Comptabilité en partie double

La comptabilité par partie double est le principe de base du système comptable utilisé par toutes les entreprises et organisations. Elle est fondée sur l'idée selon laquelle les opérations et la situation financière d'une organisation peuvent être représentées par des comptes. Chaque compte contient l'historique des modifications de la valeur monétaire d'un aspect particulier de l'organisation. On parle de partie double quand l'enregistrement d'écriture est inscrit dans deux comptes (au moins) : un compte débité et un compte crédité.

Historique

La comptabilité en partie double a été codifiée par Luca Pacioli à la fin du XVe siècle dans le traité de comptabilité « Tractatus XI particularis de computibus et scripturis » publié à Venise en 1494, un des premiers textes à bénéficier de l'invention de l'imprimerie. Néanmoins, ce système était déjà d'emploi fréquent dans les banques italiennes depuis la fin du XIIIe siècle. De récentes découvertes (papyrus Boulaq 18) situent cette invention bien plus tôt dans le temps, en Égypte antique, il y a environ 3 700 ans[réf. nécessaire].

Après Pacioli, la comptabilité en partie double fut recommandée aux princes et États modernes par plusieurs experts, parmi lesquels Simon Stevin (La Dîme), le financier Antoine Pâris[1] ou le ministre Nicolas François Mollien. L'économiste Werner Sombart est l'auteur d'une analyse fine de la diffusion de cette technique (Capitalisme Moderne, 1928), en laquelle il voit même une des conditions de l'émergence du capitalisme.

L’objet du système était d'obtenir la variation de valeur de l'entreprise pendant une période donnée, expliquée par la variation des soldes des différents comptes. Toute variation d'un compte était expliquée par le solde précédent et les mouvements de la période. Le contrôle par balance carrée des mouvements détaillés dans les journaux et dans les balances de soldes garantissait contre les erreurs d'écritures fréquentes lors des reports manuels entre journal et livre de compte.

Avant son invention était tenue une comptabilité en partie simple, qui ne permettait pas de recoupements faciles. Elle était propice aux disparitions inexpliquées de ressources.

Principes de base

Dans son principe, l'inscription d'un montant dans un compte « implique toujours la mention d'un montant exactement opposé dans un autre compte », ce qui facilite les recoupements et la trace des disparitions. Impérativement, l'un des deux comptes doit être débité et l'autre doit être crédité de manière à établir la contrepartie. Cette double mention matérialise aussi la dualité de flux impliqués dans chaque transaction comptable.

La balance comptable, si elle est équilibrée (total des soldes créditeurs = total des soldes débiteurs), permet de vérifier que ce principe a bien été respecté lors de l'enregistrement d'un ensemble d'opérations (même s'il est toujours possible que deux erreurs se « compensent »).

Débit et crédit

Crédit et débit sont deux notions complémentaires : à toute opération correspond au moins un débit dans un compte et un crédit dans un autre (une même opération peut combiner plusieurs débits et plusieurs crédits). Ce sont des notions de flux (des variations par rapport à la situation antérieure) et non des notions de stock.

Un crédit est une ressource qui est utilisée dans l'opération : ce peut être une réduction du patrimoine, l'actif, un emprunt (= une dette nouvelle, une augmentation de l'endettement : voir passif), une augmentation du produit ...

Un débit est un emploi de cette ressource par l'opération : ce peut être un achat, une augmentation du patrimoine : l'actif, une réduction des sommes dues (remboursement d'emprunt, réduction du passif), une réduction du produit ou une augmentation des charges ...

L'extrait de compte fourni par le banquier fonctionne « à l'envers », parce qu'il est établi du point de vue de la banque  : les sommes versées sur votre compte (salaires, etc.) constituent pour elle une ressource ( = crédit ; simultanément, cela augmente la dette de la banque à votre égard, ou réduit votre dette à son égard si vous êtes « débiteur »), les sommes retirées (paiement de chèques, carte bleue, etc.) constituent une utilisation ( = débit). Du point de vue du client de la banque, s'il utilise une comptabilité en partie double lui-même, ce que la banque appelle crédit (une entrée d'argent) est un débit (c'est une utilisation de l'argent), et inversement (un débit pour la banque est une ressource de son client, donc, pour lui, un crédit).

Exemple de l'achat d'un véhicule

Une entreprise qui achète un véhicule 10 000  augmente son patrimoine, puisqu'elle acquiert un véhicule. C'est un débit. En contrepartie, elle doit payer ce véhicule, donc faire diminuer sa trésorerie, événement que l'on inscrit au crédit. On passera l'écriture suivante  :

Intitulés Débit Crédit
Compte Mobilier et matériel roulant (MMR) 10 000
     Compte de valeurs disponibles 10 000

La première ligne représente le débit, la deuxième le crédit.

L'opération est un peu plus complexe si elle achète le véhicule dans un garage sans le payer immédiatement  : elle inscrira le véhicule au débit et constatera qu'elle a une dette envers son fournisseur.

Intitulés Débit Crédit
Compte MMR 10 000
     Compte de fournisseur 10 000

Quand elle réglera, elle passera l'écriture suivante :

Intitulés Débit Crédit
Compte de fournisseur 10 000
     Compte de valeurs disponibles 10 000

Et l'opération sera terminée. Dans le compte fournisseur, le débit et le crédit de 10 000  seront compensés, signifiant que le fournisseur a finalement été payé.

Avantages

Cette technique permet de faire des retraits sans savoir faire des soustractions. Le compte crédité additionne les retraits. Le compte débité additionne les ajouts. Cet avantage indéniable à l'époque de son développement est aujourd'hui un désavantage en créant deux comptes vus séparément pour une même réalité.

Cette technique est bien supérieure à la comptabilité simple. En effet, elle permet d'enregistrer non seulement les opérations financières immédiates, mais aussi les opérations différées dans le temps : les emprunts, les prêts et les réserves ou provisions pour des opérations envisagées de façon certaine.

De même, elle permet à tout instant d'assurer que la richesse et les avoirs (ce que l'entreprise possède et qui est au débit) sont égaux aux dettes (ce que l'entreprise doit, et qui est inscrit au crédit) : si de la richesse est créée (supposons la vente de services), le résultat de l'opération sera comptabilisé au bilan comme une dette envers l'actionnaire. On fait ainsi toujours correspondre une opération de recette ou de dépense avec un moyen de la réaliser.

Ceci donne une image la plus fidèle possible de l'état des richesses d'un organisme à tout moment et de ses interactions avec les différents acteurs dont il dépend.

Certaines opérations (avec TVA par exemple) font entrer en jeu plusieurs débits et plusieurs crédits dont les sommes des débits doivent être égales aux sommes des crédits. Elle recourt à un plan comptable pour catégoriser les opérations, mais chaque compte peut être débité ou crédité et dispose donc d'au moins deux colonnes.

L'historique des écritures reflète ainsi à chaque date la photographie de la situation financière de l'entreprise, avec ses acquis, l'état de sa trésorerie, l'évaluation des risques, ses dettes et ses créances. Cette technique offre en outre des garanties de cohérence beaucoup plus grande que celle d'une comptabilité simple. L'égalité entre les débits et les crédits permet, en effet, des contrôles sous plusieurs angles de la rigueur de la comptabilité. Notamment, le solde des comptes de bilan et celui des comptes de résultats doivent être égaux d'une part et s'équilibrer d'autre part  : l'un créditeur (somme des crédits supérieure à celle des débits) et l'autre débiteur (somme des débits supérieure à celle des crédits).

Ce système ne garantit pas complètement contre la fraude  : généralement les opérations sont techniquement correctes (débit=crédit), mais la fraude provient de pièces comptables inventées ou trafiquées et/ou d'affectations de comptes erronées, voire à des abus de confiance (signature de deux chèques pour une même opération, par exemple). Parfois ce sont des systèmes virtuels très sophistiqués qui sont employés.

Le terme « partie double » est parfois pris au sens de comptabilité générale. Cette association est impropre, car il existe des comptabilités analytiques tenues en partie double.

Les systèmes modernes largement informatisés enregistrent les flux d'événements en partie simple et ne les convertissent en écritures qu'en fin de période, aussi bien dans les journaux que dans les comptes. Il n'y a pratiquement plus de risque de déséquilibre formel des balances (lorsque le programme est au point). Le contrôle de l'exactitude des comptes est renvoyé sur chacun des sous-ensembles informatiques concernés qui enregistrent les événements de façon séquentielle.

Notes et références

  1. Marc Cheynet de Beaupré, Joseph Pâris-Duverney, financier d'État (1684-1770), vol. 1 : Les sentiers du pouvoir (1684-1720), Paris, Honoré Champion, , 983 p. (EAN 9782745324115), page 705.

Voir aussi

Articles connexes

  • Portail du management
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.