Contreplaqué

Le contreplaqué ou plus précisément panneau contreplaqué (en Belgique, multiplex ; en anglais, plywood) est un panneau à base de bois obtenu par collage de couches adjacentes à fils croisés, normalement des placages, habituellement à angles droits[1],[2]. Le contreplaqué est composé de plusieurs couches de placages, appelées plis, en nombre impair. L'épaisseur d'un panneau varie entre 1 mm et 50 mm.

Pour les articles homonymes, voir Multiplex.

Contreplaqué de bouleau.

Conception

La fabrication d'un panneau de contreplaqué nécessite six opérations principales : le déroulage, le tri, l'encollage, le pressage, le ponçage et le sciage.

Les placages qui composent le panneau sont obtenus en déroulant une grume : il s'agit de faire tourner une bille de bois sur une lame, pour obtenir une feuille d'une épaisseur de 0,33 à mm.

Ils sont ensuite séchés et massicotés à dimension. Il résulte de cette opération des bandes de placages plus petites que le panneau final, qui sont jointées pour reconstituer des feuilles entières.

Les placages ainsi obtenus sont ensuite triés selon leur qualité : les plus beaux serviront comme plis extérieurs (faces) et les autres (dont la plupart des jointés) serviront de plis intérieurs (âmes et intérieurs). Ici se place une opération facultative : un pli sur deux peut être teinté à cœur, souvent d'une couleur bien plus sombre, ou au contraire plus vive (rouge par exemple) pour constituer un contreplaqué décoratif utilisable pour certaines sculptures, ou des manches d'outils de prestige.

Ils sont alors encollés avec de la colle urée-formol, mélamine, phénolique ou résorcine.

Puis ils sont insérés dans une presse, dont les deux faces sont chauffées pour assurer la prise de la colle (souvent, au lieu de chauffer de manière classique, c'est un chauffage haute fréquence, comme dans un four micro-ondes, qui est utilisé, ainsi la chaleur altère peu le bois). La température de l'opération (160 °C) permet aussi de débarrasser le bois des éventuels organismes vivants qui pourraient l'habiter.

Après refroidissement, les panneaux sont poncés et sciés aux dimensions finales.

Différence entre contreplaqué et contreplaqué cintrable

La différence entre contreplaqué et contreplaqué cintrable tient aux proportions des épaisseurs mises en œuvre.

Dans un panneau de contreplaqué classique, les placages sont superposés à fils croisés, perpendiculaires et d'épaisseurs identiques.

Dans un panneau de contreplaqué cintrable, les placages sont toujours de nombre impair, et croisés, mais les couches extérieures représentent la quasi-totalité de l'épaisseur. L'âme est très fine. Cette disposition donne de bonnes propriétés de cintrage. Le contreplaqué cintrable est notamment utilisé pour réaliser des fûts de batterie, du mobilier ou certaines menuiseries. Toutefois, avant cintrage, les plaques ne partagent pas les qualités principales de résistance du contreplaqué.

Caractéristiques mécaniques et usages

Variant selon sa composition, la plupart des vendeurs vous diront que le contreplaqué est plus résistant que le bois massif, mais c'est surtout dû au fait qu'il est beaucoup moins cher à produire que le bois massif et donc plus rentable à vendre[non neutre]. Un gros défaut du bois contreplaqué est l'impossibilité de le poncer. Au fil des années, lorsque le contreplaqué est abîmé par des petits coups ou l'usure, il est impossible de le poncer pour lui redonner une nouvelle vie comme on le fait avec des meubles en bois massif. À essence de bois identique, en comparaison du massif, le poids des contreplaqués est augmenté du fait des colles dont la masse volumique est plus élevée que le bois. Les défauts majeurs du bois sont éliminés lors de la préparation des placages et les défauts mineurs sont disséminés dans le panneau. À l'inverse, les panneaux d'emballage ne subissent aucun tri de leurs matériaux lors de leur fabrication. Pour cette raison, ils ont un état de surface plus grossier avec défauts très visibles (joints ouverts, nœuds, veines creusées...). Ces derniers donnent des possibilités en décoration, là où la rusticité est mise en avant, avec en prime un cout réduit en conservant d'excellentes propriétés mécaniques et chimiques.

Les panneaux de contreplaqués sont utilisés pour leur qualité décorative et esthétique, leur stabilité en planéité et dimensions, leurs performances d'isolation thermique et acoustique (renforcée par de l'usinage), leur résistance aux insectes xylophages et aux champignons (grâce à la nature des essences), ce qui leur valent d'être appréciés dans de nombreux domaines.

En particulier :

  • nautisme : excellente résistance à l'eau, les panneaux de contreplaqués sont aujourd’hui très largement utilisés dans la fabrication des coques ainsi que dans l'aménagement intérieur des bateaux de plaisance.
  • construction : ils peuvent être utilisés dans la réalisation de murs, de toitures, de planchers, de coffrages, de revêtements extérieurs. Une gamme revêtue de résine[2], généralement d'un brun très foncé, est utilisée pour réaliser les coffrages pour les coulées de béton.
  • transport : le contreplaqué sert principalement à la réalisation de planchers (wagons, tramways, bus, véhicules utilitaires), mais aussi à la décoration et l'ameublement intérieur (caravanes, camping-cars).
  • emballage : il sert à la fabrication de caisses, en remplacement du bois massif, car il est plus étanche, d'un cout réduit et permet la réalisation de marquages soignés.
  • menuiserie : pouvant incorporer des éléments d'isolation thermique (mousse) et acoustique (matériaux lourds) sous des placages d'essences décoratives, le contreplaqué est beaucoup employé pour la réalisation de portes et habillages muraux. Beaucoup de meubles sont aussi faits en contreplaqué, qui peut être disponible plaqué de bois nobles à sa fabrication, évitant à l'ébéniste ou au menuisier de réaliser cette étape en atelier, pour des couts et délais plus raisonnables.
  • aménagement intérieur : pour ses qualités acoustiques et esthétiques, le contreplaqué sert à la réalisation de décors de salles, de cloisons décoratives, de stands et présentoirs.

Histoire

Bien que l'utilisation du bois stratifié en lames minces collés ensemble soit connue depuis l'Égypte antique, son application industrielle ne prend essor qu’à la fin du XIXe siècle avec l’invention de la tour rotative, et surtout à partir de l’entre-deux-guerres au siècle dernier et la venue des colles beaucoup plus performantes.

En 1797, l'anglais Sir Samuel Bentham dépose à Londres une série de brevets portant sur plusieurs machines pour produire des placages, de minces feuilles de bois. Dans ses demandes, il décrit l’idée de laminer ensemble, à l’aide de colle, plusieurs feuilles, les grains se croisant, pour former une pièce plus épaisse; un procédé qui rendra le produit fini plus résistant et plus polyvalent que le bois naturel. C’est la première description connue de ce que nous appelons maintenant contreplaqué [3]. Samuel Bentham était ingénieur de la marine britannique avec des nombreuses inventions pour la construction navale à son crédit. Les placages jusqu’à l'époque de Bentham, surtout destinés à la marqueterie, étaient encore sciés à la main selon un angle choisi à travers ou le long du tronc, et furent donc limités en largeur et en longueur.

Une cinquantaine d'années plus tard, Immanuel Nobel, ingénieur et père du célèbre suédois Alfred Nobel, se rendit compte à son tour du caractère amélioré du bois stratifié ; il présageait son potentiel industriel et inventa un nouveau type de tour. La bille est placée entre deux griffes à la façon d'un tour à bois. Un moteur fait tourner la bille de bois en continu alors qu'une lame placée parallèlement à l'axe se rapproche régulièrement du centre de la bille. Cette dernière est donc déroulée. Cette machine est impérativement nécessaire pour confectionner les placages de large format que nous connaissons aujourd’hui.

Il y a peu des comptes rendus de l’implantation progressive de cette machine à partir de son début au milieu du XIXe siècle, et par là, de la commercialisation débutante du contreplaqué moderne, mais dans son édition de 1870, le dictionnaire français Littré décrit déjà le processus de fabrication de placage par tour à dérouler dans son entrée Déroulage[4]. On peut donc présumer que la fabrication, et donc la commercialisation de contreplaqué issu de cette méthode, était un fait acquis en France dans les années 1860.

Depuis lors, l’invention du contreplaqué fut reprise ici et là selon les opportunités qu'offrait chaque pays industrialisé et selon l’internationalisation progressive des lois sur la protection des inventions. Ainsi, un certain Witkowski dépose encore en 1884 à Londres un brevet pour contreplaqué de son invention[5].

Quant à l’utilisation de contreplaqué comme support de peinture pour les artistes, alternative à la toile traditionnelle ou au carton, un article récent de JSTOR a mis en lumière que des panneaux « prêts à l’emploi » en contreplaqué trois couches, expressément prévus pour la peinture à l'huile, furent commercialement disponibles à New York dès l’année 1880 [6]. Il est évident qu'il y avait un précédent européen remontant à plusieurs années. Lorsque l'on considère l'avantage de simplement couper les bords d’un panneau brut standardisé pour obtenir la mesure voulue, on pourrait supposer que les phalanges progressistes parmi les artistes français eurent largement adopté ce nouveau support pour leurs peintures dès le début de la fabrication industrielle nationale (années 1860).

L'utilisation dans l'aviation s'est développée au cours des années 1920 à 1930, il y a eu quantité de procédés visant à rendre le contreplaqué à la fois léger et solide: Notamment le contreplaqué sur âme centrale de balsa (Avion de record Bugatti-De Monge 100P) le plymax , composite[2] de contreplaqué /aluminium, utilisé sur certaines parties du fuselage et des ailes du Morane Saulnier 406. Les chasseurs soviétiques Yak-3 et leurs évolutions ultérieures Yak-9, Yak-6...etc étaient en grande partie construites en contreplaqué de bouleau. Par contre, le célèbre De Haviland Mosquito (dit "wooden wonder", soit en français, la merveille en bois) était construit suivant un procédé nettement différent, le bois moulé[2], où les bandes de placage contre-croisées sont posées une à une sur un mannequin puis saturées de résine dans un autoclave ce qui permettait de réaliser des courbures complexes , non développables géométriquement.

Dans les années 1950, le contreplaqué a connu une application nouvelle : le nautisme, grâce à l'apparition de colles résistant à l'eau de mer. Le contre-plaqué convient bien à la construction en série : les coques sont à bouchain vif et en général bon marché [7]. Ses caractéristiques mécaniques supérieures au bois, sa rigidité et sa légèreté, ont permis une construction plus simple contribuant à démocratiser la navigation de plaisance sous l'impulsion d'architectes navals comme Jean-Jacques Herbulot, avec la création du Vaurien, dériveur léger conçu à la demande du Centre Nautique des Glénans, fabriqué à 36 000 exemplaires, de petits croiseurs (le Corsaire, fabriqué à plus de 3000 exemplaires) puis d'unités de plus en plus grandes (Mousquetaire). Bien d'autres architectes se sont emparés avec succès du contreplaqué, comme Philippe Harlé (Muscadet, Armagnac...), ou Gilles Costantini qui a conçu les plans et fabriqué en contreplaqué Pen Duick II d'Éric Tabarly. Outre Manche et Outre Atlantique des bateaux comme le dinghy Mirror (Ian Proctor) ou l'Optimist (Clark Mills) ont utilisé le contreplaqué pour la même démocratisation des sports nautiques.

Il est à noter que l'expression "contreplaqué marine" née à cette époque est au mieux une appellation commerciale vague, non encadrée par une norme précise, les définitions AFNOR parlant de contreplaqué QE (Qualité Extérieure), et que la qualité des contreplaqués marine, ainsi que leurs prix varie beaucoup suivant le type d'essence de bois utilisés, la plus courante étant l'Okoumé, parfois associé au Moabi. La qualité la plus haute est entièrement en acajou du Honduras, mais il existe (pour les emménagements intérieurs des voiliers) des contreplaqués dont seuls les plis apparents sont en acajou ou en sapelli[8].

Dimensions

L'épaisseur d'un panneau varie entre 1 mm et 50 mm[9].

Les dimensions courantes sont des nombres entiers de pieds anglosaxons (ft (') ou in (")) pour les grandes dimensions, et en pouces ou fractions de pouces pour les épaisseurs :

  • Épaisseur : 3 (1/8"), 5, 6 (1/4"), 8, 10, 12 (1/2"), 15, 16, 18, 19, 22, 24, 25 (1"), 30 mm
  • Largeur : 1,22 m (4') et 1,53 m (5')
  • Longueur : 2,50 m (8') et 3,10 m (10') - la longueur est prise dans le sens des fils du bois du pli de face

Mais également :

  • 2 500 × 1 700
  • 3 100 × 1 830
  • 4' × 12'
  • 5' × 5'
  • 9' x 4'

Types de contreplaqué

  • Contreplaqué d'intérieur
  • Contreplaqué d'ébénisterie (A sur A, A sur B)
  • Contreplaqué d'extérieur
  • Contreplaqué de qualité coffrage
  • Contreplaqué ayant un bon comportement à l'humidité
  • Contreplaqué ignifugé, lutte contre l'incendie
  • Contreplaqué cintrable (5, 7, 15 mm)

Essences

Un grand nombre d'essences sont utilisées pour la fabrication de panneaux de contreplaqué. En France, l'okoumé a historiquement un poids important, ainsi que le peuplier, le pin maritime ou le bouleau

Il existe une gamme de panneaux, avec plaqués sur les deux faces, des bois nobles semi-précieux. Ils sont indigènes (noyer, chêne, érable, merisier…) ou même exotiques (acajous).

Concernant l'emballage d'expédition, des panneaux sont largement importés d’Amérique du Sud, en résineux, de la famille du pin Douglas, à croissance rapide, très noueux. Ils sont souvent détournés pour la fabrication de menuiseries ou mobilier.

Risques pour la santé

Même si on utilise moins de formaldéhyde dans la fabrication des panneaux de contreplaqué que dans la fabrication de panneaux agglomérés, il n'en demeure pas moins que l'utilisation des résines comporte des risques d'exposition au formaldéhyde qui peuvent avoir des effets sur la santé, en particulier dans le monde du travail[10]. Ce qui demande des protections des voies respiratoires, pour les unités de fabrication, plus drastiques que pour des bois massifs.

Notes et références

  1. NF EN 313-2 Janvier 2000 Contreplaqué - Classification et terminologie - Partie 2 : terminologie
  2. ISO 2074:2007(fr) Contreplaqué — Vocabulaire
  3. Neil Schlager, How Products Are Made: An Illustrated Guide to Product Manufacturing, The Gale Group (ISBN 978-0810389076).
  4. Le Robert historique de la langue française. Dictionnaires Robert. Retrieved 26 November 2013.
  5. « Lettre de l'innovation », VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement) (consulté le )
  6. Muller, Norman E. "An early example of a plywood support for painting". Journal of the American Institute for Conservation. American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works.
  7. Nouveau Cours de Navigation des Glénans - éditions Compas/Seuil 1972 p. 186
  8. « Contreplaqués hydro | Ratheau », sur www.groupe-ratheau.com (consulté le )
  9. « Le contreplaqué, une planche de bois aux mille utilisations », sur Binette & Jardin, Le Monde (consulté le ).
  10. [PDF] Exposition au formaldéhyde, IRST

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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