Catenacciu de Sartène

Le Catène de Sartène (ou Catenacciu di Sartè) est une procession nocturne qui se déroule dans la ville de Sartène en Corse et qui symbolise la montée du Christ au Golgotha[1]. Le Catenacciu de Sartène est le plus célèbre de Corse. Le nom Catenacciu, qui signifie "l'enchaîné", vient de la chaîne que traîne le pénitent rouge. En fait, la "chaîne" se réfère d'abord à la cérémonie, à la procession et, deuxièmement, au pénitent, celui qui tire la chaîne.

Catenacciu de Sartène

Procession du Catenacciu à Sartène

Date précédente 10 avril 2020
Date courante 2 avril 2021
Date suivante 15 avril 2022

Histoire

La Croix de chêne et les chaînes du Catenacciu sont conservées à l'église Sainte-Marie qui jouxte le couvent franciscain de Saint Damien à Sartène.

Le Catenacciu est la plus ancienne procession de Corse et remonte au XIIIe siècle; la procession trouve ses origines dans les confréries de flagellants, i Battuti, dont le Catenacciu de Sartène est peut-être la dernière illustration[2]. La cérémonie a été restaurée à l'époque par les Franciscains toscans. La tradition s'est poursuivie au cours des XIVe et XVe siècles sous l'influence des rois d'Aragon. Elle s'est développée du XVIe siècle à nos jours à travers les Confréries. Dans les années 1960, cette tradition est bien vivante et attire des fidèles de toute la Corse[3], alors que d'autres villages corses peinent à maintenir leurs traditions dès cette période[4]. En 1969, Monseigneur André Collini, alors évêque de la Corse, essaie de changer cette tradition, en vain[5]. Aujourd'hui, la procession "trop célèbre"[6] attire encore un grand concours de fidèles dans le respect de la tradition séculaire.

Cérémonie

La cérémonie du Catenacciu a lieu la nuit, pendant le Vendredi Saint. La procession solennelle commence à 21h30 sur la Place de a Porta. La porte de l'église de Sainte Marie s'ouvre, et le cortège quitte progressivement l'église. Pendant la procession, de nombreux chants de lamentu sont chantés, en particulier le célèbre "Lamentu di Ghjesu", et tous les fidèles reprennent en chœur le "Perdono, mio Dio" en toscan :

Paroles d'origineTraduction française

Perdono, mio Dio
Toscan
Perdono, mi Dio
Mio Dio, perdono,
Perdono, mio Dio
Perdono, pietà.

Pardonne-moi, mon Dieu
Français
Pardonne-moi, mon Dieu,
mon Dieu, pardonne-moi,
Pardonne-moi, mon Dieu,
fais pardon et prends pitié.

Le grand pénitent ou catenacciu

Le grand pénitent, vêtu de rouge, tombe trois fois comme le Christ sur le Chemin de Croix.

Le "grand pénitent" ou "catenacciu", celui qui a été choisi pour porter les chaînes rappelant celles du Christ, est coiffé d'une cagoule hermétique, habillé de rouge des pieds à la tête[7]. Il est accompagné d'un pénitent blanc et de huit pénitents noirs. A côté d'eux, il y a aussi des membres du clergé et des membres de la confrérie du Très Saint-Sacrement ("Compagnia del Santissimo Sacramento"). Seul le prêtre de Sartène peut connaître l'identité du pénitent rouge et il est tenu par le secret de la confession[8]. Souvent, le pénitent est quelqu'un qui a gravement péché et qui se repent. Le pénitent est volontaire et il fait une demande écrite quelques semaines plus tôt. En portant ces chaînes, il cherche à suivre un itinéraire spirituel en suivant la passion du Christ et son chemin de Croix. Toute personne ne peut être le pénitent rouge qu'un e seule fois dans sa vie. Avant la cérémonie, le pénitent a passé la journée et la nuit au couvent franciscain de San'Damianu. Lorsque la procession est terminée, la croix et la chaîne sont conservées dans l'église de Sainte Marie.

Le pénitent est vêtu de rouge et porte une croix de chêne qui pèse 34,5 kilos[1]. Le pénitent processionne déchaussé, c'est-à-dire pieds nus dans les rues de Sartène. Sur son pied droit, il a une chaîne qui pèse 14 kilos[9], qui ralentit sa marche et produit un son sinistre qui marque aussi sa progression dans les rues de la ville. La chaîne est liée au pied du pénitencier rouge avec une poignée en cuir. Avant 1955, la chaîne était attachée au pied par une élingue. Au cours des 1800 mètres qu'il parcourt, le pénitent doit se laisser tomber trois fois[10], tout comme Christ dans sur le chemin vers le Golgotha. Pour la première fois, il tombe sur la route de Sant'Anna, près de l'ancienne chapelle. Il tombe une deuxième fois sur la Place de a Porta. Enfin, il tombe une troisième fois près de l'ancienne chapelle Sainte-Lucie.

Le pénitent blanc

Le pénitent blanc aidant le grand pénitent à porter sa Croix, comme Simon de Cyrène.

À côté de celui qui porte les chaînes, il y a aussi un pénitent habillé de blanc. Il représente Simon de Cyrène[1], qui a été forcé par les soldats romains à aider le Christ à porter sa croix. La présence du pénitent blanc est également un symbole de fraternité et de solidarité humaine; il exprime le lien entre pénitence, Passion du Christ et réconciliation entre les factions et les habitants de la ville[11]. En effet, lors de la procession du Catenacciu, le pénitent blanc aide de temps en temps le pénitent rouge à porter sa croix.

Les pénitents noirs

Il y a huit autres pénitents noirs dans le cortège. Ils représentent les membres du Sanhédrin qui ont jugé le Christ. Parmi eux, quatre soutiennent la statue du Christ, posée sur un drap blanc, tandis que les quatre autres portaient traditionnellement les quatre coins d'un dais noir[12].

Influence culturelle

Le Catenacciu de Sartène a été mentionné souvent dans la littérature et la culture corse. On le retrouve par exemple dans la chanson Sartè du groupe de polyphonie corse Diana di l'Alba. Le journaliste romancier Pierre Scize en fait aussi une description "détaillée et apocalyptique"[13] dans son roman La Belle de Cargèse publié en 1946.

Références

  1. Alexandra Laclau, Atlas ethnohistorique de la Corse, 1770-2003, CTHS, Comité des travaux historiques et scientifiques, , 253 p. (ISBN 978-2-7355-0558-6, lire en ligne), p. 171..
  2. Max Caisson, Pieve e paesi : communautés rurales corses, Centre national de la recherche scientifique, , 379 p. (ISBN 978-2-222-02196-4, lire en ligne), p. 184.
  3. Jean-Dominique Guelfi, La Corse, Horizons de France, (lire en ligne), p. 120
  4. Maurice Agulhon, La Sociabilité méridionale : confréries et associations dans la vie collective en Provence orientale à la fin du XVIIIe siècle..., la Pensée universitaire, (lire en ligne), p. 801.
  5. Monseigneur André Collini, « Un fait inhabituel s'est produit lors du « Catenacciu » à Sartène, au soir du Vendredi saint. », Documentation catholique, vol. 51, , p. 497. (lire en ligne)
  6. Pascal Marchetti et Rigolu Grimaldi, In Corsica tandu : Autrefois la Corse, P. Sers, , 224 p. (ISBN 978-2-904057-13-7, lire en ligne), p. 195.
  7. Réalités, (lire en ligne)
  8. Antoine Ottavi, Corse, Éditions du Seuil, (lire en ligne), p. 58.
  9. Collectif, Traditions et artisanat de nos régions, Atlas, , 360 p. (ISBN 978-2-7234-4077-6, lire en ligne), p. 221.
  10. Guelfi 1961, p. 121.
  11. Mauricette Mattioli, Les confréries de Corse : une société idéale en Méditerranée, Ajaccio/Corte/Ajaccio, Musée de la Corse, , 524 p. (ISBN 978-2-909703-37-4, lire en ligne), p. 58.
  12. Solange Corbin, La deposition liturgique du Christ au vendredi saint : sa place dans l'histoire des rites et du théâtre religieux (analyse de documents portugais), Société d'éditions "Les Belles Lettres,", (lire en ligne), p. 105.
  13. Katty Andreani-Peraldi, Visages de la mort en Corse dans le roman du XVIIIe siècle à nos jours, Editions A. Piazzola, , 326 p. (ISBN 978-2-907161-09-1, lire en ligne), p. 202.

Voir aussi

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