Château de Kérouzéré

Le château de Kérouzéré, situé dans la commune de Sibiril, est l'unique forteresse du XVe siècle visitable dans le Finistère.

Château de Kérouzéré

Le château de Kérouzéré.
Type Château fort
Début construction 1425
Fin construction 1458
Propriétaire initial Jean de Kérouzéré
Destination actuelle Propriété privée
Protection  Classé MH (1883)
Site web http://www.kerouzere.fr
Coordonnées 48° 40′ 21″ nord, 4° 04′ 11″ ouest
Pays France
Région Bretagne
Région Bretagne
Département Finistère
Commune Sibiril
Géolocalisation sur la carte : Finistère
Géolocalisation sur la carte : France
Ce château est à ne pas confondre avec le château de Keruzoret en Plouvorn.

Le château est classé monument historique en 1883[1].

Histoire

Moyen Âge

Un château existait dès 1250 au moins ; Yvon de Kerouzéré, né en 1225, seigneur de Kérouzéré, fut chevalier croisé en 1248 lors de la Septième croisade, est le plus ancien seigneur de Kerouzéré connu.

Le gisant de Jean de Kérouzéré dans l'église Saint-Pierre de Sibiril.

Ce château est édifié entre 1425 et 1458 par Jean II de Kérouzéré, chambellan du duc Jean V de Bretagne, au lieu-dit Coat-an-Tour, siège d'une motte sur laquelle s'élevait jadis un donjon et où vivaient, en 1340, Yvon ou Eon de Kérouzéré[2] ainsi que sa femme, née Marie de Pennanec'h.

Alain de Kérouzéré (mort en ) fut évêque de Léon de 1439 à 1440.

Kérouzéré était jadis une haute justice qui s'exerçait, avec celle de Trogoff (en Cléder) avec laquelle elle était unie, à Plouescat et qui relevait du fief de Maillé-Seisploué. Le , le duc Arthur III donne « congé au sire de Kérouzéré de fortifier la place et la maison de Kérouzéré ». Les registres de la chancellerie de Bretagne contiennent deux mandements ducaux relatifs à la fortification de Kérouzéré : l'un de 1459, l'autre de 1468, tous deux donnés par François II. À l'origine, le château se compose d'une série de bâtiments formant une courtine, flanqués de tours et d'un chemin de ronde crénelé pourvu de mâchicoulis. L'accès nord se faisait par un pont-levis.

Propriété de Jehan, seigneur de Kérouzéré (son gisant se trouve dans l'église paroissiale Saint-Pierre de Sibiril[3]) et époux de Jehanne de Rosmadec (en 1481). Jehan III décède en 1518 et sa fille unique, Marie de Kérouzéré, épouse le Jehan de Kérimel (Kerymel), fils de Jacques de Kerymel et de Jehanne du Chastel (seigneur et dame de Coëtinisan et de Coëtles). Le château est ensuite par mariage propriété de la famille de Kerimel (vers 1540), puis, toujours par mariage, de la famille de Boiséon (à partir de 1565), originaire de Saint-Coulomb[4].

Époque moderne

Le château de Kérouzéré perdit sa tour sud-ouest et sa courtine sud lors du second siège soutenu contre la Ligue, en 1590 ; le château appartenait alors à Pierre de Boiséon[5], seigneur de Coëtnizan, époux de Jeanne de Rieux, décédé en 1627[6] et soutien d'Henri IV, qui le défendait, aidé notamment par le sieur de Kerandraon, le sieur de Goëzbriant[7] et plusieurs autres alliés contre les ligueurs, commandés par les seigneurs Gabriel de Goulaine[8] (capitaine de 50 hommes d'armes), de Carné, de Rosampoul[9], du Faouët[10], etc.[11], de Kergomar[12], etc., et une troupe de paysans léonards. Le château fut assiégé pendant plusieurs jours et les assaillants, ne parvenant pas à leurs fins, allèrent chercher un canon qui appartenait à Vincent de Plœuc, seigneur de Tymeur (en Poullaouen)[13] et beau-frère du seigneur de Goulaine ; les tirs du canon provoquèrent une brèche dans les murailles et les assiégés demandèrent alors à capituler et obtinrent, malgré quelques violences, la vie sauve[14], sauf de Kerandraon, frère cadet de Pierre de Boiséon, un homme réputé cruel « qui par ses pilleries avait soulevé tout le pays contre lui », lequel fut massacré par les paysans[15].

En Bretagne, seuls les châteaux de Brest et de Kérouzéré étaient acquis à la cause du roi Henri IV. En retour, le souverain fait remettre en état le bâtiment démonté lors de l'assaut : par arrêt du conseil du roi du , le duc de Mercœur fut condamné à payer au sieur de Coëtnizan 10 000 écus, et le roi y ajouta 35 000 écus de ses deniers, pour le dédommager des pertes qu'il avait souffertes pendant les guerres de la Ligue[14]. La fidélité de Pierre de Boiséon à la cause royale lui valut les faveurs d'Henri IV, puis de Louis XIII : en , des lettres patentes d'Henri IV réunirent les châtellenies de Kérouzéré, Menfaoutet, Canfrout, etc. à celle de Trongoff[16] et érigea cette dernière en baronnie en faveur de Pierre de Boiséon. En 1614, des lettres patentes de Louis XIII réunissent les juridictions seigneuriales de Trongoff [Trogoff en fait] et de Kérouzéré et fixe leur siège à Plouescat[17].

Le château est restauré au début du XVIIe siècle (par Pierre de Boiséon), et restera la propriété de la famille de Boiséon jusqu'en 1682. Il est vendu en 1682 à Yves du Poulpry[18], seigneur de Lavengat (en Guissény), sénéchal de Léon : « avec tous ses droits de juridiction, haute, moyenne et basse, halles[19], droits honorifiques, prééminences, supériorités et fondations, droits de patronage, reliefs et rachats, lots et ventes, droits de champarts, franchises, déshérences, succession de bâtards, foires et marchés, et généralement tout ce qui appartient aux barons de Kérouzéré du fief de Maillé et vers lui chargé d'une épée dorée à la mort de chaque possesseur »[20].

Puis en 1714 le château devint la propriété de la famille de Bréhant, puis de celles de Berthelin du Clos, Larlan (en 1720), Éon du Vieux-Châtel[21] (en 1764), Rosnivynen de Piré, en raison du mariage le à Saint-Malo d'Hélène Marie Éon, fille de Nicolas Éon du Vieux-Châtel, avec Pierre de Rosnyvinen[22], comte de Piré (en 1787), du Beaudiez (en 1821), de L'Estang du Rusquec, Audren de Kerdrel (en 1912).

Les douves qui encerclaient le château furent comblées au début du XVIIe siècle. L'étang est asséché en 1856. Le domaine comportait un colombier daté de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle.

Révolution française

Marie Michelle Nouël de Lesquernec[23], veuve de Nicolas Éon du Vieux-Châtel, propriétaire du château de Kérouzéré, resta pendant la Terreur dans son château sans être inquiétée[24], car à la fin de l'année 1793, elle « offrit d'elle-même de remettre aux membres du district tous les titres [du] chartrier [de Kérouzéré] qui pouvaient être entachés de souvenirs féodaux, et comme tels devaient être livrés aux flammes d'après les prescriptions de la loi »[25].

Le XIXe siècle

Le château de Kérouzéré (dessin d'Auguste Mayer et Eugène Cicéri publié en 1846).

Le Hippolyte de Rosnyvinen[26], comte de Piré, vendit le château de Kérouzéré et ses dépendances à Jean-Baptiste du Baudiez[27], percepteur des contributions directes, qui vivait dans le manoir de Botiguéry en Saint-Thonan pour la somme de 30 000 francs. Ce dernier y vécut jusqu'à sa mort survenue le . Comme il n'avait pas d'héritier direct, le château revint à son neveu Henri de l'Estang du Rusquec[28], lequel vécut au château de Kérouzéré et fut maire de Sibiril de 1862 à 1874, ainsi que de 1876 à 1906, et auteur de plusieurs ouvrages dont Souvenirs historiques du château de Kérouzéré[29] et Nouveau dictionnaire pratique et étymologique du dialecte de Léon[30]. Il fut aussi candidat, non élu, aux élections sénatoriales de 1901.

Description

L'imposante façade d'entrée.

Le Chevalier de Fréminville décrit le château en 1844 : « C'est un édifice massif et carré, flanqué de trois tours rondes à créneaux et machicoulis, surmontées de toits en flèches. Ses murailles, toutes en pierre de taille, ont quatre mètres vingt-deux centimètres d'épaisseur. Des salles immenses, une chapelle, occupent son intérieur. Au reste le style presque entier de son architecture accuse la fin du seizième siècle. Le derrière seul de cet édifice annonce des constructions plus anciennes. La galerie de la courtine qui joint les deux tours de ce côté est percée de meurtrières pour mettre des fauconneaux[31].

Pol Potier de Courcy décrit ainsi le château de Kérouzéré vers 1859 :

« Ce château présente un édifice de forme carrée, flanqué de trois tours rondes, à créneaux et mâchicoulis. À deux de ces tours sont liées deux tourelles à nids d'hirondelles : l'une destinée à la guaite, l'autre à recevoir la cloche du beffroi qu'on y voit encore (…). Entièrement bâties en pierres de taille, ses murailles ont plus de 4 mètres de largeur et renferment au premier étage une chapelle pratiquée, partie dans leur épaisseur, partie dans un massif de maçonnerie élevé en encorbellement du côté du midi. Ce côté du château a été restauré après le siège soutenu en 1594 contre les Ligueurs, et une quatrième tour, à l'angle ouest, ruinée vraisemblablement à la même époque, n'a point été relevée depuis ; les toitures ont aussi été modernisées (…). »

 Pol Potier de Courcy, Itinéraire de Saint-Pol à Brest[32].

Famille de La Lande de Calan

Le château de Kerouzéré est actuellement la propriété de la famille bretonne de La Lande de Calan depuis le mariage le de Joseph de La Lande de Calan avec Agnès Audren de Kerdrel, décédée le âgée de 23 ans, peu après avoir donné naissance à Olivier de La Lande de Calan, qui fut notamment maire de Sibiril entre 1941 et 1945 ainsi qu'entre 1947 et 1951. Un fils de ce dernier, Dominique de Calan, fut notamment numéro deux du patronat de la métallurgie, l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) et un de ses petits-fils est Maël de Calan, né le à Saint-Pol-de-Léon, homme politique français membre du parti Les Républicains, porte-parole de campagne d'Alain Juppé pendant la campagne présidentielle de 2017, candidat malheureux face à Laurent Wauquiez pour la direction du parti Les Républicains en 2017.

Architecture

Le château de Kérouzéré est constitué d'un logis à deux étages et un étage de comble en plan en L. Il est construit en pierre de taille de granite et couverts d'ardoises. Il est orné de peintures du XVIIe siècle.

Dans le parc sont construits un colombier, une fontaine, un puits, un lavoir, et une ferme.

Tous ces bâtiments ont été classés monument historique en 1883[33].

Parc et jardins

Le parc est classé et le jardin irrégulier dessiné en 1940 est inscrit au pré-inventaire des jardins remarquables[34]. Le parc du château de Kerouzéré est simple et austère, mais aussi majestueux, avec sa belle allée de platanes (plantés par Olivier de La Lande de Calan), ses massifs de rhododendrons, d'hortensias, de camélias ; le côté nord donne sur la mer et s'y trouvent une fontaine, un lavoir et un pigeonnier[35].

Vues extérieures et intérieures du château de Kérouzéré

Notes et références

  1. Notice no PA00090447, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Yvon Éon de Kérouzéré, né en 1250, décédé vers 1310
  3. jean-yves cordier, « Le gisant de Jean de Kerouzéré en l'église de Sibiril (Finistère). », sur aile.com, Le blog de jean-yves cordier, (consulté le ).
  4. Gustave Chaix d'Est-Ange, "Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle", tome XVI, "Eas-Eys", 1918, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112009c/f66.image.r=K%C3%A9rouz%C3%A9r%C3%A9?rk=2296148;4
  5. Pierre de Boiséon, baron de Coëtnizan, seigneur de Kérouzéré, gouverneur de la ville et du château de Morlaix, marié le avec Jeanne de Rieux (fille de Guy de Rieux, gouverneur de Brest), vicomtesse de Dian et de la Bellière, voir Comtesse du Laz, "Généalogie de la maison Jegou du Laz, avec des pièces justificatives et complémentaires", 1897, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5612573z/f218.image.r=K%C3%A9rouz%C3%A9r%C3%A9
  6. « Boiséon (du) - Réformation de la noblesse (1671) », sur tudchentil.org (consulté le ).
  7. François de Goësbriand, né vers 1430, décédé le
  8. Gabriel Ier de Goulaine, né le , décédé le au château de Goulaine, seigneur de Goulaine, du Faouët, du Saint et de Kerjean ; chambellan du Roi de France ; gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi ; chevalier des Ordres du Roi (Saint-Esprit) (1598) ; chevalier de l'Ordre du Roi (Saint-Michel) (1601)
  9. http://www.infobretagne.com/plougonven-rosampoul.htm
  10. Jean de Goulaine, frère de Gabriel de Goulaine, baron du Faouët
  11. Joseph-Marie de Kersauson de Pennendreff, " Histoire généalogique de la maison de Kersauson", 1886, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55649073/f478.image.r=Kerouz%C3%A9r%C3%A9?rk=128756;0
  12. http://www.infobretagne.com/kergomar.htm
  13. Vincent IV de Plœuc, remarié en 1579 avec Moricette de Goulaine
  14. http://www.infobretagne.com/ligue-kerouzere.htm
  15. Jean Lorédan, La Fontenelle, seigneur de la Ligue, "La Nouvelle revue", novembre 1925, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112570x/f70.image.r=Kerouz%C3%A9r%C3%A9
  16. Un manoir de Trongoff se trouve à Plumergat, mais il s'agit en fait du manoir de Trogoff en Plouégat-Moysan, voir http://www.infobretagne.com/plouegat-moysan.htm
  17. Archives du château de Kérouzéré
  18. Yves du Poulpry, marié en 1668 avec Marguerite de Bréhant (1647-1713), décédé en 1696, voir http://guisseny.plouider.infini.fr/spip.php?article24
  19. Yves de Poulpry fit construire notamment les halles de Plouescat, qui existent encore de nos jours
  20. Joseph-Marie Kersauson de Pennendreff, "Histoire généalogique de la maison de Kersauson", 1886, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55649073/f377.image.r=K%C3%A9rouz%C3%A9r%C3%A9
  21. Nicolas Éon du Vieux-Châtel, né vers 1718, seigneur du Vieux Chastel et de la Villebague, négociant, décédé le à Saint-Coulomb près de Saint-Malo
  22. Pierre de Rosnyvinen, baptisé le à Rennes, décédé le à Rennes
  23. Marie Michelle Nouail, née le 6 avril 1730, décédée après mars 1793
  24. Albert Laot, « La bataille de Kerguidu : Révolte contre-révolutionnaire en Basse-Bretagne, mythe et réalité », Skol Vreizh, no 65,
  25. Armand René du Châtellier, "Brest et le Finistère sous la Terreur", 1858, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6569249s/f129.image.r=Kerouz%C3%A9r%C3%A9?rk=1587990;4
  26. Hippolyte-Marie-Guillaume de Rosnyvinen, né le à Rennes, décédé le à Paris, général d'Empire, grand officier de la Légion d'honneur ; son nom figure sur l'Arc de triomphe de l'Étoile
  27. Jean-Baptiste du Baudiez, né le au château du Rest en Plabennec
  28. Henri de l'Estang du Rusquec, né le , président de la commission de l'hippodrome de Saint-Pol-de-Léon, vice-président du comice agricole du canton, candidat non élu aux élections sénatoriales en 1901, auteur de plusieurs ouvrages, décédé le au château de Kérouzéré en Sibiril, voir René Kerviler, "Répertoire général de bio-bibliographie bretonne", livre premier, Les bretons. 12-13, ENA-EVE, 1886-1908, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58167704/f107.image.r=K%C3%A9rouz%C3%A9r%C3%A9?rk=1802584;0
  29. "Souvenirs historiques du château de Kérouzéré", Morlaix, Chevalier, 1896
  30. "Nouveau dictionnaire pratique et étymologique du dialecte de Léon", Laval, Jancin, 1895
  31. Chevalier de Fréminville, Le guide du voyageur dans le département du Finistère,
  32. Pol Potier de Courcy, « Itinéraire de Saint-Pol à Brest », Revue de Bretagne et de Vendée, t. VI, .
  33. Notice no IA00064946, base Mérimée, ministère français de la Culture
  34. « Parc du château de Kérouzéré », notice no IA29000260, base Mérimée, ministère français de la Culture
  35. http://www.parcsetjardins.fr/bretagne/finistere/parc_du_ch_teau_de_kerouzErE-929.html

Annexes

Bibliographie

  • Jean-Marie Pérouse de Montclos, Guide du patrimoine. Bretagne, Monum. Éditions du patrimoine, Paris (France), 2002 (ISBN 2-85822-728-4), p. 467-469.
  • Christophe Amiot, « Le château de Kérouzéré », Congrès archéologique de France, session 2007 : Finistère, Paris, Société française d'Archéologie, 2009 (ISBN 978-2-901837-34-3), p. 133-141.

Articles connexes

Liens externes

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