Système de Ponzi

Un système de Ponzi ou Pyramide de Ponzi est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Si l'escroquerie n'est pas découverte, elle apparaît au grand jour au moment où elle s'écroule, c'est-à-dire quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients[1]. Elle tient son nom de Charles Ponzi qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération fondée sur ce principe à Boston dans les années 1920.

Exemple d'un schéma d'une pyramide de Ponzi. Bleu = gagnants ; Rouge = perdants.

Descriptif

Mise en situation

Imaginons que quelqu'un propose un investissement à 100 % d'intérêts : vous lui donnez 10 euros, il vous en rend 20 en utilisant l'argent déposé par les clients suivants (il lui suffit d'ailleurs de proposer un rendement double des rendements connus du marché pour s'attirer de la clientèle et pour durer). Le système est viable tant que la clientèle afflue, attirée en masse par les promesses financières (et d'autant plus tentantes que les premiers investisseurs sont satisfaits et font une formidable publicité au placement). Les premiers clients, trop heureux de ce placement mirifique, replacent leur argent eux aussi, s'ajoutant à tous ceux qu'ils ont réussi à convaincre.

Le phénomène fait alors boule de neige, entretenu tant que l'argent est versé et permet de payer à 100 % les nouveaux investisseurs. L'organisateur prend une commission, bien compréhensible lorsque l'on voit les promesses qu'il fait, et qu'il tient. Le système peut durer tant que la demande suit la croissance exponentielle imposée par ce système, les clients arrivant par 2, 4, 8, 16, 32, etc. Lorsque les nouveaux arrivants se raréfient, la dynamique de la chaîne se brise, la bulle éclate : les derniers et nombreux investisseurs sont spoliés. Les rares gagnants sont ceux qui ont quitté le navire à temps (et l'organisateur...).

Modèle mathématique

Le mathématicien Marc Artzrouni modélise les systèmes de Ponzi en utilisant des équations différentielles linéaires du premier ordre[2].

Soit un fonds avec un dépôt initial au temps , un flux de capitaux entrant de , un taux de rendement promis et un taux de rendement effectif . Si alors le fonds est légal et possède un taux de profit de . Si par contre , alors le fonds promet plus d'argent qu'il ne peut en obtenir. Dans ce cas, est appelé le taux de Ponzi.

Il faut aussi modéliser les retraits faits par les investisseurs. Pour ce faire, nous définissons un taux de retrait constant , appliqué à tout temps sur le capital accumulé promis. Le retrait au temps vaut donc . Il faut aussi ajouter les retraits des investisseurs qui sont arrivés entre le temps et le temps , à savoir ceux qui ont investi au temps . Le retrait pour ces investisseurs est donc de . En intégrant ces retraits entre et et en ajoutant les retraits des investisseurs initiaux, nous obtenons :

Si est la valeur du fonds au temps , alors est obtenu en ajoutant à l'intérêt nominal , le flux de capitaux entrant et en soustrayant les retraits . Nous obtenons donc , ce qui conduit à l'équation différentielle linéaire .

Historique

Photographie de Charles Ponzi en 1920.

Charles Ponzi utilisa ce système en 1919 à Boston, ce qui fit de lui, personne anonyme, un millionnaire en six mois. Les profits étaient censés provenir d'une spéculation sur les International postal reply coupons (coupons-réponse internationaux), avec un rendement de 50 % en 90 jours. Environ 40 000 personnes investirent 15 millions de dollars, dont seulement un tiers leur fut redistribué[3].

Cas célèbres

  • L'affaire Hanau en France en 1928.
  • L'affaire Stavisky en France en 1934.
  • Les affaires André Charbonneau et Vincent Lacroix au Québec en 2008.
  • Dans les années 1990, en Russie, Sergei Mavrodi, son frère Vyacheslav Mavrodi, et Olga Melnikova fondent le fonds MMM (en), qui fonctionne sur un schéma pyramidal et fera perdre, selon les estimations, jusqu'à 10 milliards de dollars investis par 5 à 40 millions de personnes[4],[5],[6].
  • La crise économique albanaise.
  • L'homme d'affaires américain Bernard Madoff, président-fondateur d'une société d'investissements et très actif dans le NASD et le NASDAQ, a créé un système de Ponzi qui a fonctionné pendant 48 ans, de 1960 à la crise financière de 2008[7]. C'était un gérant de hedge fund qui promettait des retours sur investissements relativement élevés, de l'ordre de 8 à 12 % par an. Ce qui sortait le plus de l'ordinaire avec les performances qu'affichaient ses fonds était l'absence de retours négatifs sur de très longues périodes et une volatilité (l'équivalent du risque de l'investissement) très faible. Autre indice alarmant, à la clôture de chaque exercice, Madoff déclarait être liquide, c'est-à-dire détenir tous ses avoirs en liquidités, et ainsi ne publia jamais de relevés indiquant la quelconque possession de titres financiers. Enfin, les titres sur lesquels il disait investir, notamment des options sur indices, n'étaient pas assez liquides pour « absorber » les volumes qu'un fonds de la taille de celui de Madoff aurait engendrés. L'utilisation de modèles mathématiques financiers, des clients réputés et des postes élevés dans l'administration l'assuraient d'un prestige important. Lorsque de nombreux clients souhaitèrent retirer leurs avoirs de sa société d'investissement lors de la crise financière de 2008, ils se rendirent compte que les caisses étaient vides et qu'ils avaient perdu tout leur argent. Avant son arrestation, Bernard Madoff gérait officiellement 17 milliards de dollars.
  • Fin , Allen Stanford, un financier « milliardaire » texan[8] à la tête du Stanford Financial Group est soupçonné d'avoir monté une escroquerie bancaire pour un montant de 7 milliards de dollars[9]. La Stanford International Bank (SIB), l'un des établissements au cœur du dispositif, a été nationalisée le par le gouvernement d'Antigua. L'opération, qui a duré plus de vingt années et basée en partie sur un système de Ponzi[10], a fait autour de 30 000 victimes[9]. La société est mise sous séquestre et plusieurs responsables sont condamnés à des peines de prison, dont Stanford lui-même - pour fraude et association de malfaiteurs - pour une durée de 110 ans[11], qu'il purge en Floride depuis 2012[10].
  • Adel Dridi : (arabe : عادل الدريدي) est un homme d'affaires tunisien et président-directeur général de la société Yosr développement Adel Dridi est arrêté pendant quelques jours, puis relaché le 29 avril 2013 à la suite d'une enquête judiciaire ouverte à la demande de la Banque centrale de Tunisie et dont Yosr développement fait l'objet depuis le début de l'année 2013. Le 21 juin 2013, Adel Dridi disparaît, en laissant à leurs sorts 50 000 clients qui ont versé des sommes d'argent en vue d'obtenir un gain rapide. Yosr développement a en effet promis à ses clients, en adoptant le système de Ponzi, des bénéfices rapides et alléchants en retour de leurs investissements. Le montant de l'arnaque est estimé à 100 millions de dinars tunisiens. Malgré l'interdiction de quitter le pays, Dridi se rend à Tabarka, moyennant une autorisation spéciale, où il aurait gagné la frontière algérienne en emportant avec lui l'argent de ses victimes. Finalement, le porte-parole officiel du ministère tunisien de l'Intérieur annonce l'arrestation de Dridi le 22 juin 2013 au niveau de la ville de Sousse. Il est condamné le 12 août par la chambre correctionnelle au tribunal de première instance de Tunis à 32 ans de prison ferme.

Dans la fiction

Des escroqueries de ce type se retrouvent dans divers films et romans :

  • le roman de Charles Dickens, Little Dorrit, qui mentionne déjà en 1857 une escroquerie fondée sur ce principe ;
  • le film Revolver, qui explique la mise en place d'un système de Ponzi dans le milieu mafieux de Las Vegas ;
  • le film Le Casse de Central Park, où un homme d'affaires, Arthur Shaw, met en place un système de Ponzi afin de détourner la pension de retraite de plusieurs de ses employés à New York ;
  • le film Madea : Protection de témoins (en) de Tyler Perry, où la société Lokhwise industries met sur pied un montage frauduleux permettant une vaste arnaque financière, une « pyramide de Ponzi » ;
  • le film Very Bad Cops d'Adam McKay, où les protagonistes mènent l'enquête sur une fraude à grande échelle fondée sur un système de Ponzi (le générique, en particulier, évoque Bernard Madoff et Charles Ponzi) ;
  • le film The Wizard of Lies avec un Madoff interprété par Robert De Niro ;
  • le film Le Roi de la polka, de Maya ForbesWallace Wolodarsky avec Jack Black dans le rôle d'un chanteur de polka, d'origine polonaise, profitant de son succès avec son public âgé pour monter un système de Ponzi[12] ;
  • le film Le Retour du héros, où le capitaine Neuville met en place un système de Ponzi fondé sur une supposée mine de diamants que le capitaine aurait découverte durant ses aventures ;
  • le film Billionaire Boys Club, dont l'intrigue est basée sur un système de Ponzi ;
  • le roman L'Hôtel de verre, d'Emily St. John Mandel, montre les impacts de l'effondrement d'un système de Ponzi.

De pareilles escroqueries apparaissent également dans de nombreux épisodes de séries télévisées.

Notes et références

  1. ponzi U.S. Securities and Exchange Commission
  2. Marc Artzrouni, The mathematics of Ponzi schemes
  3. Présentation du Ponzi scheme par l'US Securities and Exchange Commission
  4. Le Madoff russe va-t-il encore frapper ?, Hugo Natowicz, La Russie d’Aujourd’hui, 11 janvier 2011.
  5. (en)Sergei Mavrodi Convicted of Fraud in MMM Trial, St Petersburg Time, 27 avril 2007.
  6. MMM Corporation, Peter Symes (en), février 2003
  7. (en) personnel de rédaction, « Ponzi squared », The Economist, (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Jon Hotten, The Meaning of Cricket : or How to Waste Your Life on an Inconsequential Sport, Random House, , 240 p. (ISBN 978-1-4735-2239-8, lire en ligne), p. 181
  9. Jean-François Gayraud, Grande Fraude (La) : Crime, subprimes et crises financières, Odile Jacob, , 272 p. (ISBN 978-2-7381-8585-3, lire en ligne), p. 142-143
  10. (en) H. Kent Baker et Vesa Puttonen, Investment Traps Exposed : Navigating Investor Mistakes and Behavioral Biases, Emerald Group Publishing, (ISBN 978-1-78714-721-8, lire en ligne), p. 178
  11. (en) Nicholas Ryder, The Financial Crisis and White Collar Crime : The Perfect Storm?, Edward Elgar Publishing, , 360 p. (ISBN 978-1-78100-100-4, lire en ligne), p. 87
  12. Maya Forbes, Wallace Wolodarsky et Vanessa Bayer, The Polka King, (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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