Chimère (génétique)

En génétique, une chimère est un organisme, animal en général, formé de deux (ou plus) populations de cellules génétiquement distinctes.

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Une souris chimérique avec ses petits

La chimère peut être issue de reproduction sexuée, elle résulte alors d'une double (ou multiple) fécondation créant plusieurs zygotes (cellules-œuf). Chaque population de cellules conserve son propre caractère génétique, si bien que l'organisme résultant est une combinaison de tissus ou organes de différents types, mais néanmoins compatibles. La chimère peut également résulter d'une reproduction végétative, par greffage.

Le terme de chimère est utilisé en références aux créatures chimériques de la mythologie.

Occurrences humaines

Chimérisme complet

Le phénomène de chimérisme complet est extrêmement rare chez l'être humain mais pas totalement impossible. Moins d'une centaine de cas sont décrits dans la littérature médicale[1]. Les chimères n'apparaissent donc qu'à l'occasion de grossesses gémellaires, beaucoup plus fréquentes à la suite de l'utilisation de médicaments pour améliorer la fertilité et à la procréation médicalement assistée.

Peu après une double fécondation, qui aurait dû entraîner la naissance de deux jumeaux dizygotes, il arrive que les deux œufs se retrouvent au même endroit et fusionnent. Le développement d'un seul embryon continue normalement. Le fœtus possèdera ainsi certaines parties du corps avec un génotype donné et le reste caractérisé par un autre génotype, proche mais similaire à celui d'un proche parent.

Une femme devait subir une transplantation du rein et les analyses effectuées sur un de ses fils montraient qu'elle ne pouvait être sa mère. Une étude plus poussée permit de découvrir qu'elle possédait des ovaires avec deux génomes. Et elle possédait un génotype spécifique pour sa tête alors que son tronc était génétiquement différent[2]. De même, Lydia Fairchild a été poursuivie pour avoir sollicité une pension alimentaire alors que les tests génétiques lui refusaient le statut de mère biologique de l'enfant qu'elle portait[3].

Les chimères humaines peuvent présenter des lignes de Blaschko[4].

Chimérisme hématopoïétique

Le chimérisme n'est pas forcément aussi intriqué et peut ne porter que sur certaines lignées cellulaires, en particulier hématopoïétiques, les deux jumeaux étant parfaitement distincts, par opposition aux frères siamois. S'il y a contact et connexion circulatoire au niveau des placentas, nous pouvons observer une greffe de cellules souches chez les jumeaux, ou plus fréquemment, chez l'un d'eux seulement. Ce chimérisme est constaté fortuitement lors d'une détermination de groupe sanguin (ABO, RH, KEL) qui met en évidence la présence d'une double population cellulaire, les deux populations ayant des groupes différents. Il y a tolérance immunitaire parfaite, sans aucune conséquence clinique. Ces cas, qui sont moins exceptionnels et dont les premiers ont été décrits il y a plus de cinquante ans[5], peuvent faire conclure à de fausses exclusions de maternité ou de paternité lorsque l'expertise est effectuée sur prélèvements sanguins, le génome déterminé sur le sang circulant étant différent du génome des gonades. Dans ce cas, l'expertise effectuée en biologie moléculaire sur frottis jugal évite ou rectifie l'erreur.

Microchimérisme

Le Microchimérisme (en) consiste en la présence de cellules étrangères chez un hôte. Il est décrit essentiellement comme transfert de cellules fœtales dans l'organisme maternel ou de cellules maternelles dans l'organisme fœtal. Les raisons de la tolérance de ces cellules dans un organisme étranger ne sont pas entièrement claires, mais la recherche actuelle suggère qu'il s'agit de mécanismes de protection de la progéniture[6].

Selon la recherche la plus récente de , des cellules souches migrent du lait maternel vers le cerveau du bébé, avec le même objectif à savoir protéger la progéniture et renforcer le système immunitaire[7].

Le microchimérisme pourrait être responsable de certaines maladies, selon cette source de 2010[8], mais il serait intéressant de trouver des références plus récentes.

Occurrences animales

Cas de gynandromorphisme chez un papillon Argus bleu

Les ouistitis sont très souvent chimériques entre fratries[9].

On rencontre aussi des chimères interspécifiques (entre espèces différentes). Le plus souvent ces espèces sont proches, avec en particulier les chimères souris-rat et mouton-chèvre. Les mouton-chèvre sont stériles, les souris-rat aboutissent à la disparition des cellules de rat. Des chimères d'espèces très proches peuvent être fertiles (espèces de souris Mus musculus et M. caroli). Les hybrides mouton-chèvre sont des chabins ou ovicapres. Les produits issus de la fécondation artificielle sont des chimères chèvre-mouton.

Le gynandromorphisme est une forme de chimérisme qui donne des animaux dont une moitié est mâle et l'autre femelle. Ce phénomène est notamment bien visible chez les insectes qui présentent un dimorphisme sexuel important.

Occurrences végétales

Mutation spontanée

Tulipe mutante, avec un demi pétale jaune

Le chimérisme peut être dû à une anomalie résultant d'une mutation spontanée chez la plante.

Greffage

+Laburnocytisus, Une chimère entre Laburnum anagyroides et Chamaecytisus purpureus

Le greffage conduit à la production d'une chimère végétale. En effet, les cellules du porte-greffe et celles du (ou des) greffon(s) disposent de leur génome distinct, et cohabitent au sein d'un même organisme. Un génome peut être associé à un organe, par exemple dans le cas de la vigne : les racines sont celles d'une vigne américaine, résistante au phylloxéra, tandis que les parties aériennes sont celles d'un cépage reconnu pour les qualités organoleptiques de sa production.

Un végétal greffé ne peut pas se reproduire à l'identique par voie sexuée. Ainsi, dans l'exemple précédent, la floraison du greffon permettra à celui-ci de produire des ovules et du pollen contenant sa propre information génétique mais pas celle de son porte-greffe.

Génie génétique et génomique

  • La « chimèraplastie » (« chiméraplastie » ou génoplastie), dans le domaine de la génomique est la réparation ou le changement, via une «chimère ADN-ARN» d'un court segment d'ADN ou d'un gène ciblé, au niveau d'un seul nucléotide, ou de quelques nucléotides d'un gène, sans affecter physiquement le reste du génome ni modifier le fonctionnement normal des protéines et des cellules. Elle vise à « assurer la guérison sans nécessité d’un traitement prolongé puisqu’elle a pour objet de corriger définitivement la mutation »[10].
  • Trois domaines utilisent ces techniques
    • la thérapie génique (réparation d'« erreurs » génétiques impliquées dans certaines maladies) ; En hybridant à une zone mutée, un oligonucléotide chimérique, ce dernier peut activer des systèmes de réparation spécifique, via des enzymes naturellement produits au sein de la cellule, qui corrigent la mutation (méthode est en cours d’évaluation en expérimentation pré-clinique[11]).
    • l'agro-industrie, pour des produits agroindustriels basés sur des caractères ciblés de certaines plantes;
    • La recherche génomique par l'emploi de modèles animaux.
  • Le Protocole de Carthagène sur la Biosécurité ne considère pas ce type de modification génétique comme produisant des OGM.
  • La chimère est différente de l'hybride. L'hybride fait cohabiter des chromosomes de différentes origines (lignées, populations, espèces ou genres différents) au sein d'un même génome, tandis que la chimère fait cohabiter des génomes différents au sein d'un même organisme.
  • La chimère est également différente de l'organisme transgénique. Le transgène et le génome d'origine cohabitent au sein d'un nouveau génome, qui est identique pour toutes les cellules de l'individu transformé (sauf si celui-ci est lui-même chimérique, par exemple, si c'est un végétal greffé).
  • En biologie développementale, l'utilisation de chimères a permis des avancées majeures pour la compréhension de la formation de la crête neurale, avec le développement en 1969 par Nicole Le Douarin, d'une technique originale de visualisation de la différenciation et de la migration des cellules embryonnaires, la fusion d'embryons chimériques caille-poulet. Cette approche a permis des avancées cruciales dans la connaissance des systèmes nerveux et immunologique.
  • En , le gouvernement britannique a donné son autorisation à la création de chimères d'humain et d'animal, in vitro, dans le cadre de recherches scientifiques. Ce sont des équipes impliquées dans les recherches sur les cellules souches qui souhaitent travailler sur de tels organismes. En pratique, des noyaux de cellules humaines sont placés au sein d'ovocytes animaux, lapins ou bovins, par exemple[12].
  • En 2019, le gouvernement japonais autorise le chercheur Hiromitsu Nakauchi à créer des chimères d'humain et d'animal, in vivo, en implantant des cellules humaines dans des embryons d’animaux[13].

Références

  1. Howard Wolinsky, « A mythical beast. Increased attention highlights the hidden wonders of chimeras », EMBO reports, vol. 8, no 3, , p. 212–214 (lire en ligne)
  2. Damn Interesting » The Not-So-Legendary Chimera
  3. Le Temps - Chimères: j’ai deux ADN en moi
  4. Understanding Genetics: Human Health and the Genome
  5. I. Dunsford, C.C. Bowle, A.M. Hutchison, J.S. Thompson, R. Sanger et R. R. Race A human blood-group chimera. Brit. med. J. 1953, ii, 81
  6. (en) Fetal microchimerism and maternal health: a review and evolutionary analysis of cooperation and conflict beyond the womb. Boddy AM et al. Bioessays 2015 ; 37(10) : 1106-18. (Traduction française dans les Dossiers de l'allaitement, 2016, 115)
  7. (en) Even to the Brain: Yes, Breastmilk Stem cells do transfer to organs of offspring. Foteini Kakulas (formerly Hassiotou), in Splash, Milk science update, février 2019.
  8. Nelson L, Des cellules en partage : le microchimérisme, Pour la Science, février 2010, p 56-63
  9. (en) C. N. Ross Germ-line chimerism and paternal care in marmosets (Callithrix kuhlii) dans PNAS, Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104 no. 15, 6278–6282
  10. Raymond ARDAILLOU, La thérapie génique : bilan et perspectives Gene therapy : present evaluation and prospects, RAPPORT au nom du groupe de travail bi-académique (Académie nationale de médecine – Académie nationale de pharmacie)
  11. Musclepedia En quoi consiste la thérapie génique ?
  12. La Grande-Bretagne autorise des "chimères" homme-animal Le Monde,
  13. Paul Benkimoun, « Un chercheur japonais autorisé à créer des embryons chimériques animaux-humains », sur lemonde.fr, .

Voir aussi

Liens externes

Articles connexes

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