Place des femmes dans la création musicale

La place des femmes dans la création musicale décrit les faits historiques ou sociologiques concernant la place des femmes[Passage contradictoire] dans la composition musicale, ou dans la théorie de la musique, du moins dans les cultures occidentales[Interprétation personnelle ?].

De l’intimité à l’espace public

Hildegarde de Bingen.

« Ne fréquente pas la femme musicienne,
de peur que tu ne sois pris dans ses rets. »

 L'Ecclésiastique, IX, 4

La légende voit en Sappho (VIIe siècle av. J.-C.) la première compositrice.

Avant l'an 1000, auraient existé et composé Enheduanna, Charixene (de), Cai Yan (174c-220c), Lüzhu (de) (240c-300c), Khosrovidoukht de Goghtn (active vers 750), Sahakdoukht de Siounie (active vers 750).

Au Moyen Âge, la non-intégration de femmes dans les ensembles pratiquant la musique connaissait cependant une exception notable : les moniales pouvaient en effet produire des pièces pour leur communauté ; Hildegarde de Bingen (1098-1179) en est à ce titre un exemple célèbre.

Avant elle, à Byzance, Cassienne de Constantinople (ou Kassia, (805c-865c), également abbesse, fut une des premières compositrices, tous genres confondus, dont les partitions ont été conservées et qui peuvent être interprétées par des musiciens modernes[réf. souhaitée].

Néanmoins, ces pratiques ne restent qu’une enclave au sein des institutions religieuses, les femmes étant exclues de la production musicale au sein des églises et des cathédrales (chœurs[1], composition). Cependant, les femmes appartenant à la musique de Louis XIV, roi de France, ou à la musique du duc d'Orléans Philippe II, régent du royaume, pourront parfaitement chanter dans les offices célébrés à la chapelle. Cette quasi-exclusion de la place publique explique alors la méconnaissance historique des pièces musicales écrites par des femmes.

Hildegarde de Bingen

Hildegarde de Bingen (1098-1179) compose plus de soixante-dix chants, hymnes et séquences, dont certains ont fait l'objet d'enregistrements récents (Ave generosa, Columba aspexit, O presul vere civitatis...). Elle compose aussi un drame liturgique intitulé Ordo virtutum, qui comporte quatre-vingt-deux mélodies et qui met en scène les tiraillements de l'âme entre le démon et les vertus.

Troubadouresses

Fichier audio
A chantar m'er de so qu'eu no volria, interprétation d’une composition de la trobairitz Beatritz de Dia
Des difficultés à utiliser ces médias ?
Des difficultés à utiliser ces médias ?

Néanmoins, dans l’Occident des XIIe et XIIIe siècles, en dehors du cadre des communautés religieuses, on trouve les premières compositrices de musique profane ou sacrée. Les trobairitz ou troubadouresses, poétesses, principalement dans le sud (occitan) de la France, issues de la noblesse, appartiennent en effet à la société courtoise.

Diverses thèses tentent d’expliquer la situation particulière de ces femmes dans la pratique de la composition musicale : la composition serait devenue un accompagnement logique des talents musicaux indispensables à la vie de cour dans la France occitane[2] (chant, instruments), ou encore le pouvoir particulier que tenaient les femmes dans le sud de la France aux XIIe et XIIIe siècles leur aurait permis d’accéder à ces pratiques artistiques[3].

La seule composition d’une trobairitz dont la musique soit aujourd’hui connue est une canso de la comtesse Beatritz de Dia (vers 1140-après 1175), intitulé A chantar m'er de so qu'eu no volria[4].

Beatritz de Dia, Beatritz de Romans, Azalaïs de Porcairagues, ou Na de Casteldoza sont des poétesses et compositrices (Trobairitz) d'expression occitane ayant vécu dans le sud de la France au XIIe siècle.

Maroie de Diergnau, Herrade de Landsberg, Tibors de Sarenom, et quelques autres poétesses d'après l'an 1000, méritent d'être évoquées.

XVIe siècle

Maddalena Casulana est la première compositrice dont les œuvres sont publiées et imprimées. Elle dédie à Isabelle de Médicis son premier livre de madrigaux avec cette profession de foi :

« [Je] veux montrer au monde, autant que je le peux dans cette profession de musicienne, l’erreur que commettent les hommes en pensant qu’eux seuls possèdent les dons d’intelligence et que de tels dons ne sont jamais donnés aux femmes. »

  • Liste de compositrices du 16ème (en)

XVIIe siècle

  • Liste de compositrices du 17ème (en)

XVIIIe siècle

  • Liste de compositrices du 18ème (en)

XIXe siècle

Florence Launay, dans Les Compositrices en France au XIXe siècle dénombre un millier de compositrices pour ce seul pays - et étudie les mécanismes qui présidaient à leur effacement par la société masculine d'alors[précision nécessaire].

  • Liste de compositrices du 19ème (en)

Au XXe siècle et XXIe siècle[pourquoi ?]

Dans la musique classique

Portrait de Lili Boulanger.

En 1913, lorsque Lili Boulanger est la première femme à recevoir le Prix de Rome, la Villa Médicis n’est pas conçue pour recevoir de jeune femme : le Conservatoire national français, embarrassé, doit alors l’installer en ville. Cette anecdote atteste de la condition féminine dans la pratique de la composition musicale, durablement marquée par des barrières sociales et éducatives, que quelques femmes parvinrent cependant, au fil de l’histoire, à surmonter au gré d’occasions et de circonstances exceptionnelles.

Germaine Tailleferre participe au Groupe des Six sous l'égide de Jean Cocteau.

Claude Arrieu, après un premier prix de composition obtenu en 1932 au Conservatoire national de musique et de Paris, s'est intéressée à l'évolution du langage musical et des divers moyens techniques disponibles, ce qui l'amena à collaborer à plusieurs reprises avec Pierre Schaeffer au début de l'aventure de la musique concrète.

Betsy Jolas est une compositrice franco-américaine qui effectua des remplacements d'Olivier Messiaen au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris de 1971 à 1974 avant d'y être nommée professeur d'analyse en 1975 et de composition en 1978.

Jacqueline Fontyn, compositrice et pédagogue belge, après avoir étudié en Belgique, France et Autriche, est devenue en 1970 la première professeur de composition du Conservatoire royal de Bruxelles.

Édith Canat de Chizy, qui a été professeur de composition au conservatoire à rayonnement régional de Paris jusqu'en 2017, a été reçue en 2005 à l'Académie des beaux-arts par François-Bernard Mâche au fauteuil de Daniel-Lesur devenant ainsi la première femme compositrice à être admise à l'Institut de France.

Suzanne Giraud lui a succédé en 2017 au poste de professeur de composition du conservatoire à rayonnement régional de Paris. De 1984 à 1986 elle a été pensionnaire de la Villa Médicis.

Les vingtième et vingt-et-unième siècles ont vu une forte augmentation du nombre de compositrices sans pour autant que leur visibilité en soit considérablement accrue[réf. nécessaire]. On peut citer[pertinence contestée] Florence Baschet, Georgia Spiropoulos, Raphaèle Biston, Julia Blondeau, Unsuk Chin, Adrienne Clostre, Pascale Criton, Violetta Cruz, Marybel Dessagnes, Violeta Dinescu, Coralie Fayolle, Graciane Finzi, Marie-Hélène Fournier,Sally Gallet, Sofia Goubaïdoulina, Clara Iannotta, Madeleine Isaksson, Sophie Lacaze, Édith Lejet, Lin-Ni Liao, Liza Lim, Clara Maïda, Misato Mochizuki, Meredith Monk, Lara Morciano, Florentine Mulsant, Olga Neuwirth, Younghi Pagh-Paan (en), Camille Pépin, Claire Renard, Michèle Reverdy, Doina Rotaru, Kaija Saariaho, Rebecca Saunders, Elżbieta Sikora, Claire-Mélanie Sinnhuber, Clara Olivares, Diana Soh, Béatrice Thiriet, Leilei Tian (en), Isabel Urrutia, Francesca Verunelli, Xu Yi, Agata Zubel (pl)

La musique électroacoustique, et plus particulièrement la musique acousmatique, semble plus propice[pourquoi ?] à une émergence des compositrices dans les programmations de concert et de festivals parmi lesquelles[Interprétation personnelle ?] : Elisabeth L. Anderson, Natasha Barrett, Françoise Barrière, Marie-Hélène Bernard, Michèle Bokanowski, Thérèse Brenet, Martina Claussen, Marcelle Deschênes, Ingrid Drese, Chantal Dumas, Beatriz Ferreyra, Livia Giovaninetti, Christine Groult, Monique Jean, Elsa Justel (de), Elainie Lillios (en), Bérangère Maximin (nl), Kazuko Narita, Pauline Oliveros, Agnès Poisson, Lucie Prod’homme, Éliane Radigue, Carole Rieussec, Roxanne Turcotte, Annette Vande Gorne, Hildegard Westerkamp

Dans le jazz

Pendant longtemps, l'histoire du jazz s'est construite autour de grandes figures (masculines), des innovateurs qui ont marqué leur époque[5]. Il faut attendre les années 1980 pour que des historiens et historiennes réexaminent ce récit du jazz, en incluant notamment les dimensions sociologique, critique, culturelle ou de genre[6]. Linda Dahl, Antoinette D. Handy ou encore Sally Placksin ont ainsi fait réémerger des figures féminines du jazz[6]. Dans son ouvrage Swing Shift: “All-Girl” Bands of the 1940s, Sherry Tucker va contre l'idée d'une essence masculine du jazz de l'époque swing en s'intéressant aux groupes exclusivement féminins (Darlings of Rhythm, Sweethearts of Rhythm, Prairie View Co-eds, Harlem Playgirls…) À partir d'une analyse de genre de cette période, elle montre comment les représentations de genre ont façonné la musique et la culture de l'époque, et apporte de nouvelles manière de les appréhender[7].

Instrumentistes

Mary Lou Williams, vers 1946.

Les femmes instrumentistes sont plutôt rares dans le jazz. La pianiste, compositrice et arrangeuse Mary Lou Williams est une des exceptions à une époque où le jazz est massivement masculin[8]. Active des années 1920 aux années 1980, être une femme dans le monde très masculin du jazz ne lui a jamais vraiment causé de problèmes, comme elle le dit en 1979 : « Personne ne s'attendait à voir une femme assise sur scène avec 12 ou 18 hommes. Quand j'étais avec Andy Kirk, on ne me disait rien, parce tout le monde devenait fou quand je jouais. C'était l'époque où je commençais à jouer avec une main gauche puissante, comme Fats Waller, et on pensait que c'était incroyable qu'une femme fasse ça[9]. »

Le jeu de Williams a toujours été considéré comme égal à celui des hommes, voire comme « masculin »[10]. Elle-même a raconté tenir sa réputation du fait de jouer « comme un homme[11]. » Le contraste entre sa petite carrure et son jeu « masculin » a participé à impressionner[12]. Elle ne cherchait pourtant pas à dissimuler son genre et portait des robes sur scène, contrairement à certaines de ses contemporaines qui préféraient s'habiller en homme sur scène pour s'éviter des remarques[13]. Selon Linda Dahl, cette façon de caractériser le jeu de Williams est « révélatrice du dilemme auquel sont confrontées les femmes artistes, qui doivent ressembler aux hommes afin d'être prises au sérieux[14] », l'expression « jouer comme un homme » devant synonyme de « bien jouer »[15].

En France, la batteuse et compositrice Anne Paceo.

Chanteuses

Les chanteuses sont par contre nombreuses : Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Anita O'Day, Carmen McRae, Sarah Vaughan, Dinah Washington, Abbey Lincoln, Nina Simone, Shirley Horn, Jeanne Lee, Helen Merrill, Nancy Wilson, Dee Dee Bridgewater

Dans la chanson[Interprétation personnelle ?]

Si dans la chanson, les interprètes féminins sont très nombreuses, les duos et les groupes exclusivement féminins sont plus rares. Dans l'espace francophone, on peut notamment remarquer le duo Brigitte formé par les chanteuses Sylvie Hoarau et Aurélie Saada, Délinquante qui comprend les chanteuses Céline Ribaud et Claire Bernardo, Native, composé des chanteuses , Laura Mayne et Chris Mayne en France et Les Sœurs Boulay, au Québec.

Dans le rock

En 1944 Rosetta Tharpe compose "Rock me", considéré comme le premier titre de rock and roll[16],[17].

Dans les Riot grrrl : Bikini Kill, Bratmobile, mais aussi L7, Tribe 8...

En France: Les Suprêmes Dindes, Le Maximum Kouette (diverses orthographes)

Divers

Regroupe l’expérimental, la world et les inclassables.

Meredith Monk, Mansfield.TYA, Femmouzes T., CocoRosie...

Rock et electro: Le Tigre (groupe)

Notes et références

  1. L’interdiction pour les femmes de chanter dans les églises durera au moins jusqu’à la fin du XIXe siècle.
  2. Judith Tick, Women in music, 500-1500, Grove Music Online.
  3. Matilda Tomaryn Bruckner, Fictions of the Female Voice: The Women Troubadours. Speculum vol. 67 (no 4), octobre 1992 : pages 865 à 891. ISSN 0038-7134.
  4. Elizabeth Aubrey, Comtessa de Dia, Grove Music Online.
  5. Buehrer 2013, p. XIII.
  6. Buehrer 2013, p. XIV.
  7. Buehrer 2013, p. XV.
  8. (en) « Introduction aux archives Mary Lou Williams (2) », sur newarkwww.rutgers.edu (consulté le ).
  9. (en) Catherine O'Neill, « Swinger with a Mission », sur ratical.org, (consulté le ).
  10. Dahl 2000, p. 78.
  11. (en) Roland Baggenaes, Jazz Greats Speak : Interviews with Master Musicians, Lanham, The Scarecrow Press, , p. 47.
  12. Handy 1980, p. 200.
  13. Dahl 2000, p. 50.
  14. Dahl 2000, p. 77.
  15. (en) Katherine Soules, « “Playing Like a Man”: The Struggle of Black Women in Jazz and the Feminist Movement » [PDF], sur cedarville.edu, Cedarville University, (consulté le ).
  16. (es) « Rosetta Tharpe, la mujer que inventó el rock », sur Cosecha Roja, (consulté le )
  17. « Biographie de Sister Rosetta Tharpe », sur Universal Music France (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages généraux
  • Aaron Cohen, International encyclopedia of women composers, New York, Books & Music, 2e édition, 1987.
  • Danielle Roster, Les Femmes et la création musicale : les compositrices européennes du Moyen Âge au milieu du XXe siècle, L’Harmattan, Paris, 1998.
  • (en) Karin Pendle, Women and Music : A History, Bloomington IN., Indiana University Press, , 516 p. (ISBN 0-253-21422-X).
Musique classique
  • Florence Launay, Les Compositrices en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, , 544 p. (ISBN 2-213-62458-5, OCLC 191078494, notice BnF no FRBNF40145281).
  • Éric Tissie, Être compositeur, être compositrice en France au XXIe siècle, L'Harmattan, Paris, 2009.
Jazz
  • (en) Linda Dahl, Morning Glory : A Biography of Mary Lou Williams, Berkeley, University of California Press, , 465 p. (ISBN 978-0-520-22872-6, lire en ligne). 
  • (en) Theodore E. Buehrer, Mary's Ideas : Mary Lou Williams's Development as a Big Band Leader, vol. 25, Middleton, A-R Editions, Inc., coll. « Music of the United States of America (MUSA) », , 290 p. (ISBN 978-0-89579-762-9, lire en ligne). 
  • (en) Linda Dahl, Stormy Weather : The Music and Lives of a Century of Jazzwomen, Limelight Editions, , 371 p. (ISBN 978-0-87910-128-2).
  • (en) Antoinette D. Handy, Black Women in American Bands and Orchestras, Metuchen, N.J./London, Scarecrow Pr, , 319 p. (ISBN 978-0-8108-1346-5).
  • (en) Sally Placksin, American Women in Jazz, 1900 to the Present : Their Words, Lives and Music, New York, Penguin Adult, , 332 p. (ISBN 978-0-87223-760-5).
  • (en) Nichole T. Rustin (dir.) et Sherry Tucker (dir.), Big Ears : Listening for Gender in Jazz Studies, Duke University Press Books, coll. « Refiguring American Music », , 472 p. (ISBN 978-0-8223-4320-2, lire en ligne).
  • (en) Sherry Tucker, Swing Shift : “All-Girl” Bands of the 1940s, Duke University Press Books, , 424 p. (lire en ligne).
Rock
  • Les belles et les bêtes : Anthologie du rock au féminin, de la soul au metal, Camion Blanc, 2012.

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la musique
  • Portail de la musique classique
  • Portail du jazz
  • Portail des femmes et du féminisme
  • Portail de la sociologie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.