Chère Future Maman

Chère Future Maman (version originale en anglais : Dear Future Mom) est une campagne télévisée créée par 15 associations européennes actives dans la trisomie 21, et défendant une société inclusive et accueillante pour ces personnes, à travers un message qui se veut anti-eugéniste.

La campagne est massivement diffusée le , lors de la journée mondiale de la trisomie 21, dans toute l'Europe.

Cette campagne entraîne une controverse en France, où le clip est censuré par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en raison de sa perception par les mères qui ont recouru à une interruption médicale de grossesse (IMG). Cela entraîne une série de suites judiciaires.

Création et contexte

La campagne Chère Future Maman est initialement créée par 15 associations européennes du domaine de la trisomie 21[1] dont, en France, Les amis d’Éléonore et la Fondation Jérôme-Lejeune[2]. C'est l'association italienne Coordown, association militant pour l’intégration des personnes trisomiques dans la société, qui supervise la réalisation du clip[2]. La campagne est imaginée par Luca Lorenzini et Luca Pannese, puis produite par la société italienne Saatchi et Saatchi[3].

D'une durée de 2 min 30[4], la campagne est diffusée à l'occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, le [5]. Elle montre des jeunes trisomiques (d'origine européenne, dont des Français[4]) qui expriment leur « bonheur de vivre », et est qualifiée de « simple et touchante » sur le site de LCI[2]. Le clip s'adresse, comme son titre l'indique, à une mère qui serait enceinte d'un enfant détecté porteur de trisomie 21. Les personnes trisomiques expliquent : « Chère future maman, n'aie pas peur. Ton fils pourra faire beaucoup de choses. Il pourra te faire des câlins, il pourra courir vers toi, il pourra parler et te dire qu'il t'aime »[2]. Le message de ce clip vise à « réconforter tous les futurs parents » et à « sensibiliser sur le sujet du dépistage prénatal », 96 % des fœtus détectés trisomiques étant éliminés en France[2].

Diffusion

En France, un extrait de 30 secondes tiré de cette campagne[4] est notamment diffusé sur les chaînes de télévision TF1, M6, Direct 8 et Canal+[5], entre mars et [4]. Sur YouTube, la vidéo en français enregistre plus de 4,5 millions de vues en six jours[6], et termine à plus de 7 millions de vues, d'après le quotidien français Le Monde[4].

Volet juridique

En , le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) français demande la suspension de la diffusion de l'extrait de la campagne par les chaînes françaises[4], au motif qu'elle « n'est pas susceptible de provoquer une adhésion spontanée », et que son message n'est pas « d'intérêt général » car « susceptible de troubler » des femmes ayant eu recours à une Interruption médicale de grossesse[7].

Le CSA affirme avoir reçu des plaintes relatives au message porté par ce clip, plaintes qui ont motivé son avis négatif quant à la diffusion du clip[8]. Le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a, en , fourni une copie anonymisée de ces plaintes[8].

Sept jeunes adultes trisomiques saisissent le Conseil d'État pour contester la « censure » exercée par le CSA, au nom de leur liberté d'expression[4]. Une audience leur est accordée le , sans présence d'un avocat, dans une démarche que le périodique Le Monde qualifie d'« inédite »[4].

Le , le Conseil d'État publie sa décision de rejet des recours des associations de personnes trisomiques[9],[10],[11]. Dans sa décision, il juge que « la présentation d'un point de vue positif sur la vie personnelle et sociale de jeunes atteints de trisomie répond à un objectif d'intérêt général », mais aussi que « le CSA n'a, dans l'exercice de son pouvoir de régulation, commis aucune erreur de qualification juridique ni aucune erreur de droit » en qualifiant la diffusion de la campagne d'« inappropriée »[6].

En 2021, la Fondation Jérôme Lejeune dépose un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, dénonçant « Une atteinte grave à la liberté d'expression des personnes trisomiques »[3].

Réactions

La censure initiale de la campagne par le CSA fait réagir le Président du parti Chrétien-Démocrate de l'époque, Jean-Frédéric Poisson, qui estime dans sa lettre ouverte qu'« Il est difficile de trouver, de la part d'un organisme officiel, censé opérer la régulation et maintenir l'équilibre, une réponse aussi carrément à côté de la plaque, et aussi faiblarde sur le plan juridique »[5].

The Washington Post critique l'usage du terme « inapproprié » comme étant « un artifice » qui permet les « déviations intellectuelles et morales », soulignant que dans le cas précis de la décision du CSA et du Conseil d'État, le terme « inapproprié » se réfère au malaise de personnes qui ont « tué leur enfant à naître » (killed their unborn)[12]. The Wall Street Journal titre à propos d'une « Guerre de la France contre les discours anti-avortement » (France’s War on Anti-Abortion Speech), notant que d'après la Fondation Jérôme Lejeune, connue pour ses positions anti-avortement, le taux de fœtus trisomiques éliminés est particulièrement élevé en France[13].

Notes et références

  1. « Chère future maman ... », RTBF, .
  2. « "Chère future maman", la vidéo touchante de trisomiques à une femme enceinte », sur LCI (consulté le ).
  3. « Censure d'un clip sur la trisomie 21 : « Une atteinte grave à la liberté d'expression des personnes trisomiques » », sur Le Figaro, (consulté le ).
  4. « Au Conseil d’Etat, de jeunes trisomiques défendent leur droit à la parole », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Campagne pour l'accueil des enfants trisomiques : lettre ouverte au président du CSA », sur Le Figaro (consulté le ).
  6. « “Chère future maman“ : le Conseil d’État rejette les recours contre le CSA », sur La Vie.fr, 2016-11-10cet18:46:00+01:00 (consulté le ).
  7. Handicap.fr, « Clip trisomie 21 : le CSA déclenche les foudres ! », sur Handicap.fr (consulté le ).
  8. « Avis 20144843 - CADA », sur cada.data.gouv.fr (consulté le ).
  9. Le Conseil d'État, « Diffusion du film de sensibilisation à la trisomie 21 », sur Conseil d'État, (consulté le ).
  10. « Clip sur la trisomie 21 : le Conseil d'Etat valide la censure du CSA », sur Les Echos, (consulté le ).
  11. « Diffusion du film de sensibilisation à la trisomie 21 - LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques », sur www.lemondedudroit.fr (consulté le )
  12. (en-US) George F. Will, « The ‘right’ to be spared from guilt », Washington Post, (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le ).
  13. (en-US) « France’s War on Anti-Abortion Speech », Wall Street Journal, (ISSN 0099-9660, lire en ligne, consulté le ).
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