Conseil national de la Résistance

Le Conseil national de la Résistance (CNR) est l'organisme qui dirige et coordonne les différents mouvements de la Résistance intérieure française pendant la Seconde Guerre mondiale, toutes tendances politiques comprises, à partir de la mi-1943.

Pour les articles homonymes, voir CNR.

Il est composé de représentants desdits mouvements, de syndicats et de partis politiques hostiles au gouvernement de Vichy.

Son programme, adopté en mars 1944, prévoit un « plan d'action immédiat » (c'est-à-dire des actions de résistance), mais aussi des « mesures à appliquer dès la libération du territoire », une liste de réformes sociales et économiques.

Le contexte et la mission de Jean Moulin

Le général de Gaulle, en balance avec le général Giraud soutenu par les États-Unis, veut prouver aux Alliés qu'il est le chef incontestable des Français libres.

Il imagine donc la création d'un organisme libre et pluraliste qui reconnaisse sa légitimité de chef unique et incontestable et confie la création de celui-ci à Jean Moulin, qui devient officiellement son délégué personnel, avec pour mission dans un premier temps d'unifier l'ensemble des mouvements de Résistance intérieure, lesquels se sont spontanément constitués depuis la défaite et son appel du 18 juin 1940, au lendemain de la demande d'armistice par le maréchal Pétain.

En effet, l'analyse des dirigeants de la France libre (FFL), est que les mouvements de Résistance, hormis les Francs-tireurs et partisans (FTP) et autres résistants d'obédience communiste, sont pour la plupart mal organisés, et surtout peu coordonnés entre eux. Ce cloisonnement des mouvements de Résistance et des maquis entrave donc l'efficacité des actions de Résistance intérieure.

Les premiers pas de Jean Moulin

Dès ses débuts, Moulin conjugue travail de court terme (unification des mouvements de résistance intérieure) et de long terme : dès juin 1942, il installe un « Comité des experts » chargé de penser la synthèse des projets politiques pour l'après-guerre.

La création du CNR

Plaque 48 rue du Four (6e arrondissement de Paris) commémorant la première réunion clandestine du CNR, le 27 mai 1943.
Plaque 182 rue de Rivoli (1er arrondissement de Paris) commémorant deux réunions clandestines du CNR au printemps 1944, après l'assassinat de Jean Moulin.
Plaque 41 rue de Bellechasse (7e arrondissement de Paris) concernant l'appel à l'insurrection nationale du 19 août 1944.

Le tour de force qu'est l'unification se produit dix sept mois plus tard, le , lors de la première réunion du CNR qui se tient à Paris dans l'appartement de René Corbin, au premier étage du 48 rue du Four[1]. Un odonyme rappelle cet événement : « Avenue du 27-Mai-1943 » à Elne dans les Pyrénées-Orientales, à l'initiative d'historiens et politiques locaux[2].

Cette réunion aura une importance politique considérable, ainsi que l'expose Robert Chambeiron[3] :

« en métropole, avant le 27 mai, il y avait des résistances ; après, il y a la Résistance. […] les Américains ne peuvent plus douter de la légitimité de De Gaulle. La France devient un pays allié à part entière et, à ce titre, sera présente lors de la capitulation des armées nazies, le . D’autre part, les Alliés doivent abandonner leur projet d’administrer eux-mêmes la France au fur et à mesure de sa libération. Et, parce qu’il y a eu le CNR et de Gaulle, la France sera, lors de la création de l’Organisation des Nations unies, l’une des cinq grandes puissances à occuper un siège permanent au sein du Conseil de sécurité. »

Outre Jean Moulin et ses deux collaborateurs, Pierre Meunier et Robert Chambeiron, participent à la réunion constitutive du 27 mai 1943 et deviennent membres du CNR :

Jean Moulin devient le premier président du CNR.

Après Jean Moulin

A peine quelques jours après la création du CNR, Jean Moulin est dénoncé et capturé à Caluire par les SS. Il est torturé pendant trois jours par Klaus Barbie et meurt le pendant son transfert vers l'Allemagne, sans avoir rien révélé à ses tortionnaires. Son mutisme empêche les nazis de démanteler le CNR, lequel décide cependant par sécurité de mettre fin aux séances plénières. Il constitue alors un bureau exécutif de cinq membres, chaque membre représentant son propre courant et deux autres courants, sous la direction d'Émile Bollaert, délégué général depuis le , et de Georges Bidault, nouveau président depuis le [6]. Le CNR charge un Comité général d'étude de prendre la suite du Comité d'experts créé par Jean Moulin et de préparer une plate-forme politique pour la France d'après la Libération.

En novembre 1943 à Alger, le général de Gaulle entérine les points essentiels du Rapport Courtin élaborés au sein du « Comité général d'étude » et adoptés par l'« Assemblée consultative », points qui deviendront le noyau du programme du Conseil national de la Résistance appliqué à la Libération :

  • « plan complet de sécurité sociale » c'est-à-dire une Sécurité sociale pour tous prévoyant remboursements des frais médicaux et indemnités de chômage ;
  • retraites étendues à toutes les catégories de salariés (les commerçants en resteront exclus) ;
  • « retour à la nation » des grandes entreprises exploitées par l'occupant, en particulier Renault, la SNCF, Air France, de grandes banques, sans pour autant rompre avec le capitalisme (compromis majeur avec le programme du PCF qui cédait ainsi, au moins provisoirement, sur un principe) ;
  • subvention d'un programme culturel ;
  • indépendance de la presse vis-à-vis des capitaux des grandes industries ;
  • etc.

Émile Bollaert, ayant été arrêté le , est remplacé en mars 1944 par Alexandre Parodi.

Le , Louis Saillant succède à Georges Bidault à la tête du CNR[7].

Au cours de l'existence du CNR, les membres suivants seront remplacés[8],[9] :

Programme politique

Adopté le après plusieurs mois de négociations, le programme du Conseil national de la Résistance est très empreint de rénovation sociale et suit des principes communistes (économie planifiée), notamment sous l'impulsion de Pierre Villon, représentant le Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France. Ce document comprend deux parties, un « plan d'action immédiate » qui concerne l'action de la Résistance intérieure française à mener dans l'immédiat dans la perspective de la Libération et les « mesures à appliquer dès la Libération du territoire », sorte de programme de gouvernement qui comprend à la fois des mesures visant à réduire la mainmise des collaborationnistes sur le pays et des mesures à beaucoup plus long terme comme le rétablissement du suffrage universel, les nationalisations ou la sécurité sociale[10].

Parmi les mesures appliquées à la Libération, citons la nationalisation de l'énergie (création d’Électricité de France en 1946), des assurances (AGF en 1945) et des banques (Crédit lyonnais en 1945, Société générale en 1946), la création du régime général de la Sécurité sociale[10]. Ces actions ont constitué jusqu'à aujourd'hui une grande partie des acquis sociaux de la seconde partie du XXe siècle[réf. nécessaire].

Dans les premiers mois de la Libération, onze des Comités départementaux de la Libération (institutions provisoires mises en place pour remplacer l'administration départementale vichyste) ne veulent pas être remplacés devant la nouvelle administration préfectorale, nommée par le Gouvernement provisoire. Souhaitant appliquer le programme du CNR, ces institutions composées de résistants finissent par s'effacer lors des premières élections, les Français souhaitant dans l'ensemble un retour aux structures habituelles (centralisme, conseils généraux)[réf. nécessaire]. À partir de 1946-1947, plus aucun Comité départemental de la Libération n'a de rôle effectif[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. « L’unification de la Résistance intérieure autour de l'homme du 18 juin », sur le site france-libre.net, consulté le 4 février 2010.
  2. Nicolas Garcia, « Ce soir 27 mai à Elne, commémoration de la création du Conseil National de la Résistance et de son programme »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur Blog de Nicolas Garcia, (consulté le ).
  3. « 27 mai 1943- 27 mai 2003.48, Rue Dufour, un tournant capital», L'Humanité, 27 mai 2003. Témoignage de Robert Chambeiron, un des organisateurs de la réunion du 27 mai 1943.
  4. Sans aucun lien avec le FN né en 1972.
  5. « CROS Ginette, Fernande - Maitron », sur maitron.fr (consulté le )
  6. Michel Etiévent, « Le Conseil national de la Résistance imagine les jours heureux », sur L'Humanité, (consulté le ).
  7. Éric Nadaud, « SAILLANT Louis, André [version nouvelle] », sur maitron-en-ligne.univ-paris1.fr.
  8. Bruno Leroux, « Le fonctionnement du CNR jusqu’à la Libération de Paris », Lettre de la Fondation de la Résistance, no 73, , p. 6 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Fondation de la Résistance, « Liste des membres du CNR » (consulté le ).
  10. Claire Andrieu, Le programme commun de la Résistance, des idées dans la guerre, Les éditions de l'érudit, 1984, (ISBN 2868160050).

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel Pigenet (dir.) et Rossana Vaccaro (dir.), Les jours heureux : dans les archives Conseil national de la Résistance-Louis Saillant, Paris, Codhos, , 142 p. (ISBN 978-2-9517903-4-6)

Liens externes

Article connexe

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