Chromosome Y

Le chromosome Y est l'un des deux gonosomes d'un mammifère, l'autre étant le chromosome X. Chez l'être humain, les chromosomes sexuels sont l'une des 23 paires de chromosomes[1].

Cet article concerne le chromosome Y chez les mammifères. Pour les autres cas, voir Système XY de détermination sexuelle.

Le chromosome Y humain

Le chromosome Y s'étend sur environ 57 millions de paires de bases azotées[2] et représente entre 0,5 % à 1 % de l'ADN total des cellules. Il peut être utilisé pour tracer la lignée parentale. Contrairement à ce que laisse imaginer son nom, il a la même forme que les autres chromosomes (forme de X ou de H selon les interprétations). Il a été nommé Y simplement pour suivre dans l'alphabet[3],[4]. C'est un hasard si sa forme peut faire penser à un Y[5].

Il fait partie du système XY de détermination sexuelle, un des deux systèmes de déterminisme sexuel lié à des chromosomes sexuels (l'autre étant le système WZ de détermination sexuelle, utilisé notamment par les oiseaux). Il contient des gènes qui provoquent le développement des testicules, déterminant le phénotype masculin.

Fonction

Normalement, chaque personne possède une paire de chromosomes sexuels dans chaque cellule. Les mâles présentent un chromosome Y et un chromosome X, alors que les femelles présentent deux chromosomes X.

Origines et évolution

Avant le chromosome Y

Beaucoup de vertébrés à sang froid n'ont pas de chromosomes sexuels. S'ils ont des sexes différenciés, ceux-ci sont déterminés par l'environnement et non par les gènes. Pour certains, en particulier des reptiles, le sexe dépend de la température d'incubation. D'autres sont hermaphrodites.

On peut penser ainsi qu'avant que le chromosome Y n'apparaisse, il en était de même pour toutes les espèces.

Origine du chromosome Y

Les chromosomes X et Y dérivent de chromosomes reptiliens (les protochromosomes X et Y) qui sont apparus il y a 300 millions d'années. Un des gènes a muté et est devenu le gène SRY. Ce gène induit la masculinisation de l'individu. Les gènes présents sur le chromosome Y ne sont donc soumis à la sélection qu'au travers d'individus mâles, en résulte une accumulation de gènes favorables aux mâles et défavorables aux femelles. Le chromosome Y étant isolé, il ne peut bénéficier à la différence du chromosome X de réparation selon le mécanisme de recombinaison homologue au cours de la mitose (il possède son propre mode de réparation qui s'appuie sur les séquences répétées de ses gènes ou amplicons, lui permettant une auto-recombinaison en « interne »)[6].

–300 millions d'années. Chez un ancêtre commun à tous les mammifères, la mutation d'un gène (SOX3) a créé un nouveau gène (SRY) qui détermine les caractères du sexe mâle. SRY est apparu sur un des chromosomes d'une paire d'autosomes. À l'époque, les animaux (poissons, insectes, amphibiens et les premiers reptiles) ne possédaient que des chromosomes autosomes (non sexuels). Ils étaient soit hermaphrodites (hermaphrodisme simultané ou séquentiel), leur sexe étant déterminé par des facteurs de l'environnement (chez le crocodile, le sexe dépend de la température ; chez les poissons, il dépend de l'âge, de la température d'incubation des œufs), soit gonochoriques (leur caryotype paraissant identique, mais il existe une différence au niveau du séquençage du génome)[7]. Le chromosome de la paire d'autosomes qui a le gène SRY est l'ancêtre du chromosome Y ou proto-Y. L'autre chromosome de la même paire est l'ancêtre du chromosome X ou proto-X.

Entre –300 et –180 millions d'années. L'acquisition du gène SRY entraîne l'accumulation progressive de gènes bénéfiques pour le proto-Y. Il diverge de plus en plus du proto-X. Vers –180 Ma, devenus trop différents, X et Y cessent de se recombiner chez les mammifères placentaires.

Entre –180 et –25 millions d'années. Interdit de recombinaison, le Y s'amenuise lors d'accidents génétiques. Le X est préservé car, chez les femelles, les deux chromosomes X peuvent se recombiner entre eux.

Depuis 25 millions d'années, le chromosome Y des primates de la lignée humaine a cessé de dégénérer, ne perdant qu'un seul gène[8][réf. nécessaire]. Aujourd'hui, le chromosome Y humain a perdu 97 % de ses gènes ancestraux. Ceux qui subsistent interviennent souvent[évasif] dans la formation des testicules et la production du sperme[9].

Maintenance du chromosome Y

La survie à long terme du chromosome Y est l'un des mystères de la génétique moderne. En effet selon l'hypothèse de certains scientifiques le chromosome Y est en dégénérescence et appelé à disparaître. Des travaux effectués par une équipe américano-néerlandaise[réf. souhaitée] révèlent que le chromosome Y comporte de larges régions palindromiques suspectées de permettre l'autoréparation d'un ADN endommagé. Depuis on pense que, pour se réparer, le chromosome Y aurait recours à des recombinaisons intrapalindromiques par échange et recombinaison de l'information située entre les régions palindromiques. Le mécanisme lui-même est inconnu, tout comme ses conséquences néfastes possibles. Les chercheurs sont en effet partis d'un groupe de 2400 patients ayant tous des anomalies sexuelles diverses et on a découvert de nombreux chromosomes Y « autorecombinés » anormaux, en particulier les chromosomes à deux centromères. Cette anomalie est défavorable car elle complique et provoque des erreurs dans le processus de mitose, ce qui pourrait être à l'origine des défauts observés. Les chercheurs pensent que la présence de deux centromères provient de recombinaisons aberrantes des régions palindromiques qui pourraient tout aussi bien créer des chromosomes sans centromères. En conclusion, le chromosome Y s'autorépare probablement bien par commutation de régions palindromiques mais au risque de générer des anomalies graves.

Enjambement limité

La zone autour des gènes déterminant le sexe est inhibée, de telle sorte qu'aucun enjambement avec le chromosome X ne soit possible à cet endroit. Sans cela, des incohérences sexuelles apparaîtraient trop fréquemment. C'est pourquoi seulement 5 % de la longueur du chromosome Y, à proximité des télomères, peut se recombiner avec le chromosome X. Ces régions sont des reliquats de l'ancienne homologie entre les chromosomes sexuels.

Ces deux régions sont nommées les régions pseudo-autosomiques

  • PAR1 est situé à l'extrémité du bras court du chromosome Y, c'est là que se font les recombinaisons pendant la méiose avec les régions correspondantes du chromosome X. Cette recombinaison sur la région PAR1 se fait plus près de la région télomérique que de la zone frontière avec la région euchromatique (la région du bras court contenant de l'ADN NRY non recombinant).
  • PAR2 est situé à l'extrémité du bras long du chromosome Y, et des recombinaisons à cet emplacement pendant la méiose sont beaucoup plus rares.

Chromosome Y humain

Caractéristiques

  • La plus grande partie du chromosome Y ne contient aucun matériel génétique fonctionnel. Il n'existe que 3 maladies génétiques en rapport avec le chromosome Y, toutes en rapport avec la différenciation sexuelle.

Maladies génétiques

Les états suivants sont dus à des modifications de la structure ou du nombre de copies du chromosome Y.

  • Le Syndrome de Klinefelter est causé par la présence d'une copie supplémentaire du chromosome X dans le corps des cellules (47,XXY). Des variantes du syndrome font intervenir plus d'un X surnuméraire. Dans un petit pourcentage de cas, des mâles avec une variante du syndrome de Klinefelter ont une copie supplémentaire du chromosome X et du chromosome Y (48,XXYY). Les chromosomes additionnels empêchent un développement normal des fonctions sexuelles.
  • Le Syndrome 47,XYY est causé par la présence d'une copie supplémentaire du chromosome Y dans le corps des cellules (47,XYY). Les chercheurs ne savent pas encore pourquoi un tel syndrome se manifeste par une taille importante.

Utilisation en généalogie génétique

Puisque le chromosome Y est uniquement transmis du père à son fils, l'étude génique du chromosome Y permet de suivre la lignée mâle (directe) d'une famille, d'une ethnie ou d'une espèce (lignée patrilinéaire).

Ainsi, plusieurs laboratoires d'analyses génétiques annoncent le service d'analyse du chromosome Y pour déterminer certains liens de filiation par le lignage paternel.

Également, des laboratoires spécialisés dans le domaine de la généalogie génétique, utilisent des méthodes similaires d'analyse pour vérifier les possibles filiations des restes archéologiques. Par exemple, en 2012 la tête supposée de Henri IV aurait pu être identifiée comme appartenant à un aïeul de Louis XVI par la lignée paternelle. Néanmoins, la pertinence de cette conclusion est contestée par des historiens et des généticiens[10].

Le test utilisé pour la vérification des liens familiaux proches étudie normalement moins de marqueurs génétiques dans le chromosome Y que le test utilisé dans le champ de la généalogie génétique.

Chromosome Y chez les non-mammifères

La mouche drosophile possède un chromosome Y, mais il n’est pas utilisé pour la détermination du sexe.

Notes et références

  1. Karin Jegalian et Bruce Lahn, « L'étonnant Chromosome Y », Pour La Science Fr, (lire en ligne)
  2. (en) « UCSC Genome Browser hg38 », sur genome.ucsc.edu, (consulté le )
  3. David Bainbridge, The X in Sex: How the X Chromosome Controls Our Lives, pages 3-5, 13, Harvard University Press, 2003 (ISBN 0674016211).
  4. James Schwartz, In Pursuit of the Gene: From Darwin to DNA, pages 170-172, Harvard University Press, 2009 (ISBN 0674034910)
  5. Bainbridge, pages 65-66
  6. (en) Bruce T. Lahn, David C. Page, « Four Evolutionary Strata on the Human X Chromosome », Science, vol. 286, no 5441, , p. 964-967 (DOI 10.1126/science.286.5441.964).
  7. Thierry Hoquet, Des sexes innombrables, Le Seuil, , p. 121.
  8. selon David Page, du MIT
  9. Florence Rosier, « Le chromosome Y est-il en sursis ? », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  10. http://www.lepoint.fr/culture/l-authentification-de-la-tete-d-henri-iv-contestee-par-un-historien-02-01-2013-1607912_3.php Lepoint.fr

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Ensemble Genome Browser
  • (en) Online Mendelian Inheritance in Man, OMIM (TM). Johns Hopkins University, Baltimore, MD.
  • (en) Cordum, H.S., et. al. (2003) The male-specific region of the human Y chromosome is a mosaic of discrete sequence classes. Nature, 423, 825-837
  • (en) Rozen, S., et. al. (2003) Abundant gene conversion between arms of palindromes in human and ape Y chromosomes. Nature, 423, 873-876.
  • (en) Biofutur no 304, Philippe Deroin, (2009), biologie moléculaire, Le chromosome Y livre quelques secrets, page 14.
  • Portail de la médecine
  • Portail de la biologie cellulaire et moléculaire
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.