Camilla Battista da Varano

Camilla Battista da Varano, née le et décédée le à Varano, dans les Marches (Italie), est une religieuse de l'ordre des clarisses. Elle a laissé une œuvre mystique, centrée sur la Passion du Christ et influencée par l'humanisme de la Renaissance italienne. Elle est canonisée en 2010 par le pape Benoît XVI. Sa fête se célèbre le 31 mai.

Camilla Battista da Varano
Sainte
Naissance
Camerino, Italie
Décès  
Camerino, Italie
Nationalité États pontificaux
Ordre religieux Ordre des Pauvres Dames
Les Clarisses
Vénéré à Camerino chapelle des Clarisses.
Béatification
par Grégoire XVI
Canonisation , Vatican
par Benoît XVI
Vénéré par Église catholique romaine
Fête

Biographie

Origines

Panorama de Camerino, cité natale de la sainte.

Camilla est née le 9 avril 1458 à Camerino (actuelle province de Macerata), dans la Marche d'Ancône, à l'ombre des Apennins. Elle est la fille illégitime de Giulio Cesare da Varano, duc de Varano, seigneur de Camerino et chef d'un petit État indépendant. Suivant la coutume du temps, le duc de Varano a guerroyé à la solde de certains papes, et, à la faveur de combinaisons matrimoniales, s'est apparenté à d'importantes familles régnantes de diverses cités italiennes. En plus des trois enfants qu'il tient de sa femme, Giovanna Malatesta, Giulio Cesare compte au moins six enfants naturels, parmi lesquels Camilla, née de Cecchina di mastro Giacomo, semble avoir été la préférée. Introduite à la cour des Varano, elle est élevée dans le luxe du palais paternel, où elle reçoit la formation caractéristique d'une jeune aristocrate de la Renaissance : étude du latin, de la peinture et des classiques de la culture humaniste, mais aussi éducation courtoise, ce qui comprend l'équitation, la musique et la danse. À travers ces activités, elle révèle un caractère bien trempé et donne libre cours à son goût de la vie et du plaisir[1].

Vocation franciscaine d'une fillette... (par le Pérugin)

Vocation religieuse

Vers l'âge de dix ans, une autre orientation s'impose toutefois à son esprit. À la suite de la prédication des FF. Domenico da Leonessa et Pietro da Mogliano, franciscains de l'Observance, elle s'engage à honorer, chaque vendredi, d'une lacrimuccia ("petite larme[2]") la Passion de Jésus. Cette dévotion à la passion du Christ accompagnera toute son existence : c'est elle qui lui inspire le désir d'entrer en religion, malgré toute l'horreur que la vie religieuse lui inspirait auparavant, mais aussi le courage d'affronter son père, qui avait conçu pour elle de brillants projets de mariage. Ainsi, en 1481, elle entre au monastère des clarisses d'Urbino, où la règle de Claire d'Assise est suivie dans toute la rigueur voulue par le mouvement de l'Observance. Elle y recevra le nom de Suor Battista, se dédiant à la prière et à la composition d'œuvres religieuses, en langue vulgaire et en latin[1].

Exil et retour

Franciscanisme et humanisme... (par Le Pérugin)

Le 4 janvier 1481, elle quitte Urbino pour Camerino, où son père a construit un monastère à son intention. Accompagnée de huit religieuses et portant une croix sur ses épaules, elle prend possession du lieu dont elle deviendra l'abbesse. En 1501, cependant, le pape Alexandre VI Borgia excommunie le duc de Varano pour des raisons financières, ce qui prive celui-ci de ses droits seigneuriaux. Au service de la politique de son père, César Borgia cherche à annexer Camerino aux États pontificaux. C'est ainsi qu'en 1502, il provoque dans la cité une révolte, à l'occasion de laquelle il emprisonne Giulio Cesare, puis le fait étrangler dans la forteresse de Pergola; après quoi les trois frères de la sainte, Annibale, Venanzio et Pirro, sont tués à leur tour à Cattolica. Pour échapper au massacre, Giovanna Malatesta, Camilla Battista et le plus jeune fils, Giovanni Maria, partent en exil à Venise. Désireuse de ne pas compromettre sa communauté, la religieuse ne rentre pas à Camerino, mais, après avoir été refusée à Fermo où la population craint les représailles de César Borgia, elle trouve refuge à Atri, d'où elle reviendra, en 1503, dans sa cité natale. Cette année-là, en effet, le pape Jules II a remplacé Alexandre VI et rétabli l'unique survivant des Varano, Giovanni Maria, à la tête de l'État de Camerino. Le même pape, en 1505-1506, invitera la sainte à fonder un monastère de clarisses à Fermo. Vers 1521-1522, elle se rendra encore au monastère de San Severino Marche, pour y diriger la formation des religieuses passées à l'Observance. Elle décède, le 31 mars 1524, à Camerino[1].

Postérité

Culte

Camilla a été béatifiée, le 7 avril 1843, par le pape Grégoire XVI. Le 8 avril 1821, le pape Léon XIII a approuvé les écrits de la sainte et rouvert le procès en canonisation. En 1877 a eu lieu le miracle nécessaire à celle-ci, lorsqu'une fillette italienne fut guérie de rachitisme. Camilla a été canonisée, le 17 octobre 2010, par le pape Benoît XVI. Sa fête se célèbre le 31 mai. Ses reliques sont gardées et exposées dans la crypte du monastère des clarisses de Camerino[1].

Œuvres

L'Agonie au Jardin des Oliviers (par le Pérugin)
La Descente de Croix (par Le Pérugin).

Écrits historiques et autobiographiques

  • Il felice transito del beato Pietro da Mogliano
  • Memoria dell'olivetano Antonio da Segovia
  • Visioni di Santa Caterina da Bologna
  • Vita spirituale (1491)

Traités et révélations

  • I ricordi di Gesu (1483)
  • I dolori mentali di Gesu nella Passione (1488)
  • Le instruzioni al discepolo
  • Trattato della purita del cuore
  • Considerazioni sulla Passione di nostro Signore

Lettres

  • Lettera ad una suora vicaria
  • Lettera a Muzio Colonna
  • Lettera a Giovanna da Fano
  • Lettera al medico Battista a Pucci

Prières

  • Preghiera a Dio e preghiera a Gesu Eucarestia
  • Preghiera a Gesu Cristo
  • Preghiera alla Vergine
  • Novena alla Vergine

Poésies

  • Sonetto a Maria
  • Versi per una religiosa
  • Lauda della visione di Cristo
  • Distici latini a Gesu Crocifisso

Spiritualité

Contexte

Comme le rappelle la biographie de sainte Camilla Battista, le XVe siècle constitue aussi bien l'époque des Borgia que celle de l'Observance franciscaine. En cette époque contrastée, marquée par l'avènement de l'humanisme, comme par l'urgence d'une réforme à l'intérieur de l'Église, la mystique connaît de profonds changements. La tradition contemplative monastique se trouve en effet remise en question, au nom d'une vision pessimiste de l'actualité, et d'une mise en évidence du caractère individuel, partant subjectif, de l'expérience spirituelle. Se met ainsi en place une spiritualité à la fois ascétique et extatique, héroïque et soucieuse de jouir du divin, sur fond de tension entre la nature et l'histoire[3]. Si Catherine de Gênes est, en Italie, la représentante la plus éminente de cette nouvelle orientation, Camilla Battista s'inscrit également dans cette mouvance, par son appartenance au mouvement volontariste de l'observance, sa volonté de conformité à la Passion, son projet d'intégration subjective des souffrances intérieures du Christ; le tout exposé dans un style qui cherche à honorer l'idéal des belles-lettres.

Déploration du Christ mort (par Le Pérugin).

Doctrine

On rapporte que François d'Assise allait répétant : "l'amour n'est pas aimé". À travers l'agonie, la passion et la mise à mort de Jésus-Christ, tel est le drame et le scandale du Calvaire; et il interpelle la mystique, qui est descente dans les profondeurs de l'être. C'est ainsi que Camilla Battista a voulu faire de sa vie, comme elle l'écrit, un vendredi-saint perpétuel, à la suite de François, premier Stigmatisé de l'histoire. De l'enfance à la mort, la dévotion (au sens fort du terme) à la Passion structure, dès lors, l'itinéraire de la sainte, depuis la haine du péché jusqu'à une théologie extatique de l'amour, en passant par la phase classique des ténèbres spirituelles[4]. Cette participation au mystère des souffrances de l'Homme-Dieu, engage donc toute la personne, impliquant les aspects complémentaires du rejet de l'esprit du monde, de l'humilité du cœur, et du désir de souffrir en communion intime avec le Crucifié[5]. Chez Camilla, il s'agit d'abord d'une réaction, proprement métaphysique, d'anéantissement de l'ego, face à la découverte de l'amour de Dieu, suprêmement révélé par la Croix, laquelle devient alors clé de lecture de soi, de la création et du divin. Autrement dit, la transcendance de l'amour détermine une condition anthropologique précise : une mystique sponsale qui ne se contente pas d'accompagner de l'extérieur l'Époux souffrant, mais invite à épouser intimement les mentali dolori del mare amarissimo dell'affanato suo Cuore. L'injonction de l'apôtre Paul à revêtir le Christ, prend ici la forme d'une appropriation des dispositions intérieures de Jésus, de manière à se laisser entièrement transformer à l'image de l'amour rédempteur[6].

Voir aussi

Saint François d'Assise (par Le Pérugin).

Éditions des œuvres

  • Camilla Battista da Varano, Le opere spirituali. Nuova edizione del V centenario dalla nascita secondo i più antichi codici e stampe e con aggiunta di alcuni inediti a cura di Giacomo Boccanera; prefazione di Piero Bargellini, Ed. Francescane, Iesi 1958.
  • Camilla Battista da Varano, La purità di cuore. "Con qual'arte lo Spirito Paraclito si unisca con l'amatori suoi", a cura di Ch. Giovanna Cremaschi, Glossa (Sapientia 9), Milano 2002.
  • Camilla Battista da Varano, Il felice transito del beato Pietro da Mogliano, a cura di Adriano Gattucci, Edizioni del Galluzzo, Firenze 2007.
  • Camilla Battista da Varano, Autobiografia e le opere complete, a cura di Silvano Bracci, Vicenza 2009.

Études en italien

  • M. Bartoli – A. Cacciotti – D. Cogoni – J. Dalarun – A. Dejure – P. Maranesi – P. Martinelli – P. Messa – R. Michetti – A.E. Scandella - P. Sella – C.L. Serboli, Dal timore all'amore. L’itinerario spirituale della beata Camilla Battista da Varano. Atti del Centenario della nascita (1458-2008), a cura del Monastero Santa Chiara di Camerino, Edizioni Porziuncola, Assisi 2009.
  • Un desiderio senza misura. La santa Battista Varano e i suoi scritti. Atti del convegno, a cura di P. Messa - M. Reschiglian - Clarisse di Camerino, Ed. Porziuncola, Assisi 2010.
  • S. Bracci, Principessa clarissa e santa, Gorle 2010.
  • C. Serri, Nell’acqua e nel fuoco – L’avventura cristiana di Camilla Battista da Varano, Edizioni Porziuncola, Assisi 2003.
  • Ch. Laura - Ch. Amata, Santa Camilla. Dalle lacrime alla gioia, Gorle 2010.
  • A. Clementi, La passione di Gesù, Meditazioni sulle opere di Santa Camilla Battista da Varano, Simple, 2011.

Études en français

  • B. Forthomme, Histoire de mon bonheur malheureux. Tout commença par une larme, Éditions franciscaines, Paris 2009.
  • J. R. Carballo, Une lumière pour notre temps, lettre du père général à l'occasion de la canonisation de Camilla Battista da Varano OSC, Rome, 2010.

Liens externes

Alexandre VI Borgia, à genoux devant le Christ ressuscité.

Références

  1. www.sorellepoveredisantachiara.it.
  2. Camilla da Varano (trad. de l'italien), Histoire de mon bonheur malheureux : "Tout commence par une larme", Paris, éditions franciscaines, , 178 p. (ISBN 978-2-85020-233-9), ch 3 ; pp. 81-84
  3. C. Cargnoni, in P. Zoratto (éd.), "Storia della spiritualia italiana", Rome, Editions Citta Nuova, 2002, p. 183
  4. C. Cargnoni, op. cit., p. 220
  5. C. Cargnoni, op. cit., p. 219
  6. C. Cargnoni, p. 220
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