Bruno Tertrais

Bruno Tertrais est un politologue français né le [1], spécialisé dans l'analyse géopolitique et stratégique. Il est actuellement directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (en) (FRS). IL est également senior fellow à l'Institut Montaigne, et conseiller scientifique auprès du Haut commissaire au Plan.

Biographie

Bruno Tertrais est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, titulaire d'une maîtrise en droit public et d'un doctorat en science politique, et habilité à diriger des recherches.

Entre 1990 et 1993, il est directeur de la commission des affaires civiles à l’assemblée de l'OTAN. De 1993 à 2001, il est chargé de mission auprès du directeur des Affaires stratégiques du ministère de la Défense et visiting fellow à la Rand Corporation (1995-1996). En septembre 2001, il rejoint la Fondation pour la recherche stratégique en tant que maître de recherche.

En 2007-2008, il est membre de la commission du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale et nommé par le président Nicolas Sarkozy, ainsi que de la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne. En 2012-2013, il est membre de la nouvelle commission du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale nommée par le président François Hollande.

Depuis novembre 2016, Bruno Tertrais est directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Il est également membre de l’International Institute for Strategic Studies (IISS) ; des comités de rédaction des revues Survival et The Washington Quarterly ; du comité exécutif du Haifa Research Center for Maritime Strategy (HMS) ; des conseils scientifiques de la chaire « Grands enjeux stratégiques » de l'université Paris-I, de la chaire « Économie et géopolitique » de la Paris School of Business, et de la revue Champs de Mars.

En 2017, il a participé à la rencontre annuelle du groupe Bilderberg[2].

Ses domaines de spécialisation sont la géopolitique et les relations internationales, les crises et les conflits, la stratégie américaine et les relations transatlantiques, la sécurité au Moyen-Orient en en Asie, la dissuasion nucléaire, à laquelle il a consacré de nombreuses publications[3].

Parallèlement, il a engagé une réflexion sur le progrès et le catastrophisme, notamment dans son ouvrage L'Apocalypse n'est pas pour demain (2011). Il pense notamment que le nucléaire limite le risque de guerre, et que le réchauffement climatique ne sera pas une cause de guerre[4] car, selon lui :

« Le réchauffement climatique n’est pas susceptible de causer des guerres [...] pour la simple raison que nous ne sommes plus au Moyen Âge et que nos sociétés ne se font plus la guerre pour accéder à des ressources naturelles manquantes. À supposer même que le réchauffement climatique conduise à une raréfaction de certaines d’entre elles, ce qui n’est pas démontré et a peu de chance de se vérifier un jour sur le plan mondial, nous vivons dans un monde où, pour faire simple, il est plus facile d’acheter que de voler »

[5].

Décoration

Prix

  • 2010 : Prix Vauban pour l'ensemble de son œuvre
  • 2013 : Grand prix de l'impertinence et des bonnes nouvelles décerné par le Cercle des entrepreneurs du futur animé par Michel Godet pour un essai intitulé Un monde de catastrophes ? Mythes et réalités du progrès
  • 2016 : Prix Brienne du livre géopolitique pour Le Président et la Bombe. Jupiter à l'Élysée, avec Jean Guisnel
  • 2017 : Prix Georges Erhard décerné par la Société de géographie pour L'Atlas des frontières. Murs, Conflits, Migrations, avec Delphine Papin

Positionnement philosophique et idéologique

Prises de position

En 2003, qualifiant l'intervention américaine en Irak qui se préparait de « légitime » en accréditant la thèse de la présence d'armes de destruction massive sur le sol irakien, il n'en avertissait pas moins que celle-ci serait « dangereuse »[7]. En 2004, dans son ouvrage La Guerre sans fin, il avertissait des risques d'un engrenage de la violence au Moyen-Orient à la suite de la « guerre contre le terrorisme » lancée par l'administration Bush. Désormais il critique l'argumentaire de l'administration Bush sur la détention par l'Irak d'armes de destruction massive, relevant selon lui d'un emploi irrationnel du principe de précaution se rapprochant plus d'un principe d'anxiété[8].

En 2007, dans son ouvrage Iran, la prochaine guerre, il estimait que faute d'un renoncement de Téhéran à ses ambitions nucléaires militaires, les États-Unis finiraient par intervenir contre l’Iran. Bruno Tertrais était partisan d'une attitude ferme vis-à-vis du régime iranien. Il soutenait que « la population iranienne […] souffre infiniment plus d'une gestion économique désastreuse que des sanctions elles-mêmes[9]. » Il continuait à défendre une attitude de fermeté face à l'Iran en 2015, alors que la tentation d'une alliance entre l'Iran et l'occident contre l'État islamique était évoquée parfois[10], en dénonçant l'« illusion selon laquelle la République islamique d'Iran est un régime qui serait notre allié naturel dans la guerre que nous menons contre l'extrémisme sunnite[11]. »

En 2011, dans son ouvrage L'apocalypse n'est pas pour demain, Bruno Tertrais se fait le relais de la thèse selon laquelle l’interdiction du DDT par les États-Unis d'Amérique aurait provoqué une recrudescence des cas de paludisme dans les pays du Sud et serait donc la cause de nombreux morts[12].

En 2013, après l'attaque chimique de la Ghouta menée par le régime de Bachar el-Assad, il se montre favorable à une opération militaire alliée contre le gouvernement syrien[13]

En 2015, il a pris position pour une attitude ferme vis-à-vis de la Russie dans la crise ukrainienne. Dans un article intitulé « La dangereuse séduction d'un pacte militaire avec Moscou »[14], il dénonce la tentation d'une alliance militaire avec la Russie dans la crise syrienne.

En mai 2018, il estime que la décision de Donald Trump de se retirer de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, est un « immense gâchis » qui pourrait avoir des conséquences « graves »[15].

Sur la question migratoire, il prétend défendre une position rationnelle qui éviterait l'angélisme de ceux qui ne verraient l'immigration que comme une chance et le catastrophisme de ceux qui fantasment sur l'idée d'un grand remplacement[16].

Politique

Au début des années 2000, il participait aux réunions du Cercle de l'Oratoire, cercle de réflexion désigné par les quotidiens Libération et Le Monde[17] et Daniel Lindenberg[18] sous le terme de néoconservateur[19], qualificatif non accepté par certains de ses membres. Il participait également à la revue Le Meilleur des mondes, considérée comme une revue proche des positions néo-conservatrices américaines[20].

Bruno Tertrais est également un des auteurs sélectionnés dans la collection La République des Idées liée au think-tank social-libéral[21] éponyme pour son ouvrage La Guerre sans fin[22] en 2004.

Bruno Tertrais a été délégué au secrétariat international du Parti socialisteInterprétation abusive ?[23] (2006-2007) et membre du Conseil d'orientation de la Fondation Terra Nova[réf. souhaitée](2006-2012), un groupe de réflexion « social-libérale » du Parti socialiste [24].

En 2017, lors de la campagne présidentielle, Bruno Tertrais fait partie du groupe d'experts qui conseillent Emmanuel Macron sur les questions diplomatiques et militaires[25], un rôle qu'il ne juge pas nécessaire de mentionner dans ses biographies officielles[26].

Il intervient depuis 2018[27], sur le blog de l'Institut Montaigne, un groupe de réflexion d'orientation libérale[28],[29],[30] et y publie des notes concernant la géopolitique. Depuis 2020, il y a le titre de senior fellow associé.

Écologie

Bien qu'il ne nie pas la réalité du réchauffement climatique, Bruno Tertrais questionne fortement la causalité entre l'activité humaine, les gaz à effet de serre, et ce réchauffement, et il questionne également la nécessité de réduire fortement et urgemment ces émissions:

"Sur le changement climatique, en une phrase, ce qui me frappe, c'est que [...] dans la sorte d'équation qui consiste à dire - "la planète se réchauffe, c'est essentiellement du fait des gaz à effet de serre, donc c'est essentiellement du fait de l'Homme, ça va être très dangereux, donc il faut réduire massivement les gaz à effet de serre", je crois que dans cette équation, il y a plein de trous, ou plutôt que la chaîne de causalité est tellement longue qu'elle est pleine de maillons faibles. Je constate comme tout un chacun que la planète se réchauffe. De là à dire qu'il faut investir massivement, avec les coûts que ça comporte, sur la réduction immédiate des émissions de Co2, je suis beaucoup moins persuadé, et j'essaie là encore d'avoir un raisonnement aussi rationnel que possible en pointant les incertitudes qui existent sur chacun des maillons de la chaîne de causalité."[31]

Cette position peut-être qualifiée de climatosceptique. Bruno Tertrais affiche son soutien à l'association climatosceptique militante Skyfall en 2018.[32] Ce soutien fait écho aux positions très critiques envers les analyses de l'écologie politique qu'il prône dans son ouvrage L’apocalypse n’est pas pour demain[33].

Publications

  • L'Arme nucléaire après la Guerre froide. L'Europe, l'alliance atlantique et l'avenir de la dissuasion, CREST et Economica, Paris, 1994.
  • Nuclear Policies in Europe, Adelphi Paper no 327, IISS et Oxford University Press, Oxford, 1999.
  • US Missile Defence: Strategically Sound, Politically Questionable, Centre for European Reform, Londres, 2001.
  • L'Asie nucléaire, avec Isabelle Cordonnier, Institut français de relations internationales et La Documentation française, Paris, 2001.
  • La Guerre sans fin. L'Amérique dans l'engrenage, Le Seuil (La République des idées), Paris, 2004.
  • Quatre ans pour changer le monde. L’Amérique de Bush, 2005-2008, CÉRI et Autrement, Paris, 2005.
  • Dictionnaire des enjeux internationaux, l'actualité mondiale en 750 mots-clés, Éditions Autrement, Paris, 2006.
  • Europe/États-Unis : valeurs communes ou divorce culturel ?, Fondation Robert-Schuman, Paris, 2006.
  • La France et la dissuasion nucléaire - Concept, moyens, avenir, La Documentation française, Paris, 2007.
  • Iran, la prochaine guerre, Le Cherche midi, Paris, 2007.
  • Où va l'Amérique?, Fondation pour l'innovation politique, Paris, 2007.
  • L'arme nucléaire, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2008.
  • Atlas militaire et stratégique, Éditions Autrement, Paris, 2008.
  • Le Marché noir de la Bombe. Enquête sur la prolifération nucléaire, Buchet/Chastel, Paris, 2009.
  • La guerre, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2010.
  • 25 questions décisives: la menace nucléaire, Armand Colin, Paris, 2011.
  • Atlas mondial du nucléaire, Éditions Autrement, Paris, 2011.
  • L'apocalypse n'est pas pour demain. Pour en finir avec le catastrophisme, Éditions Denoël, Paris, 2011.
  • Le Président et la Bombe. Jupiter à l'Élysée, Editions Odile Jacob, 2016 (avec Jean Guisnel).
  • Les Guerres du climat. Contre-enquête sur un mythe moderne, CNRS Editions, Paris, 2016.
  • Bruno Tertrais et Delphine Papin, L'Atlas des frontières : murs, conflits, migrations, Paris, Les Arènes, , 136 p. (ISBN 978-2-35204-565-6) (nouvelle édition 2021)
  • Les Vingt prochaines années. L'avenir vu par les services de renseignement américains, Les Arènes, Paris, 2017.
  • La Revanche de l'Histoire, Paris/58-Clamecy, Odile Jacob, coll. « édition revue et augmentée », , 164 p. (ISBN 978-2-7381-4906-0)
  • Le Choc démographique, Odile Jacob, 2020.

Notes et références

  1. « Bruno Tertrais (auteur de La guerre) - Babelio », sur www.babelio.com (consulté le )
  2. (nl) « Participants », sur bilderbergmeetings.org (consulté le ).
  3. Tertrais B. (2007) La France et la dissuasion nucléaire : concepts, moyens, avenir. La Documentation française.
  4. Les Guerres du climat – Contre-enquête sur un mythe moderne, de Bruno Tertrais, CNRS Éditions, Paris, 2016, 46 p.
  5. Article « Le réchauffement climatique n'est pas susceptible de causer des guerres », journal Le Temps, mercredi 21 septembre 2016.
  6. Par le président François Hollande.
  7. « CE CONFLIT EST LÉGITIME », sur nuitdorient.com (consulté le ).
  8. L'Apocalyspe n'est pas pour demain. Pour en finir avec le catastrophisme, Denoël, 2011, p. 76.
  9. Bruno Tertrais, « Seule la fermeté sera payante avec l'Iran », Le Monde.fr, 19 mars 2013.
  10. Armin Arefi, « L’Iran, indispensable allié contre l’État islamique », lepoint.fr, (ISSN 0242-6005, lire en ligne, consulté le ).
  11. « Bruno Tertrais : "l'Iran c'est le pompier pyromane, l’illusion d’un partenariat" », sur fondationfemo.com, 10 décembre 2015.
  12. « Haro sur les écolos, le débat 1/4 », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  13. Bruno Tertrais, « Intervenir en Syrie, le devoir et l'honneur de la France », lefigaro.fr, 3 septembre 2013.
  14. Bruno Tertrais, « La dangereuse séduction d’un pacte militaire avec Moscou », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  15. Bruno Tertrais, « Retrait des États-Unis de l'accord iranien : ce que doivent faire les Européens », Le Figaro, 9 mai 2018.
  16. « Halte aux fantasmes migratoires », sur lexpress.fr.
  17. Jean Birnbaum, « "Le Meilleur des mondes", une voix pour l'Amérique », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  18. Emmanuel Lemieux, « Daniel Lindenberg, traqueur de néo-cons », sur lesinfluences.fr, (consulté le ).
  19. « Les meilleurs amis de l'Amérique », ERIC AESCHIMANN, Liberation.fr, 9 mai 2006.
  20. Emmanuel Lemieux, « Les néo-cons français préparent leur journal en kiosques », lesinfluences.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  21. Pierre Rimbert, « Les rapports entre journalistes et intellectuels : cul et chemise ? », sur acrimed.org, (consulté le ).
  22. « Bruno Tertrais », sur repid.com (consulté le ).
  23. « Bruno Tertrais », sur franceinter.fr, (consulté le ).
  24. « Quelle place pour les ouvriers dans un projet de gauche ? », La Revue du projet, (lire en ligne, consulté le )
  25. Vincent Jauvert, « Ces diplomates qui s’activent pour Macron en coulisses », sur nouvelobs.com, (consulté le ).
  26. « Des experts à la télé, et de leurs accointances politiques », sur arretsurimages.net, (consulté le ).
  27. « Bruno Tertrais », sur institutmontaigne.org (consulté le ).
  28. « INFO OBS. Le CSA fait retirer des publicités trop sarkozystes », L'Obs, (lire en ligne)
  29. Jean-Louis Dell'Oro, « Un think tank libéral se cache-t-il derrière les candidatures Macron et Fillon ? », challenges.fr, 8 décembre 2016.
  30. Marie Charrel, « L’Institut Montaigne plaide pour un renforcement de la zone euro », lemonde.fr, 27 mars 2017.
  31. « Sortir du nucléaire et/ou sortir du catastrophisme ? », sur France Culture (consulté le )
  32. « Le Collectif des climato-réalistes », section « Soutiens individuels au Collectif », sur skyfall.fr (consulté le ).
  33. Vincent Giret, « Apocalypse no », sur liberation.fr, (consulté le ).

Liens externes

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