans le Honchō Tsugan en 1670 une histoire du Japon qui fixe la légitimité du côté de la Cour du Nord. A contrario, les lettrés travaillant à l'écriture du Dai Nihonshi pour l'école de Mito attribuent à la Cour du Sud cette légitimée, et qualifie sa rivale, la Cour du Nord, d'usurpatrice. Ces lettrés travaillent pour Tokugawa Mitsukuni qui soutient à l'époque le pouvoir impérial[8],[9].

Lors de l'ère Meiji, l'État intervient directement dans l'enseignement de l'histoire, en fixant la lecture qui doit en être faite. En 1891, il indique que le but de l'enseignement de l'histoire nationale dans le primaire est d'encourager le patriotisme et d'expliquer ce qui fait la singularité du Japon[10]. Il intervient aussi dans les controverses entre historiens. En 1911, à l'occasion de la publication d'un manuel scolaire sur l'époque Nanboku-chō, un rescrit impérial vient s'opposer aux travaux d'universitaires et fixe de lui-même les éléments d'histoire officielle[11],[12],[13]

Sources

Références

  1. Souyri 2010, p. 278
  2. Hérail et al. 2010, p. 352
  3. Hérail et al. 2010, p. 353
  4. Hérail et al. 2010, p. 354
  5. Hérail et al. 2010, p. 355
  6. Hérail et al. 2010, p. 358
  7. Hérail et al. 2010, p. 390
  8. Masayuki Sato 2015, p. 89
  9. John S. Brownlee 1999, p. 34
  10. Daisuke Furuya 2002, p. 3
  11. (en) Margaret Mehl, « German Influence on Historical Scholarship in Meiji Japan », Japanese civilization in the modern world, vol. 16, , p. 225-246 (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Marius B. Jansen, The Making of Modern Japan, Belknap Press, , 936 p. (ISBN 978-0-674-00991-2, lire en ligne), P.486
  13. (en) Daisuke Furuya, « A Historiography in Modern Japan: the laborious quest for identity », Scandia, vol. 67, no 1, , p. 17 (ISSN 0036-5483, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

  • Ouvrages généraux concernant l'histoire générale du Japon :
    • Francine Hérail (dir.), Guillaume Carré, Jean Esmain, François Macé et Pierre Souyri, Histoire du Japon : Des origines à nos jours, Paris, Editions Hermann, , 1413 p. (ISBN 978-2-7056-6640-8). 
    • Pierre Souyri, Nouvelle Histoire du Japon, Paris, Perrin, , 627 p. (ISBN 978-2-262-02246-4). 
  • Ouvrages généraux concernant l'historiographie du Japon :
    • (en) John S. Brownlee, Japanese Historians and the National Myths, 1600-1945 : The Age of the Gods and Emperor Jinmu, Vancouver, University of British Columbia Press, , 267 p. (ISBN 978-0-7748-0645-9, lire en ligne). 
    • (en) Masayuki Sato, « A Social History of Japanese Historical Writing », dans José Rabasa, Masayuki Sato, Edoardo Tortarolo, Daniel Woolf, The Oxford History of Historical Writing : Volume 3: 1400-1800, Oxford University Press, , 752 p. (ISBN 9780198738008), p. 80-102. 
    • (en) Axel Schneider et Stefan Tanaka, « The Transformation of History in China and Japan », dans Stuart Macintyre, Juan Maiguashca, Attila Pók, The Oxford History of Historical Writing : Volume 4: 1800-1945, Oxford University Press, , 672 p. (ISBN 9780198737988), p. 491-519. 
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