Christophe-Philippe Oberkampf

Christophe-Philippe Oberkampf, né le à Wiesenbach[note 1] et mort le à Jouy-en-Josas, est un industriel français d’origine allemande. Il est resté célèbre pour avoir fondé la manufacture royale de toiles imprimées de Jouy-en-Josas où était fabriquée la toile de Jouy.

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Biographie

Né dans une famille de teinturiers de Wiesenbach, Oberkampf est le descendant d'une lignée de teinturiers luthériens du Wurtemberg. Il apprend le métier chez son père, établi à Aarau en Suisse comme fabricant de toiles imprimées, les indiennes[note 2], puis se rend à Bâle chez des indienneurs, des producteurs d'indiennes.

En , à 18 ans, le jeune Oberkampf acquiert son indépendance et entre comme graveur à la manufacture d'impression Koechlin et Dollfus[note 3] à Mulhouse. En octobre 1758, il monte à Paris et s'engage comme coloriste dans les ateliers d'indiennes du fabricant Cottin installés à l'Arsenal[1].

Lorsque cette industrie devient légale en France le , il propose au suisse du roi Louis XVI, Antoine Guernes, dit « Tavannes », de s'associer avec lui pour la création, à Jouy-en-Josas, d'une manufacture d'indiennes. Les premières toiles sont imprimées le et connaissent un succès qui permet à Oberkampf d'agrandir, en , sa fabrique sur un vaste terrain de 18 000 m2. L'effectif de la manufacture croît rapidement et atteint 900 ouvriers en . Son seul associé, de à , fut Sarrasin de Maraise, dont la femme, Marie-Catherine-Renée, née Darcel, tenait la comptabilité de la manufacture.

En , justifiant de dix ans de résidence en France, Oberkampf et son frère sont naturalisés français. À la même époque, les planches de bois sont remplacées par des plaques de cuivre, gravées également, mais souples pouvant être fixées sur des tambours cylindriques. Cette évolution technique importante, due à son neveu Samuel Widmer[note 4], va permettre à l'entreprise d'augmenter considérablement sa production et d'entrer dans l'ère de la mécanisation.

Manufacture royale

Buste d'Oberkampf dans le jardin de la mairie de Jouy-en-Josas.

En , la fabrique reçoit du roi Louis XVI le titre de manufacture royale et en , Oberkampf, anobli par lettre de mérite en , reçoit du roi le titre d'écuyer ainsi que le droit de disposer d'armoiries et d'une devise Recte et vigilanter (droiture et vigilance). Sa manufacture produit à cette époque environ 30 000 pièces par an et mobilise 800 ouvriers[2].

La réforme des départements et des communes par la Révolution l'amène à être nommé, le , maire de Jouy-en-Josas. Le 26 fructidor an III, Oberkampf se porte acquéreur de l'ancienne ferme royale de Bouviers à Guyancourt, afin de contrôler la qualité des eaux de la Bièvre dont la source se trouve sur les terres de cette ferme. Il ouvre aussi une succursale dans le bourg d'Essonnes, sur la rivière Essonne[3].

La manufacture reste florissante durant la Révolution et devient la deuxième entreprise du pays après la manufacture de glaces de Saint-Gobain[note 5]. À partir de 1805, le commerce décline et l'effectif du personnel, qui avait atteint 1 600 ouvriers[note 6], doit être réduit. En 1816, 550 travailleurs sont salariés par l'entreprise Oberkampf.

En , Oberkampf obtient la médaille d'or de première classe à l'exposition des produits de l'industrie au Louvre pour son rôle éminent dans la fabrication des toiles peintes. Le , à l'occasion d'une visite des ateliers, Napoléon lui décerne la légion d'honneur.

Déclin

De nouveau en , la baisse de la demande et la concurrence se font sentir. L'effectif tombe à 435, avant que la manufacture ne ferme momentanément durant l'invasion des armées coalisées contre l'Empereur. Quand Oberkampf meurt en , la manufacture est confiée à son neveu Samuel Widmer. À la mort de celui-ci, en , un de ses fils Émile Oberkampf, s'associe à Barbet de Jouy, puis lui cède totalement en les bâtiments. La manufacture, spécialisée dans le haut de gamme, ne peut résister à la concurrence et fait finalement faillite, fermant ses portes en .

La famille Oberkampf, peint par Louis-Léopold Boilly.

Christophe-Philippe Oberkampf est enterré dans le jardin de sa maison, devenue le conservatoire de musique de Jouy-en-Josas[note 7].

Hommages et postérité

Son nom a été donné à une rue de Paris, dans le XIe arrondissement ainsi qu'à la station de métro qui la dessert.

Gendre de Michel Massieu de Clerval, il est le père d'Émilie Oberkampf, pionnière de l'école maternelle en France et épouse du banquier Jules Mallet, de Laure Oberkampf, épouse du baron James Mallet, et du baron Émile Oberkampf. Il est également le grand-père d'Ernest Feray, et de Nathalie Mallet (1813-1884), (fille d’Émilie), épouse du peintre Pierre-Antoine Labouchère.

Iconographie

Le musée de la toile de Jouy conserve plusieurs portraits peints d'Oberkampf, un par François Gérard daté de 1819, deux de Louis-Léopold Boilly.

Notes et références

Notes

  1. Ce village fait aujourd'hui partie de la ville de Blaufelden dans l'arrondissement de Schwäbisch Hall de l'État de Bade-Wurtemberg : voir Blaufelden sur la Wikipédia germanophone.
  2. Une indienne est une étoffe de coton peinte ou imprimée, initialement fabriquée en Inde, puis copiée par les manufacturiers européens
  3. En , la ville de Mulhouse devient industrielle lorsque de jeunes bourgeois (Jean-Henri Dollfus, Jean-Jacques Schmaltzer, Samuel Kœchlin et Jean-Jacques Feer) lancent l'indiennage, c'est-à-dire l'impression de cotonnades à la planche (Encyclopaedia Universalis, Mulhouse)
  4. Samuel Widmer, inventeur de la machine à graver les cylindres métalliques
  5. En exceptant les entreprises minières telles les Mines d'Anzin (4 000 travailleurs en 1789)
  6. Ce nombre regroupe les effectifs de deux établissements de l'entreprise Oberkampf, celui de Jouy-en-Josas et celui de la filature de coton d'Essonnes près de Corbeil. En 1806 les archives de l'entreprise mentionnent 1 021 ouvriers à Jouy et 306 à Essonnes. En 1808 les effectifs sont de 714 à Jouy et 189 à Essonnes. En 1815 le total des deux établissements tombe à 550. Cf A. Dewerpe, Y. Gaulupeau, p. 31.
  7. De nombreux ouvrages indiquent qu'il est enterré au cimetière du Père-Lachaise (39e division). Il s'agit en fait de son fils Émile Oberkampf. Voir Cimetières de France et d'ailleurs

Références

  1. Mélanie Riffel, Sophie Rouart et Marc Walter, La toile de Jouy, Citadelles & Mazenod, , p. 14
  2. Françoise Bayard et Philippe Guignet, L'économie française aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Ophrys, , 264 p. (ISBN 978-2-7080-0645-4, lire en ligne), p. 172
  3. Charles Oudiette, Dictionnaire des environs de Paris, p. 235, 1817, reprint les éditions du Bastion, 2000.

Voir aussi

Bibliographie

  • Serge Chassagne, Christophe-Philippe Oberkampf, un entrepreneur capitaliste au Siècle des Lumières, Paris, Aubier-Montaigne, 1981.
  • Serge Chassagne, Une Femme d’affaires au XVIIIe siècle. La correspondance de Madame de Maraise, collaboratrice d’Oberkampf, Toulouse, Éditions Privat, 1981.
  • Alain Dewerpe & Yves Gaulupeau, La fabrique des prolétaires. Les ouvriers de la manufacture d'Oberkampf à Jouy-en-Josas 1760-1815, Rue d'Ulm, 1990, 224 p. (ISBN 978-2728801503)
  • Aziza Gril-Mariotte, « Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815) et l'industrie des toiles peintes en France. L'impact du protestantisme sur son parcours et la création », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 1, no 2, avril-mai-juin 2016, p. 207-227 (lire en ligne, consulté le ).
  • Etienne Mallet, Oberkampf, vivre pour entreprendre, Editions Télémaque, 2015
  • « Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815) », notice du Musée virtuel du protestantisme, en ligne.
  • Sébastien Palle, L'étoffe du destin, roman aux Editions Héloïse d'Ormesson, 2019
  • Michel Sementery, Christophe-Philippe Oberkampf, sa famille et sa descendance, éd. Christian, 1990.

Articles connexes

Liens externes

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