Bruno Schulz

Bruno Schulz, né le à Drohobycz et mort le dans la même ville, est un écrivain, dessinateur, graphiste et critique littéraire polonais.

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Biographie

Famille et jeunesse

Bruno Schulz est né à Drohobycz, à l'époque en Autriche-Hongrie (actuelle Drohobytch en Ukraine près de Lviv) le dans une famille juive assimilée de Galicie. Il est le troisième et dernier enfant de Jacob Schulz, marchand d'étoffes, et d'Henrietta Kuhmerker, fille d'une riche famille d'exploitants de la scierie locale.

Entre 1902 et 1910, Bruno Schulz est élève du lycée de Drohobycz où il obtient son baccalauréat avec mention. En 1910, il commence ses études d'architecture à l'université de Lviv. La même année, pour des raisons de santé, son père est contraint de fermer boutique et la famille Schulz emménage chez la sœur de Bruno, Hania Hoffman.

En juin 1911 se déroulent les élections municipales de Drohobycz, qui resteront dans l'histoire comme les élections « sanglantes » car des émeutes ont lieu en raison d'élections truquées. Bruno Schulz observe l'agitation populaire depuis l'embrasure de sa fenêtre. C'est alors qu'il décide de devenir écrivain.

Bruno Schulz interrompt ses études en 1913 en raison des problèmes de santé de son père et rentre à Drohobycz. En 1914 et 1915, il étudie aux Beaux-Arts de Vienne. Jacob Schulz meurt en juin 1915.

Maturité

Entre 1924 et 1941, Bruno Schulz est professeur de dessin au lycée public Władysław Jagiełło[1]. Ce travail ne lui plaît guère et il s'en plaint fréquemment au cours de ses correspondances avec ses amis Witold Gombrowicz et Stanisław Ignacy Witkiewicz.

En 1931, sa mère meurt et, quatre ans plus tard, le frère aîné de Bruno, Izydor, meurt à son tour.

La fiancée de Bruno Schulz, de 1933 à 1937, est Józefina Szelińska (pl) (1905-1991), Juna, dont Agata Tuszyńska (1957-) publie sous ce titre une biographie en 2015[2].

En 1933, Bruno Schulz commence à publier ses œuvres, grâce à l'aide de Zofia Nałkowska et de son frère aîné Izydor Schulz (industriel en pétrole, mort en 1936), d'abord Sklepy cynamonowe (Les Boutiques de cannelle), puis, en 1936, Sanatorium pod klepsydrą (Le Sanatorium au croque-mort).

Avec l'avènement de la Seconde Guerre mondiale, Drohobycz est occupée par l'Union soviétique (et il est astreint à peindre des affiches de propagande communiste et des portraits de Marx, Engels, Lénine, Staline, etc), puis par l'Allemagne nazie à la suite de l'Opération Barbarossa. En 1941-1942, Bruno Schulz est contraint de vivre dans le ghetto de Drohobycz. Il est alors sous la « protection » comme esclave d'art de l'officier de Gestapo Felix Landau (de), responsable de la main d’œuvre juive et amateur d'art qui lui fait réaliser des peintures murales pour la salle de jeux et de la chambre de ses enfants motifs avec des motifs de contes de fées[3].

Décès

Plaque commémorative de Bruno Schulz avec texte en ukrainien, polonais et hébreu au Ghetto de Drohobycz.

Bruno Schulz meurt au croisement des rues Mickiewicz et Czacki le jeudi vers midi au cours d'une « action sauvage » de la Gestapo. Karl Günther le tue de deux balles dans la tête pour venger son propre protégé, le dentiste Löw, qui a été tué par Felix Landau.

Il semble que Bruno Schulz se rendait alors au Judenrat pour chercher du pain. Il prévoyait de s'enfuir la nuit suivante pour Varsovie à l'aide de faux papiers. Il fut probablement enterré dans une fosse commune, ce qui ne put être vérifié après la guerre.

Œuvre

Œuvre graphique

L'œuvre graphique et littéraire de Bruno Schulz traduit aussi bien les faiblesses que la complexité psychique, les obsessions, les passions et les complexes de son auteur. L'artiste souffrait d'agoraphobie, c'était un ermite taciturne et marginal. Cet homme qui sombrait régulièrement en dépression et tombait souvent malade utilisait son art comme refuge.

Bruno Schulz était autodidacte. Il n'acheva d'ailleurs ses études ni à Lviv, ni à Vienne. La majorité de ses œuvres aujourd'hui préservées datent des années 1930, à l'exception des dessins du cycle Le livre idolâtre, datant du début des années 1920. Ces dessins, réalisés à l'aide de la technique du cliché-verre, obtinrent l'admiration de Stanisław Ignacy Witkiewicz.

Les motifs récurrents de l'œuvre graphiques de Bruno Schulz sont la femme-idole et l'idolâtrie, le sado-masochisme, les scènes à table, les scènes de rue, les fiacres, le judaïsme et les nus féminins. Schulz réalisa également de nombreux portraits et autoportraits, ainsi que des projets de couvertures et les illustrations pour ses propres livres. Il réalisa notamment les illustrations de la première édition de Ferdydurke de Witold Gombrowicz.

Les personnages, en particulier les hommes, apparaissent souvent déformés, tels des caricatures. À l'arrière-plan apparaît Drohobycz, omniprésente dans l'œuvre de Bruno Schulz : l'hôtel de ville, les maisons près de la place du marché. Parmi les personnages des scènes autour des tables, il est possible de reconnaître les proches de Bruno Schulz : sa famille et ses amis. Sur d'autres dessins apparaissent des personnages caractéristiques de Drohobycz comme Mademoiselle Kuziw, fille d'un avocat ukrainien, femme au charme provocateur dont Bruno Schulz fit l'héroïne de scènes empreintes de sado-masochisme.

La plus grande collection d'œuvres graphiques de Bruno Schulz (environ trois cents documents) se trouve au Musée de la littérature Adam Mickiewicz de Varsovie.

En , un cinéaste allemand Benjamin Geissler découvre la fresque que Bruno Schulz a réalisé à la demande de Felix Landau dans une maison de Drohobycz[4]. Au mois de mai de la même année, des représentants israéliens du Mémorial de Yad Vashem, venus pour examiner l'œuvre, ont subrepticement détaché cinq morceaux de fresque du mur pour les emporter à Jérusalem avec l'accord des autorités ukrainiennes [5],[6]. Le maire Oleksij Radzijewski est accusé d'avoir participer à l'accord[6]. Le cinéaste utilise alors des projections vidéo pour reconstituer l'espace autrefois occupé par les peintures murales[3].

Œuvre littéraire

L'œuvre littéraire de Bruno Schulz est relativement modeste en quantité : il s'agit principalement de deux recueils de nouvelles, Sklepy cynamonowe (Les Boutiques de cannelle) et Sanatorium pod Klepsydrą (Le Sanatorium au croque-mort), ainsi que de quelques ouvrages que l'auteur n'inclut pas aux premières éditions de ces recueils. Il ne faut pas oublier une partie de sa correspondance, Księdze listów (Correspondance), qui fut publiée à titre posthume, ainsi que les divers essais critiques qu'il publia dans la presse. Une partie de son œuvre est aujourd'hui disparue : des nouvelles datant du début des années 1940 ainsi que l'ébauche de son roman Mesjasz (Le Messie)[1]. En 1963, un florilège de textes traduits en français sous le titre Un traité des mannequins obtient le prix Nocturne.

Le cycle de nouvelles Les Boutiques de cannelle et Le Sanatorium au croque-mort est une description de la vie des habitants d'une petite ville de Galicie, ainsi que la biographie de l'auteur présentée avec une dimension onirique. C'est ici que la frontière entre la réalité et le mythe devient floue. L'auteur voyage dans le royaume de l'enfance, qu'il considère comme le moment le plus important de la vie d'un homme. Le temps est présenté comme une roue et la répétition des saisons et des jours prend le pas sur la linéarité des événements. Le héros est Joseph, qui n'est autre que la transfiguration de l'auteur. La figure du père, Jacob, est considérable : il y est le démiurge et le créateur. L'élément le plus remarquable et le plus caractéristique de Bruno Schulz est son style d'écriture : incroyablement riche et poétique avec ses archaïsmes, il fait preuve d'une exubérance verbale baroque[6].

L'œuvre de Bruno Schulz se rapproche de l'expressionnisme moderne de Franz Kafka tout comme du surréalisme et de la psychanalyse[3]. Bruno Schulz lui-même appréciait grandement les œuvres de Rainer Maria Rilke, Franz Kafka et Thomas Mann.

Bruno Schulz aurait également écrit la traduction du Procès de Kafka en polonais ; cependant, certains chercheurs[Qui ?] émettent l'hypothèse que celle-ci soit l'œuvre de sa fiancée, Józefina Szelińska (à qui s'adresse la dédicace du Sanatorium au croque-mort).

Liste des ouvrages[7]
  • Bruno Schulz (trad. du polonais par Thérèse Douchy, Georges Lisowski et Georges Sidre), Les Boutiques de cannelle : nouvelles [« Sklepy cynamonowe (1933) »], Paris, Gallimard, , 2e éd. (1re éd. 1974), 232 p., 140 mm x 205 mm (ISBN 2-07-072565-0)
  • Bruno Schulz (trad. du polonais par Suzanne Arlet, Thérèse Douchy, Allan Kosko et Georges Sidre), Le Sanatorium au croque-mort [« Sanatorium pod klepsydrą (1937) »], Paris, Gallimard, , 2e éd. (1re éd. 1974), 272 p., 140 mm x 225 mm (ISBN 2-07-076229-7)
  • Bruno Schulz (trad. du polonais par Christophe Jezewski, François Lallier et Dominique Sila-Khan, préf. Jerzy Ficowski), Correspondance et essais critiques, Paris, Denoël, coll. « Romans traduits », , 432 p., 140 mm x 205 mm (ISBN 2-207-23750-8)
  • Bruno Schulz, Le Livre idolâtre, Paris, Denoël, , 221 p. (ISBN 2-207-25397-X)
  • Bruno Schulz (trad. du polonais, préf. Serge Fauchereau), Œuvres complètes : Les Boutiques de cannelle. Le Sanatorium au croque-mort. Essais critiques. Correspondance, Paris, Denoël, coll. « Des heures durant... », , 1re éd., 822 p., 130 mm x 200 mm (ISBN 2-207-25643-X et 9782207256435)
  • Bruno Schulz (traduit par Alain Van Crugten), Récits du treizième mois, Lausanne, Suisse, Éditions L’Âge d’Homme, 2014, 420 p. (ISBN 978-2-8251-4429-9)

Notes et références

  1. (en) Ruth Franklin, « The Lost », The NewYorler, (ISSN 0028-792X, lire en ligne)
  2. « Dans l'ombre de Bruno Schulz - La République des livres », sur La République des livres, (consulté le ).
  3. (de-CH) Joachim Güntner, « Als Kunstsklave bei einem Mörder | NZZ », NZZ, (ISSN 0376-6829, lire en ligne)
  4. (de) « - Digitale Rekonstruktion eines Freskos von Bruno Schulz », sur Deutschlandfunk (consulté le )
  5. Diana Pinto, Israël a déménagé, Stock 2012, p. 197
  6. (de-CH) Martin Sander, « Das Vorgefühl des Untergangs », NZZ, (ISSN 0376-6829, lire en ligne)
  7. « Fiche auteur : Bruno Schulz », Éditions Gallimard (consulté le )

Annexes

Bibliographie critique

Bibliographie romancée

  • David Grossman brosse un portrait réaliste, puis fantasmagorique de Bruno Schulz dans la deuxième partie de son roman Voir ci-dessous: amour.
  • Agata Tuzsynska (traduit par Isabelle Jannès-Kalinowski), La Fiancée de Bruno Schulz, Paris, Grasset, 2015 (ISBN 9782246796589).
  • Ugo Riccarelli, Un nommé Schulz (Un uomo che forse si chiamava Schulz, 1998), trad. Josette Monfort, Paris, Denoël, 2000
  • Dominique Hérody, à Paris, égaré, Paris, PhB éditions, 2019 (ISBN 9791093732275).

Adaptations cinématographiques

Documentaire sur Bruno Schulz

Articles connexes

Liens externes

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