Cénée

Dans la mythologie grecque, Cénée (en grec ancien Καινεύς / Kaineús, en latin Caeneus) est un héros lapithe réputé invincible. Il était né de sexe féminin, son premier nom était alors Cénis (Καινις / Kainis)[1].

Pour l’article ayant un titre homophone, voir Séné.

Cénis et Poséidon, gravure de Virgil Solis pour le livre VIII des Métamorphoses d'Ovide, 1563.

Mythe

Une partie de la légende est connue dès le Catalogue des femmes dont un fragment conservé décrit comment, de femme, le personnage devient un homme : Cénis, fille du roi lapithe Élatos, est violée par Poséidon, qui pour prix de son plaisir lui accorde un vœu. Cénis fait alors le souhait de devenir un homme, que Poséidon fait invulnérable[2]. La motivation de ce souhait reste mal assurée : le Catalogue ne s'étend pas sur le sujet. Acousilaos écrit une version proche de celle du Catalogue des femmes mais appelle la jeune fille Kainé. Il formule en outre une explication au sujet du souhait : Kainé est transformée en homme « parce qu'il ne lui est pas permis d'avoir d'enfants » (mais le pronom en grec ancien n'est pas clair sur le genre du personnage : on ne sait donc pas si Kainé désire cela parce que quelque chose dans sa vie de femme a fait qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant, ou si elle formule ce souhait parce qu'une fois devenue un homme elle ne pourra plus enfanter)[3]. Le poète romain Ovide met dans la bouche de Cénis une raison de type psychologique[4] :

« Mon affront, répond-elle, me fait former cet unique vœu, de ne pouvoir plus désormais en souffrir de pareils. Que je ne sois plus femme, et tu m'auras tout accordé.
(Traduction Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave, Paris, 1806) »

Ovide compte ensuite Cénée parmi les chasseurs de Calydon[5], tout comme Hygin[6], qui ajoute aussi son nom à la liste des Argonautes[7]. Mais ces traditions sont vraisemblablement tardives et Cénée ne joue d'ailleurs aucun rôle dans ces événements. D'ailleurs Cénée a plusieurs enfants, également comptés parmi les Argonautes : Coronos, Phocos et Priasos[8]

Cénée, partiellement enfoncé dans le sol, aux prises avec un centaure, lécythe attique à peinture superposée, v. -500--490, musée du Louvre (CA 2494).

Les mythes archaïques concernant Kaineus tournent autour de son combat contre les centaures. Une majorité de récits à la suite de l'Iliade situent l'affrontement dans le cadre du banquet de Pirithoos. Cependant certains éléments donnent à penser que les deux épisodes ont pu être distincts à la base : ainsi chez Acousilaos, Cénée est l'homme le plus puissant de son époque et le roi des Lapithes, titre habituellement échu à Pirithoos[9] ; toujours chez cet auteur, il aurait courroucé les dieux pour un motif mal défini[10] et Zeus aurait envoyé contre lui les centaures. Théophraste, philosophe du IIIe siècle av. J.-C., dans son traité De la royauté, utilise l’expression proverbiale « gouverner par la lance ou l’épée » ; elle fait référence au mythe de Cénée : un roi qui règne « par la lance » est un souverain illégitime, tandis qu’un roi qui règne « par l'épée » est un roi légitime. Pausanias rapporte la présence de Cénée sur le fronton ouest d'Olympie figurant l'épisode des noces de Pirithoos. Pour certains auteurs, comme Timothy Gantz[11], il s'agirait-là d'une erreur d'interprétation du Périégète. Un relief en bronze d'Olympie[12] le dépeint seul face à deux centaures anthropomorphes, alors que les fresques représentant la centauromachie montrent habituellement toujours des combats en groupe : le vase François ou les frises de l'Héphaïsteion, du Temple d'Apollon à Bassae et de Sounion, entre autres.

Sa fin inhabituelle est décrite de la même manière par toutes les sources, exception faite d'Hygin, qui cite Cénée dans une liste de suicidés, sans plus de précisions (CCXLII) : ne pouvant en venir à bout en combat singulier, les centaures l'assaillent avec des troncs d'arbres (parfois des rochers) pour l'écraser ou l'enfoncer dans le sol[13].

Chez Ovide[14], Cénée est enseveli sous des arbres et connaît une nouvelle métamorphose en un oiseau « revêtu d'un plumage fauve » ; mais il peut s'agir là d'une invention du poète, comme la mention dans l’Énéide d'un Cénée redevenu femme dans les Enfers.

Démythification

Selon les Histoires incroyables de Palaiphatos, Cénée était un Thessalien valeureux et expert au combat, jamais blessé lors d'aucune bataille ; les Centaures l’enterrèrent vivant, et c'est ainsi qu'il périt.

Sources

Notes

  1. Acousilaos donne comme variante Céné (Καινη / Kainê).
  2. Hésiode, fragment 87 Merkelbach-West.
  3. Acousilaos, 2F22 (dans Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, 2e édition, Leyde, 1957, volume I).
  4. Ovide, Métamorphoses, XII, 201-203.
  5. VIII, 305
  6. CLXIII
  7. XIV : Il y a là une confusion possible avec Cénée fils de Coronos, autre Argonaute mentionné par Apollodore et cité d'ailleurs un peu plus loin dans le même passage d'Hygin.
  8. Hygin (XIV)
  9. Le Bouclier d'Héraclès d'Hésiode permet de lever partiellement cette objection, puisque Cénée y est aussi présenté comme le roi des Lapithes, mais que l'affrontement a bien lieu lors des noces de Pirithoos.
  10. Des scholies tardives, la scholie A de l'Iliade (I, 264) et une scholie d'Apollonios de Rhodes (I, 57) précisent que c'est pour avoir honoré ou fait honorer sa lance comme un dieu.
  11. Gantz 2004, p. 497.
  12. Olympie BE[Quoi ?] 11a
  13. Sur le vase François, Cénée est représenté enfoui à mi-corps.
  14. XII, 527-530

Bibliographie

  • Luc Brisson (dir.) et Jean-François Pradeau (trad. du grec ancien par Jean-François Pradeau), Les Lois, Paris, Éditions Gallimard, (1re éd. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9). 
  • (fr) L’Iliade (trad. du grec ancien par Robert Flacelière), Éditions Gallimard, (1re éd. 1955) (ISBN 2-07-010261-0). 
  • Virgile (trad. Maurice Lefaure, préf. Sylvie Laigneau), L'Énéide, Le Livre de poche, coll. « Classiques », , 574 p. (ISBN 978-2-253-08537-9). 
  • Timothy Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Belin, [détail de l’édition], p. 499-500
  • Françoise Lecocq, « Caeneus auis unica (Ovide, Métamorphoses 12, 532) est-il le phénix ? », dans Laurence Gosserez (dir.), Le Phénix et son Autre. Poétique d'un mythe, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2013, p. 211-220.
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