Charles de Bourbon (1848-1909)

Charles de Bourbon, né le à Laibach et mort le à Varèse, aîné des Capétiens et chef de la maison de Bourbon, qui porte le titre de courtoisie de duc de Madrid, est le prétendant carliste au trône d'Espagne sous le nom de Charles VII de 1868 à 1909, et le prétendant légitimiste au trône de France sous le nom de Charles XI de 1887 à 1909.

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Charles de Bourbon
Portrait de Charles de Bourbon.

Titres

Prétendant carliste au trône d’Espagne


(40 ans, 9 mois et 15 jours)

Nom revendiqué Charles VII
Prédécesseur Jean de Bourbon, comte de Montizón
Successeur Jacques de Bourbon, duc d'Anjou et de Madrid

Prétendant légitimiste aux trônes de France et de Navarre


(21 ans et 8 mois)

Nom revendiqué Charles XI
Prédécesseur Jean de Bourbon, comte de Montizón
Successeur Jacques de Bourbon, duc d'Anjou et de Madrid
Biographie
Titulature Duc de Madrid
Comte de La Alcarria
Dynastie Maison de Bourbon-Anjou
Nom de naissance Carlos María de los Dolores Juan Isidro José Francisco Quirino Antonio Miguel Gabriel Rafael de Borbón y Austria-Este
(en français:Charles Marie-des-Douleurs Jean Isidore Joseph François Quirin Antoine Michel Gabriel Raphaël de Bourbon)
Naissance
Laibach (Autriche)
Décès
Varèse (Italie)
Père Jean de Bourbon,
comte de Montizón
Mère Marie-Béatrice de Modène
Conjoint Marguerite de Parme
(1867-1893)
Berthe de Rohan
(1894-1909)
Enfants Blanche de Bourbon
Jacques de Bourbon
Elvire de Bourbon
Béatrice de Bourbon
Alice de Bourbon

Signature

Biographie

Jeunesse

Fils aîné de Jean de Bourbon (1822-1887), infant d'Espagne déchu devenu comte de Montizón, et de son épouse la princesse Marie-Béatrice de Modène (1824-1906), fille de François IV, duc souverain de Modène, Charles de Bourbon voit le jour à Laibach, alors dans l'empire d'Autriche.

Charles de Bourbon.

Son père, plus intéressé par les sciences que par la politique, prône des idées libérales très opposées à celles de sa mère. Il refuse que l'éducation de ses enfants soit confiée aux jésuites, ce qui entraîne la séparation des époux[1]. Jean s'installe à Brighton et son épouse et ses deux fils partagent leur vie entre Modène et Venise.

La comtesse de Montizon est la sœur cadette de la comtesse de Chambord. Aussi le comte de Chambord envoie-t-il une garde hongroise pour veiller sur sa belle-sœur et ses neveux, Charles et Alphonse[2]. Dans sa jeunesse, Charles de Bourbon bénéficie de l'attention appuyée du comte de Chambord qui pressent en lui une personnalité d'envergure, « taillée dans le bois dont on fait les grands rois[2] » ; il surveille son éducation, ses loisirs, ses lectures, ses fréquentations. Il lui apprend à nager, à se tenir à cheval et l'entretient de l'histoire et des devoirs qu'elle impose à leur dynastie commune.

Mariages et descendance

Le dans la chapelle du château de Frohsdorf, en Autriche, Charles de Bourbon épouse une nièce du comte de Chambord, Marguerite de Bourbon (1847-1893), princesse de Parme, fille aînée de Charles III (1823-1854), duc souverain de Parme, et de son épouse Louise d'Artois (1819-1864), petite-fille de France (petite-fille du roi Charles X).

De ce mariage naissent cinq enfants :

Devenu veuf, le duc de Madrid se remarie dans la chapelle de l'archevéché de Prague le 28 avril 1894 avec la princesse Marie-Berthe de Rohan-Rochefort (1868-1945), fille du prince Arthur de Rohan-Rochefort et de la comtesse Gabrielle de Waldstein-Wartenberg. Elle est issue d'une branche de la Maison de Rohan, d'origine française et implantée en Autriche depuis la Révolution française. Cette seconde union reste sans postérité.

Troisième guerre carliste

En 1868, Isabelle II est détrônée par une révolution et, après la période de régence du général Serrano, le Parlement élit deux ans plus tard le prince Amédée de Savoie comme roi d'Espagne sous le nom d'Amédée Ier.

En 1869, le prétendant Charles publie un manifeste dans lequel il expose ses idées, parmi lesquelles celles de constituer des Cortès avec une structure traditionnelle et de promulguer une Constitution ou d'approuver une Charte, ainsi que de conduire une politique économique de style protectionniste. Dans son entourage, on retrouve des politiciens de droite derechistas, appelés spécialement les « catholiques ».

En rouge, le royaume du prétendant Charles VII (vers 1875).

Voyant s'éloigner la possibilité de la restauration bourbonienne, dans chacune de ses deux branches, le prétendant déclenche en 1872 la troisième guerre carliste, d'abord contre le roi Amédée, puis contre la Première République espagnole, proclamée en 1873 après l'abdication du roi, puis finalement contre Alphonse XII, fils d'Isabelle II, proclamé roi en 1874.

Le , Charles franchit la frontière espagnole depuis la France et pénètre en Navarre par la Venta de Laputsagarra. L'accueil que lui réservent ses partisans revêt l'allure de celui qu'on doit à un chef d'État. À seulement vingt-cinq ans, on croirait plus âgé ce colosse d'un mètre quatre-vingt-cinq[4]. Son épouse Marguerite, installée à Pau (oú naitront ses filles Béatrice et Alice), se dévoue pour créer les services sanitaires de l'armée carliste[4]. Le gouvernement carliste siège à Estella-Lizarra, en Navarre, et Charles y pose les bases d'un État organisé, avec une fonction publique, une police, une justice, un service postal, une monnaie, l'escudo, une école militaire et une université. Les populations locales encensent le roi « Charles VII » dont la réputation commence à se propager dans le reste de l'Espagne[5].

Charles de Bourbon, dit Charles VII, inspectant ses troupes durant la guerre carliste.

Poètes et écrivains glorifient celui en qui ils voient un maillon glorieux de l'Espagne éternelle, héritière de Récarède, de Pélage, du Cid et de Don Quichotte, mêlant souvenirs magnifiés de la Reconquête, épopée picaresque, espérance patriotique et ferveur religieuse[6]. Ainsi, l'écrivain Julio Nombela consacre au prétendant un recueil de poésies, El romancero de Carlos VII[7].En France, le mouvement carliste cherche à recruter des troupes ; le comte Hilaire de Chardonnet se ruine pour financer le mouvement militaire et le comte de Foudras est condamné pour son entreprise de recrutement, de plus entachée d'escroquerie, par un jugement du tribunal correctionnel d'Amiens en 1873.

Cependant, la guerre se termine en 1876 avec la perte d'Estella, la capitale carliste, le 19 février, et par la fuite du prétendant vers la France, le 1er mars où dans le plus grand secret, il séjourne au château du Vernay chez l'un de ses soutiens, le comte de Chardonnet. Il y eut quelques tentatives postérieures, en profitant du mécontentement lié à la perte des dernières possessions d'outre-mer en 1898, mais qui n'eurent pas de succès.

5 Centimos à l'effigie de Charles VII (Charles de Bourbon, prétendant carliste), 1875.

Le , le duc de Madrid assiste à la messe de la Saint-Henri, fête patronale de son oncle le comte de Chambord (prétendant légitimiste au trône de France). Le retentissement donné à cet événement vaut à Charles de Bourbon d'être expulsé[8],[9] du territoire de la République (par arrêté d'Ernest Constans, ministre de l'Intérieur et des Cultes, et de son sous-secrétaire d'État, Armand Fallières — futur président de la République —, en date du ) et à une trentaine de jeunes saint-cyriens qui se sont rendus à cette messe, d'être exclus[10],[11] de leur école militaire (par décision ministérielle du général Farre, ministre de la Guerre).

Dans une lettre privée envoyée le 3 septembre 1883, il notifie « la force des liens indissolubles » qui l'attache à l'Espagne, affirmant : « C'est à elle seule que j'appartiens et je lui appartiendrai toujours ».

Prétendant au trône de France

Manifeste du 3 octobre 1868 : “J’entends également maintenir par cet acte tous mes droits au trône d’Espagne et mes droits éventuels au trône de France si la branche aînée représentée aujourd’hui par mon auguste oncle Henri V, que Dieu garde, venait à disparaître”. Au décès de son père le , Charles de Bourbon devient l'aîné des descendants d'Hugues Capet, de saint Louis, d'Henri IV et de Louis XIV. Les légitimistes français le reconnaissent alors comme roi de France et de Navarre sous le nom de Charles XI.

Le 13 juillet 1881, Don Carlos de Bourbon est expulsé du territoire français, cinq ans avant le vote de la loi d’exil. Motif : il avait été acclamé par des Saint-Cyriens et une foule de légitimistes à la sortie de la messe de la Saint Henri où il représentait son oncle, le comte de Chambord.

Dans une lettre écrite à sa tante, la comtesse de Chambord, le 24 octobre 1883, Don Carlos évoque l’attitude des d’Orléans : “ (…) Ils ont bien démontré leur perfidie en essayant de convertir le pardon chrétien que mon oncle Henri V leur a si généreusement accordé en une reconnaissance de droits qui n’ont jamais existé et que, par conséquent, mon oncle ne reconnaissait pas lorsqu’il leur concédait la place qu’il leur revient dans la famille, c’est-à-dire la dernière (…)”

Charles de Bourbon et sa famille.

Le 11 juin 1889, il charge son représentant en France, Joseph du Bourg, en obéissance aux demandes transmises par Marguerite-Marie Alacoque, de déposer en la cité du Sacré-Cœur, Paray-le-Monial, un document officiel consacrant sa personne et la France au Sacré-Cœur.

De gauche à droite : Berthe de Rohan, Charles de Bourbon et son fils Jacques de Bourbon.

Il écrit parfois à ses partisans, comme le 14 septembre 1888, réunis à Sainte-Anne d’Auray : « Il n’y a que deux politiques en présence dans l’histoire contemporaine : le droit traditionnel et le droit populaire. Entre ces deux pôles, le monde politique s’agite. Au milieu, il n’y a que des royautés qui abdiquent, des usurpations ou des dictatures. Que des Princes de ma famille aient l’usurpation triomphante, soit. Un jour viendra où eux-mêmes ou leurs descendants béniront ma mémoire. Je leur aurai gardé inviolable le droit des Bourbons dont je suis le chef, droit qui ne s’éteindra qu’avec le dernier rejeton de la race issue de Louis XIV ».

Le 23 mai 1892, il proteste auprès du comte de Paris contre l’emploi que celui-ci fait des pleines armes de France, c’est-à-dire sans la brisure des cadets constitué par le lambel à trois pendants des Orléans.

Le prétendant entre en conflit avec son représentant, le prince de Valori[12] en 1892 et le mouvement légitimiste connaît une première scission quand certains se rallient à la branche des ducs de Séville.

Le Journal de Paris accepte le ralliement prôné par Léon XIII et cesse d’être un soutien au légitimisme.

Charles, suivant lui-même les consignes du pape, refuse de nommer un nouveau représentant en France et le mouvement légitimiste s’en trouve une nouvelle fois affecté par une crise de confiance.

Caricature anti-carliste de Charles de Bourbon.

Il faut attendre 1896 pour que le prétendant accepte de nommer un nouveau représentant, en la personne du comte Urbain de Maillé de La Tour-Landry[13] (1848-1915). Ce dernier réorganise le mouvement légitimiste en un Conseil central des comités légitimistes qui allait exister jusqu’en 1914.

En 1896, à l’occasion du 1400e anniversaire du baptême de Clovis, le Prince adressait un message aux catholiques français dans lequel il déclarait notamment : “L’avenir de la France est entre vos mains. Sachez donc vous affranchir du joug maçonnique et satanique, en revenant franchement et avec l’ardeur qui vous caractérise, à la vraie tradition chrétienne et nationale dont, par ma naissance, c’est-à-dire par la volonté de Dieu, je suis le SEUL REPRESENTANT LEGITIME”.

Mais les actions politiques du prince Charles se font de plus en plus rares. La dernière survient lors de la crise liée à la séparation de l'Église et de l'État. Le 12 mars 1906, Charles condamne la loi de séparation et déclare lors d’un manifeste : « Comme l’aîné de la race de nos rois et successeur salique, par droit de primogéniture de mon oncle Henri V, je ne puis rester plus longtemps spectateur impassible des attentats qui se commettent contre la religion, et aussi Sa Sainteté Pie X. J’élève la voix pour repousser de toutes les forces de mon âme de chrétien et de Bourbon, la loi de séparation. Catholiques français, l’avenir de la France est entre vos mains, sachez donc vous affranchir d’un joug maçonnique et satanique, en revenant franchement et avec l’ardeur qui vous caractérise, à la vraie tradition chrétienne et nationale dont, par ma naissance, c’est-à-dire par la volonté de Dieu, je suis le seul représentant légitime ».

Peu de temps avant sa mort survenue le 18 juillet 1909, Don Carlos de Bourbon avait rappelé ses devoirs envers la France dans une déclaration reprise dans son testament politique et parue dans L’Univers du 23 juillet suivant:

“Bien que l’Espagne ait été le culte de ma vie, je ne peux oublier que ma naissance m’impose des devoirs envers la France, berceau de ma famille. C’est en vertu de ses devoirs que je maintiens intacts les DROITS qui, comme CHEF et AINE de ma Maison, m’incombent.”

À son décès, le mouvement légitimisme est en déliquescence et il n’y a plus aucun député légitimiste au Parlement.

Mort

Charles de Bourbon meurt le à l'hôtel Excelsior de Varèse, en Lombardie. Il est inhumé à Trieste, dans la cathédrale Saint-Just.

Décorations

Ordres dynastiques français et espagnols

En qualité de chef de la maison de Bourbon et prétendant légitimiste au trône de France, et comme prétendant carliste au trône d’Espagne, Charles de Bourbon revendiquait la grande maîtrise des ordres dynastiques traditionnels.

Ordres dynastiques français

Comme prétendant légitimiste au trône de France, il revendiquait la grande maîtrise des ordres suivants :

Ordres dynastiques espagnols

Comme prétendant carliste au trône d'Espagne, il revendiquait la grande maîtrise des ordres suivants  :

Ordres sous la protection du roi d'Espagne

Annexes

Notes

  1. La princesse Béatrice héritera du château de Frohsdorf à la mort de son frère en 1931.

Références

  1. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 199.
  2. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 200.
  3. Lors de la Troisième guerre d'indépendance italienne (1866), l'empire d'Autriche dut reconnaître le royaume d'Italie, désavouant ipso facto Ferdinand IV comme grand-duc légitime de Toscane. Le 20 décembre 1866, Ferdinand IV et ses fils réintégrèrent la maison impériale d'Autriche. Alors que Ferdinand était autorisé à garder son fons honorum à vie, ses héritiers ne purent plus porter que le titre d’archiduc d’Autriche, et non plus celui de prince de Toscane. Le dernier souverain de Toscane abdiqua ensuite ses droits dynastiques au grand-duché en 1870 au profit de François-Joseph Ier d'Autriche. À la mort en exil en 1908 du grand-duc titulaire, l'empereur François-Joseph interdit à ses héritiers de prendre les titres de grand-duc ou de prince de Toscane. Cf. Silva Tarouca, Adler, Vienne, 1954, p. 165, et Annuario della nobiltà italiana, XXXIIe édition, 2014, partie I.
  4. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 232.
  5. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 233.
  6. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 242.
  7. Daniel de Montplaisir, Louis XX, petit-fils du roi Soleil, éd. Jacob-Duvernet, juin 2011, p. 243.
  8. L'expulsion de S.M. don Carlos : article d'Henri des Houx dans le journal morlaisien Ar Wirionez (La Vérité) du .
  9. L'expulsion de don Carlos : article du journal L'Indicateur de Bayeux du .
  10. Jean Boÿ, « Historique de la 65e promotion de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (1880-1882), promotion des Kroumirs », sur www.saint-cyr.org, La Saint-Cyrienne, association amicale des élèves et anciens élèves de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, (consulté le ).
  11. Tous les journaux blâment sévèrement la mesure prise par le général Farre : article du journal suisse La Liberté du .
  12. Henri François de Valori, né à Aix-en-Provence le 17 février 1831 et mort à Nice le 18 février 1898.
  13. Urbain Armand de Maillé [de La Tour Landry], né à Vernantes le 5 juin 1848 et mort à Longué le 13 mai 1915.

Bibliographie

  • (es) Manuel Polo y Peyrolón, D. Carlos de Borbón y de Austria-Este : su vida, su carácter y su muerte (bosquejo crítico-biográfico documentado), Valence, Tipografía Moderna, , 252 p. (OCLC 928710919, lire en ligne)
  • Jacques Bernot, Les princes cachés : Histoire des prétendants légitimistes 1883-1989, Paris, Lanore, , 288 p. (ISBN 978-2-262-00725-6 et 2-262-00725-X).

Articles connexes

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