Concurrence monopolistique

On parle de concurrence monopolistique pour caractériser la situation d'imperfection d'un marché dans lequel les produits ne sont pas homogènes, contrairement à l'hypothèse néoclassique de Concurrence pure et parfaite. E. H. Chamberlin est à l'origine du concept de concurrence monopolistique (Théorie de la concurrence monopolistique, 1933), mais des travaux de Joan Robinson en la matière ont également fait date (The Economics of Imperfect Competition, MacMillan, 1933). Il s'agit probablement de la forme de marché la plus répandue.

Les producteurs s'efforcent de différencier leurs produits de ceux de la concurrence afin d'accroître leur pouvoir de marché et obtenir ainsi un monopole sur un modèle spécifique : être seul à proposer un bien ou un service ayant telles ou telles caractéristiques (SAV, innovation techniques, prestige de la marque, etc.). C'est la situation sur les marchés de l'automobile et plus généralement dans le secteur des nouvelles technologies. La publicité joue un rôle essentiel pour persuader le consommateur que le produit proposé est unique et/ou supérieur. Ainsi, l'importance de l'objet est telle que cette situation de concurrence monopolistique vise davantage les produits que les acteurs eux-mêmes.

Ce mélange de monopole et de concurrence est appelé concurrence monopolistique par les économistes. Les acteurs en situation de monopole réalisent des surprofits. Néanmoins, les concurrents cherchent à égaler, voire à surpasser, l'acteur en situation de monopole en proposant des alternatives, ce qui finit par réduire puis annihiler l'avantage de ce dernier. Cette course à la monopolisation du marché assure un renouvellement constant des variétés offertes.

Modèle de Chamberlin

Chamberlin a observé que dans la majorité des branches il y a de nombreuses entreprises qui vendent des produits différenciés (marques, qualité, localisation différentes)[1]. Le pouvoir de monopole de ces entreprises est limité car il y a de nombreux biens substituts. À long terme, la plupart de ces entreprises ont des recettes qui suffisent à peine à couvrir les frais. On peut citer les épiceries de quartier, les restaurants ou les salons de coiffure[2]. La courbe de demande de l'entreprise représentative a une pente négative à cause de la différenciation des produits qui lui confère un certain pouvoir de monopole. En cas de hausse du prix l'entreprise ne perd pas tous ses clients.

Au début et à court terme l'entreprise fait un profit comme dans le cas d'un restaurant qui s'ouvre dans un nouveau quartier. Le premier graphique illustre ce cas. L'équilibre de l'entreprise implique l'égalité entre la recette marginale (Rm) et le coût marginal (Cm). Le prix de vente est p*. Le profit () est donné par la différence entre la recette moyenne (RM), c'est-à-dire la courbe de demande, et le coût moyen (CM) fois la quantité produite (q*).

Ce profit va attirer de nouvelles entreprises qui vont aussi s'installer dans le nouveau quartier. Aucune barrière à l'entrée n'existe dans cette branche. La courbe de demande pour les produits de l'entreprise va se déplacer vers la gauche (elle aura perdu une partie de ses clients). Ce mouvement va continuer jusqu'à la disparition du profit (équilibre à long terme)[3].

Par rapport à la concurrence parfaite, le prix sera plus élevé et l'entreprise ne produit pas aux coûts minimums. Il y a aussi un excès de capacité dans la branche (on peut produire davantage et à un coût moyen plus bas) mais il y a plus de variété de produits.

Autres modèles

Dixit et Stiglitz introduisent explicitement, dans la fonction d'utilité du consommateur représentatif, les préférences pour la diversité[4]. Ces auteurs étudient deux cas : dans le premier les préférences sont représentées par une fonction d'utilité à élasticité de substitution constante ; dans le deuxième l'élasticité est variable.

Lorsque les différents produits ne sont pas des substituts parfaits, produire au point de coût moyen minimum n'est pas une solution optimale du point de vue de l'utilité sociale. Par conséquent, il n'y a pas trop de diversité dans ce modèle de la concurrence monopolistique.

Le modèle de Dixit et Stiglitz a notamment été repris par Paul Krugman dans ses travaux sur le commerce international ainsi que sur la concentration spatiale des activités économiques[5].

Tout modèle de concurrence monopolistique doit se baser sur les quatre conditions suivantes[6] :

  • de nombreuses entreprises produisent des biens différenciés ;
  • chaque entreprise a une courbe de demande avec pente négative ;
  • chaque entreprise est petite et a des effets négligeables sur les autres ;
  • la libre entrée dans le marché conduit à long terme à la disparition du profit.

Oliver D. Hart suppose qu'il y a de nombreux consommateurs avec des goûts différents[7]. De nombreuses entreprises produisent chacune un bien différent. Les consommateurs ne sont intéressés qu'à un nombre limité de ces biens. D'autre part, chaque combinaison de biens a la même probabilité d'être désirée par un consommateur. Par conséquent, les effets d'un changement dans l'offre d'une entreprise sont répartis sur toutes les autres entreprises. Hart arrive à la conclusion que, selon les cas, il peut y avoir trop ou trop peu de variétés.

Bibliographie

  • (en) Edward Chamberlin, Theory of Monopolistic Competition : A Re-orientation of the Theory of Value, Harvard University Press,
  • (en) Avinash Dixit et Joseph Stiglitz, « Monopolistic Competition and Optimum Product Diversity », American Economic Review, American Economic Association, vol. 67, no 3, , p. 297-308 (lire en ligne)
  • Oliver D. Hart, " Monopolistic Competition in the Spirit of Chamberlin: A General Model ", Review of Economic Studies, 1985, p. 529-546
  • K. Lancaster, " Socially Optimal Product Differentiation ", American Economic Review, 1975, p. 567-585
  • A.M. Spence, " Product Selection, Fixed Costs and Monopolistic Competition ", Review of Economic Studies, 1976, p. 217-235

Notes et références

  1. Edward Chamberlin, La Théorie de la concurrence monopolistique, Paris, 1953, p. 61
  2. David Begg, Stanley Fischer, Rudiger Dornbush, Microéconomie, Paris, 1989, p. 220
  3. Edward Chamberlin, La Théorie de la concurrence monopolistique, Paris, 1953, p. 83
  4. Dixit et Stiglitz 1977
  5. (en) Paul Krugman, « The Increasing Returns Revolution in Trade and Geography », The American Economic Review, American Economic Association, vol. 99, no 3, , p. 561-571 (lire en ligne)
  6. Oliver D. Hart, « Monopolistic Competition in the Spirit of Chamberlin: A General Model », Review of Economic Studies, 1985, p. 529
  7. Oliver D. Hart, " Monopolistic Competition in the Spirit of Chamberlin: Special Results ", Economic Journal, 1985, p. 889-908

Voir aussi

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