Constante de Hubble

La constante de Hubble , valeur actuelle du paramètre de Hubble H, est la constante de proportionnalité existant aujourd'hui entre la distance et la vitesse de récession apparente des galaxies de l'Univers observable (plus une galaxie est éloignée de la Terre, plus elle s'en éloigne vite). Elle permet d'expliciter la loi de Hubble-Lemaître décrivant l'expansion de l'Univers, dans le cadre du modèle cosmologique du Big Bang, et de déterminer le taux d'expansion actuel de l'univers.

Pour les articles homonymes, voir Hubble.

Ce nom a été donné en l'honneur de l'astronome américain Edwin Hubble qui a été le premier, en 1929, à mettre clairement en évidence la proportionnalité des distances et des vitesses, grâce à ses observations effectuées à l'observatoire du Mont Wilson. Quelques années auparavant, Alexandre Friedmann en 1922 et Georges Lemaître en 1927 avaient de leur côté et indépendamment construit le modèle théorique d'un univers en expansion à partir des équations de la relativité générale, et démontré mathématiquement la possibilité de l'existence d'une telle proportionnalité.

La constante de Hubble est généralement exprimée en km/s/Mpc, fournissant ainsi la vitesse en kilomètres par seconde (km/s) d'une galaxie, en fonction de sa distance en mégaparsecs (Mpc). Sa valeur observationnelle est actuellement d'environ 70 km/s/Mpc. Néanmoins, il existe aujourd'hui un nombre important de mesures indépendantes de ce paramètre qui sont proches mais incompatibles, ces différences n'étant à ce jour pas expliquées.

Bien que dénommée « constante », ce paramètre cosmologique varie en fonction du temps. Il décrit donc le taux d'expansion de l'univers à un instant donné.

Terminologie

En toute rigueur, il convient de distinguer la constante de Hubble, le paramètre de Hubble et le taux d'expansion.

La constante de Hubble est la valeur actuelle du paramètre de Hubble.

Le taux d'expansion est l'expression, en pourcentage, de la valeur du paramètre de Hubble.

Notation

La constante de Hubble est généralement notée , où la lettre H est l'initiale du patronyme d'Edwin Hubble (la lettre H seule est déjà beaucoup utilisée en physique) et l'indice zéro indique que c'est la valeur actuelle de la constante de Hubble.

Dimension et unités

La dimension de la constante de Hubble est celle de l'inverse d'un temps.

Son unité SI est la seconde à la puissance moins un (s−1).

Il est cependant d'usage de l'exprimer en kilomètres par seconde par mégaparsec (km/s/Mpc ou km⋅s−1⋅Mpc−1), sous la forme suivante :

,

est le taux d'expansion.

Interprétation de la constante de Hubble

Signification intuitive

Une valeur de 70 km/s/Mpc pour la constante de Hubble signifie qu'une galaxie située à 1 mégaparsec (environ 3,26 millions d'années-lumière) de l'observateur s'éloigne du fait de l'expansion de l'univers (et donc hors effet d'un mouvement propre de l'objet, négligeable à très grande distance) à une vitesse d'environ 70 km/s. Une galaxie située à 10 Mpc s'éloigne à une vitesse de 700 km/s, etc.

Une conséquence a priori surprenante de la loi de Hubble est qu'une galaxie qui serait située à plus de 4 000 Mpc (14 milliards d'années-lumière) s'éloignerait de nous à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière. Ceci indique simplement que l'interprétation en termes de mouvement des galaxies dans l'espace devient impropre à très grande distance. La relativité générale explique qu'il faut considérer que l'on est en présence d'une expansion de l'espace lui-même.

Les écarts entre les différentes valeurs indiquées ci-dessus pour la constante de Hubble sont modestes ; mais si cette différence provient d'une accélération de l'expansion de l'univers et non d'approximations de mesure, elle peut remettre en question le modèle cosmologique du devenir de l'univers. Aux précédentes hypothèses de Big Bounce, Big Crunch et Big Chill viendrait alors s'ajouter la possibilité d'un Big Rip déjà envisagé par l'astrophysicien américain Robert Caldwell dans les années 1990.

Formalisation

La découverte expérimentale de la relation linéaire entre le décalage vers le rouge et la distance d'un objet distant, associé à une relation linéaire a priori entre la vitesse de récession et le décalage vers le rouge, se formalise de manière mathématique de la manière suivante :

  • est la vitesse de récession, exprimée typiquement en km/s ;
  • est la constante de Hubble et correspond à la valeur du paramètre de Hubble à l'instant t, exprimée en fonction du facteur d'échelle ;
  • est la distance propre (qui peut changer en fonction du temps, au contraire de la distance comobile qui est constante) de l'objet distant à l'observateur, mesurée en mégaparsecs (Mpc) depuis la galaxie de l'observateur, dans l'espace à 3 dimensions définis par le temps cosmologique donné. La vitesse de récession est alors simplement .

Mesure de la constante de Hubble

Évolution des valeurs retenues au XXe siècle

La valeur de la constante de Hubble est estimée à partir de la mesure de deux paramètres concernant des objets lointains. D'une part, le décalage vers le rouge (redshift) permet de connaître la vitesse à laquelle des galaxies lointaines s'éloignent de nous (à grande distance on peut négliger le mouvement propre). D'autre part, on mesure la distance de ces galaxies. Cette deuxième mesure est délicate à réaliser, ce qui cause de grandes incertitudes sur la valeur de la constante de Hubble.

Au début de la seconde moitié du XXe siècle, la valeur de la constante de Hubble était estimée entre 50 et 100 km/s/Mpc. Puis dans les années 1990, les hypothèses du modèle ΛCDM ont abouti à une valeur proche de 70 km/s/Mpc.

Au début du XXIe siècle, des méthodes amenant des valeurs incompatibles

Si les observations réalisées depuis les années 2010 concordent approximativement avec une valeur proche de 70 km/s/Mpc, elles posent néanmoins un problème aux astrophysiciens.

Jusqu'à la fin des années 2010, deux méthodes principales étaient utilisées pour estimer expérimentalement la valeur de la constante de Hubble :

  • à l'aide d'observations s'appuyant sur des chandelles standards. La méthode utilisée comporte deux étapes. Tout d'abord, des mesures très précises du télescope spatial sur des céphéides permettent de déterminer la distance de nombreuses galaxies dans un rayon de 30 Mpc. Les céphéides étant de simples étoiles, elles ne peuvent pas être observées à de très grandes distances, en tout cas pas à des distances adaptées à une mesure de . Dans une deuxième étape les données précédentes sont utilisées pour calibrer des mesures de distances sur des galaxies beaucoup plus lointaines (dans un rayon de 400 Mpc), obtenues par des méthodes différentes : mesure de luminosité de supernovae, mesure de la luminosité globale de galaxies spirales et mise en rapport avec leur vitesse de rotation (loi de Tully-Fisher) ou encore mesure de la luminosité globale de galaxies elliptiques et mise en rapport avec leur vitesse de dispersion (utilisation du plan fondamental pour la mesure de distances) ;
  • à l'aide d'observation du rayonnement diffus cosmologique dans le cadre du modèle ΛCDM. On s'appuie alors sur des programmes d'observation destinés à estimer les paramètres principaux de ce dernier modèle, comme WMAP ou le télescope spatial Planck.

Les valeurs les plus précises obtenues pour la constante de Hubble obtenues à l'aide de la première méthode convergent autour de 73 km/s/Mpc, tandis que celles utilisées la seconde approchent 67 km/s/Mpc. La différence est alors significative (en fonction des études, de l'ordre de trois à cinq écarts-type). Si la précision du premier type de mesure devrait être ramenée à 1 % d'ici cinq ans, rien n'indique que des observations supplémentaires puissent réduire significativement le désaccord avec le deuxième type de mesure. Au fur et à mesure que les études confirment cette différence, un biais dans les mesures de distance apparaît de moins en moins probable.

D'autres méthodes de mesures viennent alimenter la recherche à la fin des années 2010 :

  • l'utilisation des ondes gravitationnelles détectées par LIGO et Virgo, avec une précision attendue de 2 % d'ici 2025 (et 1 % d'ici 2030)[1]. En 2019, le niveau de précision de cette méthode ne permet pas de pencher en faveur de l'une ou l'autre des valeurs de référence pour la constante de Hubble[2] ;
  • l'utilisation des variations temporelles entre plusieurs images (par des lentilles gravitationnelles) d'objets massifs, méthode utilisée notamment par la collaboration internationale H0LiCOW (H0 Lenses in COSMOGRAIL's Wellspring), et dont les résultats sont compatibles avec la méthode des chandelles standards.

En 2019 on ne connaît pas de manière définitive les raisons de cette incompatibilité[3]. Lors du congrès de cosmologie réuni, en juillet 2019, à Santa Barbara (Californie), les astrophysiciens présentent plusieurs mesures du taux d'expansion de l'Univers comprises entre 69,8 et 76,5 km/s/Mpc, à ± 2 km/s/Mpc près, une divergence qualifiée par la plupart des participants de « problème » ou « tension »[4],[5]. Plusieurs publications appellent notamment à un réexamen du modèle ΛCDM pour résoudre ce problème[6],[7].


Valeurs estimées pour la constante de Hubble, à partir de mesures réalisées entre 2001 et 2019. Les estimations en noir s'appuient des méthodes de chandelles standards et se concentrent autour de 73 km/s/Mpc. Les valeurs en rouge s'appuient sur l'observation du fond diffus cosmologique dans le cadre du modèle ΛCDM et semblent s'accorder autour de 67 km/s/Mpc. Les mesures en bleus indiquent d'autres techniques, et l'absence de convergence des valeurs ne permet pas d'arbitrer entre les deux autres méthodes de mesure.
Mesures récentes de la constante de Hubble (en cas de multiples publications, seule la dernière est citée)
Date Valeur de la constante de Hubble (en km/s/Mpc) Équipe Source Remarque / méthodologie
06/11/2019 73,3+1,7
−1,8
H0LiCOW [6] Observation des variations temporelles entre plusieurs images (par des lentilles gravitationnelles) de six quasars.
14/10/2019 74,2+2,7
−3
STRIDES [8] Modélisation de la distribution de masse et des délais temporels du quasar DES J0408-5354 via une lentille gravitationnelle.
13/09/2019 82,4 ± 8,4 [3] Calibration des distances utilisant les images fantômes d'un quasar dues à un effet de lentille gravitationnelle.
08/07/2019 70,3+5,3
−5
Détecteurs LIGO et VIRGO [2] Analyse des ondes gravitationnelles et des ondes radios associées, notamment GW170817.
26/03/2019 74,03 ± 1,42 Hubble Space Telescope / SHoES [7] Observation de céphéides du Grand Nuage de Magellan (après sa calibration précise[9]) par le télescope spatial Hubble.
11/09/2020 67,4 ± 0,5 PLANCK 2018 [10] Analyse des observations du fond diffus cosmologique effectuées par le satellite Planck (publication le 11 septembre 2020).
20/12/2012 69,32 ± 0,8 WMAP [11] Analyse des données issues de WMAP sur le fond diffus cosmologique combinée à d'autres données cosmologiques dans une version simplifiée du modèle ΛCDM.
Août 2006 76,9+10,7
−8,7
Chandra [12] Observation dans le domaine des rayons X.
Mai 2001 72 ± 8 Hubble Space Telescope [13] Analyse dans le domaine optique à l'aide de chandelles standards.

Notions connexes

Le temps de Hubble, noté tH, est l'inverse de la constante de Hubble :

.

Le rayon de Hubble, noté RH, est le rapport de la vitesse de la lumière dans le vide (c0) par la constante de Hubble :

.

La sphère de Hubble, notée SH, est la sphère de rayon RH, le rayon de Hubble, centrée sur l'observateur. Sa surface (interne) est l'horizon de Hubble.

Son volume, noté VH, est le volume de Hubble :

.

Notes et références

  1. (en) Hsin-Yu Chen, Maya Fishbach et Daniel E. Holz, « A two per cent Hubble constant measurement from standard sirens within five years », Nature, vol. 562, , p. 545-547 (DOI 10.1038/s41586-018-0606-0).
  2. (en) Hotokezaka, K.; et al., « A Hubble constant measurement from superluminal motion of the jet in GW170817 », sur arXiv, (consulté le ).
  3. (en) Inh Jee et al., « A measurement of the Hubble constant from angular diameter distances to two gravitational lenses », Science, vol. 365, no 6458, (lire en ligne).
  4. Natalie Wolchover, « Expansion de l'univers : un problème de vitesse », Pour la science, no 507, (lire en ligne).
  5. Richard Panek, « La crise cosmique de la constante de Hubble », Pour La Science, no 510, , p. 26-34
  6. (en) Johanna L. Miller, « Gravitational-lensing measurements push Hubble-constant discrepancy past 5σ », Physics Today, (DOI 10.1063/PT.6.1.20200210a).
  7. (en) Adam G. Riess, Stefano Casertano, Wenlong Yuan, Lucas M. Macri et Dan Scolnic, « Large Magellanic Cloud Cepheid Standards Provide a 1% Foundation for the Determination of the Hubble Constant and Stronger Evidence for Physics Beyond ΛCDM », accepté pour publication dans The Astrophysical Journal, (lire en ligne).
  8. (en) Shajib, A. J.; Birrer, S.; Treu, T.; Agnello, A.; et al., « A 3.9 per cent measurement of the Hubble constant from the strong lens system DES J0408-5354 », sur arXiv, (consulté le )
  9. Revue Nature 567, 200, avril 2019,
  10. Planck Collaboration, N. Aghanim, Y. Akrami, M. Ashdown, J. Aumont, C. Baccigalupi, M. Ballardini, A. J. Banday, R. B. Barreiro, N. Bartolo, S. Basak, R. Battye, K. Benabed, J. -P. Bernard, M. Bersanelli, P. Bielewicz, J. J. Bock, J. R. Bond, J. Borrill, F. R. Bouchet, F. Boulanger, M. Bucher, C. Burigana, R. C. Butler, E. Calabrese, J. -F. Cardoso, J. Carron, A. Challinor, H. C. Chiang et J. Chluba, « Planck 2018 results. VI. Cosmological parameters », sur www.cosmos.esa.int, (Bibcode 2018arXiv180706209P, arXiv 1807.06209, consulté le )
  11. (en) Bennett, C. L.; et al., « Nine-year Wilkinson Microwave Anisotropy Probe (WMAP) observations: Final maps and results », sur arXiv, (consulté le )
  12. (en) M. Bonamente, M. K. Joy, S. J. Laroque, J. E. Carlstrom et al., « Determination of the cosmic distance scale from Sunyaev–Zel'dovich effect and Chandra X‐ray measurements of high‐redshift galaxy clusters" », The Astrophysical Journal, vol. 647, no 1, (lire en ligne)
  13. (en) Wendy L. Freedman, Barry F. Madore, Brad K. Gibson, Laura Ferrarese, Daniel D. Kelson, Shoko Sakai et coll., « Final Results from the Hubble Space Telescope Key Project to Measure the Hubble Constant », Astrophysical Journal, vol. 553, , p. 47–72 (DOI 10.1086/320638, lire en ligne). Preprint disponible ici.

Articles connexes

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