Chevalier, mult estes guariz

Chevalier, Mult Estes Guariz (en français: Chevalier, le salut est beaucoup plus probable) est un chant médiéval composé pour le roi Louis VII et ses chevaliers à l'annonce du déclenchement de la Deuxième Croisade en 1145.

Contexte

En 1144 la forteresse d'Édesse tombe aux mains d'Imad ed-Din Zengi, l'atabeg de Mossoul et d'Alep. Le siège ne dure qu'un mois et l'atabeg en profite pour massacrer des milliers d'habitants lors de la capture de la ville. En conséquence, le pape Eugène III publie la bulle Quantum praedecessores le 1er décembre 1145 appelant à la deuxième croisade.

Le roi de France Louis VII et l'empereur germanique Conrad III s'engagent, après quelques hésitations, dans une expédition vers l'orient. Les croisés se dirigent vers les terres saintes en juin 1147 accompagnés de 35 000 hommes. On suppose que la chanson Chevalier, Mult Estes Guariz fût écrite entre l'annonce du départ en croisade le 25 décembre 1145 et de son départ effectif le 12 juin 1147[1].

Paroles

Vieux français Français
Chevalier, mult estes guariz,

Quant Deu a vus fait sa clamur

Des Turs e des Amoraviz,

Ki li unt fait tels deshenors.

Cher a tort unt ses fîeuz saiziz;

Bien en devums aveir dolur,

Cher la fud Deu primes servi

E reconnu pur segnuur.

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Pris est Rohais, ben le savez,

Dunt crestiens sunt esmaiez,

Les mustiers ars e désertez:

Deus ni est mais sacrifiez.

Chivalers, cher vus purpensez,

Vus ki d’armes estes preisez;

A celui voz cors présentez

Ki pur vus fut en cruiz drecez.

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Pernez essample a Lodevis,

Ki plus ad que vus nen avez:

Riches est e poesteïz,

Sur tuz altres reis curunez:

Déguerpit ad e vair e gris,

Chastels e viles e citez:

Il est turnez a icelui

Ki pur nus fut en croiz penez.

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Deus livrât sun cors a Judeus

Pur mètre nus fors de prisun;

Plaies li firent en cinc lieus,

Que mort suffrit e passiun.

Or vus mande que Chaneleus

E la gent Sanguin le felun

Mult li unt fait des vilains jeus:

Or lur rendez lur guerredun!

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Deus ad un turnei enpris

Entre Enfern e Pareïs,

Si mande trestuz ses amis

Ki lui volent guarantir

Qu’il ne li seient failliz.

Ki ore irat od Loovis.

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Char le fiz Deu al Creatur

Ad Rohais estre ad un jorn mis:

[...]

Pur la vengance Deu furnir.

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Car s’aime en iert en pareïs

Od les angles nostre Segnor.

Alum conquere Moïses,

Ki gist el munt de Sinaï;

A Saragins nel laisum mais,

Ne la verge dunt il partid

La Roge mer tut ad un fais,

Quant le grant pople le seguit;

E Pharaon revint après:

Il e li suon furent périt.

Ki ore irat od Loovis

Ja mar d’enfern avrat pouur,

Char s’aime en iert en parais

Od les angles nostre Segnor.

Chevaliers, vous êtes sous très bonne protection,

Quand c’est vers vous que Dieu s’est plaint

Des turques et des Almoravides,

Qui lui ont fait une si grand honte

En saisissant à tort ses fiefs.

Il est juste que nous en souffrions

Car c’est là que Dieu fut d’abord servi

Et reconnu pour seigneur.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Rohais est pris, bien le savez,

Dont les chrétiens sont en émoi

Les monastères brûlent et sont désertés,

Dieu n’y est plus célébré

Chevaliers, songez-y bien,

Vous qui êtes prisés pour vos faits d’armes,

Offrez vos corps à celui

Qui pour vous fut dressé en croix.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Prenez exemple sur Louis,

Qui possède bien plus que vous,

Il est riche et puissant,

Sur tout autre roi couronné:

Il a abandonné et vair et gris (fourrures)

Châteaux et villes et cités,

Et il est revenu vers celui

Qui pour nous fut torturé en croix.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Dieu livra son corps à ceux de Judée

Pour nous mettre hors de sa prison

Ils lui firent des plaies en cinq endroits,

Tant qu’il souffrit mort et passion.

Maintenant, il vous commande que les païens

Et les gens de Sanguin le félon

Qui lui ont fait tant de vilainies (mauvais tours):

En soient récompensés en retour.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Dieu a engagé un tournoi

Entre Enfer et Paradis,

Et, oui, il mande tout ses amis,

Qui veulent le défendre;

Qu’ils ne lui fassent pas défaut.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Car le fils de Dieu le créateur

A fixé le jour pour être à Rohais

[...]

Pour accomplir la vengeance de Dieu

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.

Allons conquérir Moïse,

Qui gît au Mont Sinaï

Ne le laissons plus aux Sarrasins,

Ni la verge qu’il utilisa pour séparer

La mer rouge d’un seul coup

Quand le grand peuple le suivit;

Et Pharaon qui le poursuivait

vit périr lui et les siens.

Celui qui désormais ira avec Louis

Ne redoutera plus jamais l’enfer

Car son âme sera (mise) en Paradis

Avec les anges de notre seigneur.[2]

Sources historiques

De cette chanson et de sa notation musicale, un seul manuscrit datant de la seconde moitié du XIIe siècle est connu : le Codex Amplonianus 8 ° 32, également référencé RS 1548a, conservé à Erfurt , en Allemagne. Compte tenu du langage utilisé dans ce manuscrit, la copie est l'œuvre d'un anglo-normand.

Voire aussi

Notes et références

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