Carantanie

La Carantanie (en slovène : Karantanija ; en allemand : Karantanien) était une principauté qui est apparue à la seconde moitié du VIIe siècle dans une région qui s’étendait sur une zone aujourd’hui située dans les Alpes orientales au sud de l’Autriche et au nord-est de la Slovénie. Il s'agit d'un exemple prématuré d'une structure étatique slave qui se déroula après la fin de la période des migrations. La principauté dura plus de 300 ans; elle fut ensuite remplacée par une marche de l'Empire carolingien au VIIIe siècle et finalement par le duché de Carinthie en 976.

La vue de Karnburg sur la plaine de Zollfeld et l'église de Maria Saal

Origine du nom

Le nom Carantanie tire son origine dans une langue antérieure à la langue slave. On pense que Carant proviendrait de la racine pré-indo-européenne karra qui signifie « roche ». La seconde possibilité serait que le nom provienne d’une origine celtique dérivée du mot karantos et signifiant « ami », « allié ». Le mot français 'charançon' (petit cerf) d'origine gauloise qui se disait karantionos en gaulois et caranteus en bas-latin, pourrait provenir de la même racine celtique[réf. nécessaire]. Son nom slave korǫtanъ est dérivé du mot latin carantanum. Le toponyme Carinthie (slovène : Koroška ; allemand : Kärnten) serait aussi un dérivé étymologique[1].

Selon Paul Diacre, qui écrivait à la fin des années 780, les Slaves appelaient leur pays Carantanum, par corruption du nom de l'ancien Carnuntum (ancien camp de légionnaires romains sur le Danube, entre Vienne et Bratislava)[2].

Territoire

Limites envisagées de la Carantanie vers l’an 800.

La capitale de l’État était probablement Karnburg (slovène: Krnski grad) près de Maria Saal dans la vallée de Zollfeld (Gosposvetsko polje), une plaine fertile au nord de la ville actuelle de Klagenfurt (Celovec), traversée par la Glan. Dans l'Antiquité déjà, ce paysage culturel autour de la ville de Virunum était un centre politique du royaume celte du Norique, alors que celui-ci devenait une province de l'Empire romain vers l'an 15 av. J.-C.

La principauté médiévale était centrée sur l'actuel land de Carinthie et la Carinthie slovène, tout en englobant également quelques zones voisines de la Styrie et Basse-Styrie, du Tyrol oriental, de la région du Lungau et du Pongau dans le land de Salzbourg, de la Basse-Autriche et de la Haute-Autriche. Selon certaines sources, telles que les écrits de Paul Diacre, un autre État slave, la Carniole (Kranjska), apparut au VIIIe siècle au sud de la principauté, de l'autre côté du massif des Karavanke. Ce pays qui fut aussi à l’origine d’une marche et d'un duché par la suite.

Histoire

Les historiens pensent que les Slaves sont arrivés dans l’Est des Alpes vers la fin du VIe siècle car ils ont constaté un changement de culture et de la population dans une région qui n’était pas slave linguistiquement jusque-là. À partir de 568, les Lombards migrèrent dans le nord de l’Italie et en peu de temps les Slaves les remplacèrent dans les régions plus à l’Est, poursuivis par des envahisseurs avars. La zone resta néanmoins toujours habitée par les anciennes cultures romanisées et chrétiennes.

Vers l'an 588, les Slaves atteignent la région de la rivière Save et en 591 la région de la rivière Drave jusqu'à sa source près de Toblach (Dobbiaco), où ils combattirent le troupes bavaroises du duc Tassilon Ier, qui a été intronisé par le roi mérovingien Childebert II. En 592, les Bavarois remportent la victoire mais en 595 ils se font battre dans une défaite sanglante contre les forces combinées des Slaves et Avars. Cela crée une nouvelle frontière entre le territoire des royaumes francs et des Avars[3]. À cette époque, la région orientale des Alpes est mentionnée en tant que Provincia Sclaborum par l'historien lombard Paul Diacre (Paulus Diaconus) à l'occasion d'un raid bavarois.

Le royaume de Sámo avec la marche des Wendes au sud-ouest

Au début, les Slaves étaient sous les ordres de chefs avars dénommés kagans. À la suite de l'affaiblissement des Avars vers l’an 610, les tribus slaves conduites par un Franc dénommé Sámo peuvent s'organiser et installer un règne centré au bord du cours inférieur de la Morava. En 623, les Slaves de l'Est des Alpes probablement s’allièrent au royaume de Sámo; en 626, leur alliance permet de mettre un terme à la domination des Slaves par les Avars à la suite de la défaite de ceux-ci à Constantinople[4]. Pendant cette période, vers l'an 631, une « marche des Wendes » (marca Vinedorum) relativement indépendante apparut, mentionnée dans la Chronique de Frédégaire, qui fut gouvernée par un duc vraisemblablement dénommé Valuk (Wallux dux Winedorum).

En 658, Samo décède et l’union est rompue. Une petite partie de la marche des Slaves, centrée au nord de la ville actuelle de Klagenfurt reste indépendante et est connue sous le nom de Carantanie. Ce nom apparait pour la première fois dans des sources historiques de l’an 660.

Le premier prince de Carantanie mentionné par son nom est Borouth, qui régna au cours des années 740 et 750. À cette époque-là, la principauté passe sous la domination du duché de Bavière, quand le prince slave vient chercher une assistance militaire du duc Odilon contre les Avars[2]. Une fois que la seigneurie bavaroise fut établie en Carantanie, Odilo prit en otage le fils de Borouth, Cacatius, et son neveu Chietmar (Hotimir). Tous deux sont baptisés en Bavière. Au cours de la guerre de 743 entre Odilon et les deux fils de Charles Martel, Carloman et Pépin (maires du palais d'Austrasie et de Neustrie, respectivement), les troupes carantaniennes combattirent du côté bavarois. La domination bavaroise ouvre le champ aux missions de conversion au christianisme envoyées par Virgil, nouvel évêque de Salzbourg (746–784). De nombreux missionnaires sont d'origine bavaroise, mais certains sont des moines irlandais[2].

La Carantanie ainsi annexée par la Bavière, en même temps que le duché ethnique, passe sous la suprématie l'Empire franc, accompli par la destitution du duc Tassilon III par le roi Charlemagne en 788.

En 828, à la suite de la rébellion de Ljudevit Posavski, la Carantanie est gouvernée par un margrave de l'empire. Après la révolte, la colonisation allemande progresse dans un pays jusqu’alors peu peuplé. Les carolingiens forment de grandes unités d’exploitation (dvori), confiées à leurs vassaux. L’Église obtient de grands domaines aux mains des évêques de Salzbourg, Passau, Brixen et Freising ou des monastères. Les colons allemands introduisent de nouvelles méthodes d’exploitation des terres (Innichen). Le monde rural se divise en paysans libres et indépendants (grubtar) et serfs (kajžar). Ils forment des communes (srenja) dirigées par un maire (župan) qui fait le lien entre les seigneurs et la commune[5].

En 843, le territoire passe dans les mains de Louis II de Germanie. En 887, Arnulf de Carinthie (850-899) un descendant de Louis, devient le premier duc de Carinthie.

Couronnement du duc

Église de Maria Saal (Gospa Sveta).

La Carantanie disposait d’un rituel ancien et particulier lors du couronnement d’un nouveau dirigeant (dénommé fürst et traduit par duc ou prince). Cette pratique resta en application après l’apparition du Duché de Carinthie. Ce rituel ne cessa qu’en 1414 lorsqu'Ernest Ier d'Autriche (lignée des Habsbourg) fut intronisé duc de Carinthie. Ce rituel avait lieu sur la pierre des princes (en) (slovène : Knežji kamen, allemand : Fürstenstein). Cette ancienne colonne celtique était située près de Krnski grad (actuellement Maria Saal). Lors du rituel, un paysan choisi par les habitants de Carantanie pour les représenter, questionnait le futur dirigeant sur son intégrité tout en lui rappelant ses devoirs.

Le couronnement se déroulait en trois étapes :

  • La cérémonie de la Pierre du Prince ;
  • Une messe religieuse se tenait dans la cathédrale de Maria Saal (Gospa Sveta) ;
  • Une cérémonie se tenait finalement sur le trône des ducs (slovène : Vojvodski stol; allemand : Herzogsstuhl). Ce trône est localisé dans la vallée de Zollfeld au nord de la ville autrichienne de Klagenfurt.

La cérémonie est mentionnée dans le livre de Jean Bodin de 1576 intitulé Six livres de la République.

Mention dans la littérature médiévale

La Chronique de Frédégaire mentionne la zone en tant que Sclauvinia, Dante Alighieri (1265-1321) mentionne l’État en tant que Chiarentana. Ce dernier nom fut également employé par des Florentins comme le poète Fazio degli Uberti (env.1309–1367), l’écrivain Giovanni Villani (c. 1275–1348), et Giovanni Boccaccio (1313–1375). Ce dernier a écrit que la source de le fleuve Brenta prend sa source dans les montagnes de Carantanie, un pays des Alpes localisé entre l’Italie et la Germanie.

Structures sociale et ethnique

En Carantanie, la plus importante ethnie était composée de Slaves s’étant installés dans les Alpes orientales au VIe siècle. Il y avait aussi les ancêtres des Croates, des Dulebes et des descendants de personnes romanisées (province romaine de Norique). Il semble également y avoir eu une population provenant des Avars, des Bulgares et de Germains[3],[4].

Les habitants de la Carantanie sont considérés comme les précurseurs et les ancêtres de la Slovénie.

Références

  1. (sl) France Bezlaj, Etimološki slovar slovenskega jezika (Slovenian Etymological Dictionary). Vol. 2: K-O / edited by Bogomil Gerlanc. - 1982. p. 68. Ljubljana: Mladinska knjiga, 1976-2005.
  2. (en) Florin Curta, Eastern Europe in the Middle Ages (500-1300), academia.edu, 2019
  3. (sl) Peter Štih, Ozemlje Slovenije v zgodnjem srednjem veku: osnovne poteze zgodovinskega razvoja od začetka 6. stoletja do konca 9. stoletja [The territory of Slovenia during early Middle Ages: a basic outline of historical development from early 6th century to late 9th century], Ljubljana, 2001.
  4. Peter Štih, Slovenska zgodovina: Od prazgodovinskih kultur do konca srednjega veka [Slovenian history: From prehistoric cultures to late Middle Ages]
  5. Antonia Bernard Petite histoire de la Slovénie Institut d'études slaves, 1996 (ISBN 2720403164 et 9782720403163)

Voir aussi

Bibliographie

  • Rajko Bratož, ur., Slovenija in sosednje dežele med antiko in karolinško dobo : začetki slovenske etnogeneze - Slowenien und die Nachbarländer zwischen Antike und karolingischer Epoche : Anfänge der slowenischen Ethnogenese, 2 zv. Ljubljana, 2000.
  • Paul Gleirscher, Karantanien - das slawische Kärnten. Klagenfurt, 2000. (ISBN 3-85378-511-5).
  • Bogo Grafenauer, Ustoličevanje koroških vojvod in država karantanskih Slovencev : Die Kärntner Herzogseinsetzung und der Staat der Karantanerslawen. Ljubljana, 1952.
  • Hans-Dietrich Kahl, Der Staat der Karantanen: Fakten, Thesen und Fragen zu einer frühen slawischen Machtbildung im Ostalpenraum, Ljubljana, 2002.
  • Peter Štih, »Karantanci - zgodnjesrednjeveško ljudstvo med Vzhodom in Zahodom«, Zgodovinski časopis 61 (2007), p. 47-58.

Liens externes

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