Communauté johannique

La communauté johannique, ou école johannique, ou encore milieu johannique, est, selon toute vraisemblance, un groupe de chrétiens de la fin du Ier siècle qui auraient écrit collectivement, en grec, le corpus johannique, notamment l'Évangile selon Jean. Parmi les exégètes qui ont le plus étayé l'hypothèse de l'existence de cette communauté, on peut citer Oscar Cullmann, Raymond E. Brown, Bart D. Ehrman, Harold W. Attridge, Udo Schnelle (en) et Jean Zumstein.

La proximité de ce courant avec les Douze Apôtres fait encore débat chez les spécialistes, tout comme ses liens avec un judaïsme « orthodoxe » ou plutôt « hétérodoxe », ainsi que le lieu où il se serait établi, encore que la majorité des chercheurs penchent pour l'Asie Mineure, probablement la région d'Éphèse.

Toujours est-il que ce groupe a légué au christianisme un corpus bien distinct des Évangiles synoptiques et semble avoir joué un rôle significatif dans la formation de la « Grande Église » et dans les définitions de la christologie.

La communauté

Le Papyrus 66 (Gregory-Aland), ou Codex saint Jean, v. 200.

La tradition chrétienne attribue à l'apôtre Jean de Zébédée la paternité du corpus johannique, c'est-à-dire l'Évangile, les trois épîtres et l'Apocalypse[1]. Cependant, les chercheurs modernes considèrent que Jean de Zébédée n'est l'auteur d'aucun de ces textes[1].

Pour la majorité d'entre eux, dont Bart D. Ehrman, la totalité de ce corpus johannique est due à un collectif d'auteurs spécifique[2],[3]. De même, pour Udo Schnelle (en), les recherches des deux biblistes Wilhelm Bousset[4] et Wilhelm Heitmüller[5] suffisent à démontrer l’existence de cette « école johannique »[6].

Les spécialistes situent généralement cette communauté à Éphèse, ou parfois à Damas, vers 90-110[7],[8].

De nombreux chercheurs considèrent toutefois que l'Apocalypse n'a pas la même origine que le reste du corpus johannique : elle serait l'œuvre d'un auteur distinct, peut-être Jean de Patmos, qui l'aurait écrite vers l'année 95, avec d'éventuelles interpolations de textes datant du début des années 60, sous le règne de Néron[9]. Udo Schnelle, notamment, estime que l'Apocalypse présente de trop grandes différences de style et de structure avec le reste du corpus pour provenir de la même communauté[10].

Le développement du corpus johannique

Sur la question de l’enchaînement des écrits johanniques, en excluant l'Apocalypse, Schnelle distingue deux modèles possibles[11] : le « modèle classique », avec la séquence : Évangile selon JeanPremière épître de JeanDeuxième épître de JeanTroisième épître de Jean ; et le « modèle alternatif », avec la séquence : Deuxième épître de Jean → Troisième épître de Jean → Première épître de Jean → Évangile selon Jean. Dans ce « modèle alternatif », l'ordre correspondrait au développement de la théologie johannique[12].

Dans l'évangile johannique, Raymond E. Brown discerne quatre phases de développement : les récits issus de l'apôtre Jean, l’édition partielle par ses disciples, la synthèse par le rédacteur et les ajouts d'un éditeur final[13]. En outre, le chapitre 21 montre qu'un narrateur s'exprime à la première personne du pluriel (« nous »), comme la voix d'une communauté qui reprend le témoignage d'un personnage appelé le « disciple bien-aimé »[13].

Bibliographie

Ouvrages

  • Yves Marie Blanchard, Les Écrits johanniques : une communauté témoigne de sa foi, Cahiers Évangile n° 138, éditions du Cerf,
  • Raymond E. Brown, La Communauté du disciple bien-aimé, éditions du Cerf, 1983
  • Raymond E. Brown, The Gospel and Epistles of John: A Concise Commentary, 1988 (ISBN 9780814612835)
  • Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999 (ISBN 2-8309-0943-7)
  • Oscar Cullmann, Le Milieu johannique: sa place dans le judaïsme tardif, dans le cercle des disciples de Jésus et dans le christianisme primitif, Labor et Fides, 1976
  • Bart D. Ehrman, The New Testament: A Historical Introduction to the Early Christian Writings, New York/Oxford, 2004 (ISBN 0-19-515462-2)
  • Camille Focant et Daniel Marguerat (dir.), Le Nouveau Testament commenté, Bayard/Labor et Fides, 2012, 4e éd. (ISBN 978-2-227-48708-6)
  • Charles E. Hill, The Johannine Corpus in the Early Church, New York, Oxford University Press, 2004
  • Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, Labor et Fides, 2008 (ISBN 978-2-8309-1289-0)
  • Claudio Moreschini, Enrico Norelli, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine, Labor et Fides, 2000
  • Udo Schnelle (en), Antidoketische Christologie im Johannesevangelium. Eine Untersuchung zur Stellung des vierten Evangeliums in der johanneischen Schule (FRLANT 144), Göttingen, 1987 (ISBN 3-525-53823-5)
  • Georg Strecker (de), Die Anfänge der Johanneischen Schule, New Testament Studies, vol. 32, 1986, p. 31-47
  • Jens-Wilhelm Taeger (de), Johannesapokalypse und johanneischer Kreis. Versuch einer traditionsgeschichtlichen Ortsbestimmung am Paradigma der Lebenswasser-Thematik, Walter De Gruyter, New York/Berlin, 1989 (ISBN 3-11-011359-7)
  • Jean Zumstein, La Communauté johannique et son histoire : La trajectoire de l'évangile de Jean aux deux premiers siècles, Labor et Fides , 1990

Articles et chapitres

Annexes

Articles connexes

Liens externes

    Notes et références

    1. Stephen L. Harris, Understanding the Bible: a Reader's Introduction, Palo Alto: Mayfield, 1985, (ISBN 978-0-87484-696-6), p. 355.
    2. Bart D. Ehrman, The New Testament: A Historical Introduction to the Early Christian Writings, New York/Oxford, 2004 (ISBN 0-19-515462-2), p. 178 sq.
    3. Jens-Wilhelm Taeger (de), Johannesapokalypse und johanneischer Kreis. Versuch einer traditionsgeschichtlichen Ortsbestimmung am Paradigma der Lebenswasser-Thematik, Walter De Gruyter, New York/Berlin, 1989.
    4. Wilhelm Bousset, Jüdisch-christlicher Schulbetrieb in Alexandria und Rom. Literarische Untersuchungen zu Philo und Clemens von Alexandria, Justin und Irenäus, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1915 (ND Olms, Hildesheim/Zürich/New York, 2004), p. 316.
    5. Wilhelm Heitmüller, Zur Johannes-Tradition, ZNW 15 (1914), p. 189–209.
    6. Udo Schnelle, Antidoketische Christologie im Johannesevangelium. Eine Untersuchung zur Stellung des vierten Evangeliums in der johanneischen Schule, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1987 (ISBN 3-525-53823-5), p. 53.
    7. « The Gopel According to John », Encyclopaedia Britannica.
    8. Raymond E. Brown, Introduction to the New Testament, Anchor Bible, New York, 1997 (ISBN 0-385-24767-2), p. 334.
    9. Bart D. Ehrman, The New Testament: A Historical Introduction to the Early Christian Writings, 2004, p. 468.
    10. Udo Schnelle, Das Evangelium nach Johannes. Theologischer Handkommentar zum Neuen Testament 5. Aufl., Evangelische Verlagsanstalt, Leipzig, 2016 (ISBN 978-3-374-04317-0), p. 2.
    11. Udo Schnelle, « Die Reihenfolge der johanneischen Schriften », New Testament Studies 57, 2011, p. 91–113.
    12. Udo Schnelle, Das Evangelium nach Johannes. Theologischer Handkommentar zum Neuen Testament, 5. Aufl., Evangelische Verlagsanstalt, Leipzig, 2016 (ISBN 978-3-374-04317-0), p. 9.
    13. Raymond E. Brown, The Gospel and Epistles of John: A Concise Commentary, 1988 (ISBN 9780814612835), p. 100 sq.
    • Portail du christianisme
    Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.