Boris Choubert

Boris Schuberth, dit Boris Choubert, né en à Saint-Pétersbourg et mort le à Nice, est un géologue français. Adepte de la théorie de Wegener, il est le premier à avoir reconstitué avec précision l'agencement des masses continentales de l'Afrique, de l'Amérique, de l'Europe et du Groenland antérieur à la fragmentation de la Pangée, trente ans avant l'article généralement crédité pour cette découverte.

Pour les articles ayant des titres homophones, voir Schubert et Schuberth.

Boris Choubert
Boris Choubert en Guyane (vers 1950).
Nom de naissance Schuberth
Naissance
Saint-Pétersbourg (Russie)
Décès
Nice (France)
Nationalité  Français
Renommé pour Première reconstitution du paléocontinent pré-atlantique

Biographie

D'origine russe[1] et né à Saint-Pétersbourg en 1906, Boris Schuberth, plus connu sous le nom Choubert[alpha 1], quitte la Russie pour la Finlande en 1917, puis pour la France en 1927. Il étudie la géologie à la Sorbonne pendant deux ans, puis à l'Institut de géologie appliquée de Nancy où il reçoit son diplôme d'ingénieur-géologue[alpha 2].

En 1933 il est employé par le Gouvernement du Gabon (alors en Afrique-Équatoriale française). En 1937 il soutient sa thèse sur l'Étude géologique des terrains anciens du Gabon.

En 1946 il est recruté par l'Office de recherche scientifique d'outre-mer (l'actuel IRD) et part en Guyane. En 1949 il fonde une organisation de recherche pluridisciplinaire qui deviendra l'Institut de l'Amérique tropicale française (IFAT) en 1954 puis le centre ORSTOM de Guyane en 1964. À la fin de son séjour il est inspecteur général de L'ORSTOM et dirige le Bureau de recherches géologiques de la Guyane.

En 1960 il revient en métropole. En 1961 il entre au CNRS en tant que directeur de recherche, puis à l'École des mines de Paris, où il reste jusqu'à sa retraite en 1976. Il déménage alors à Nice, où il est accueilli par le laboratoire de géologie. Il meurt à Nice le .

Travaux scientifiques

Boris Choubert s'est principalement consacré à trois domaines de recherche, dont il a surtout fait avancer les deux premiers[2] :

Géologie minière

Cartographie géologique

Boris Choubert et la dérive des continents

La dérive des continents en 1935

Évoqué à diverses reprises entre 1596 et 1908, le concept de dérive des continents a surtout été développé et défendu par le météorologue allemand Alfred Wegener entre 1912 et 1929, sur la base de différents critères morphologiques (emboîtement des formes des continents, comme la corne nord-est du Brésil et le fond du golfe de Guinée), stratigraphiques (continuité stratigraphique entre l'Afrique et l'Amérique du Sud, et complémentarité des cratons paléozoïques), paléoclimatiques (similarité des galets striés paléozoïques d'Afrique du Sud et d'Amérique du Sud) et paléontologiques (mêmes faune et flore au Paléozoïque).

Les travaux de Wegener ont eu assez peu de succès auprès de la communauté géologique et géophysique, pour diverses raisons : en partie parce que pour chaque argument séparé on pouvait prétendre à la coïncidence ou trouver d'autres explications, surtout parce que les mécanismes que Wegener invoquait comme moteurs de la dérive ne tenaient pas la route[7],[alpha 4].

Boris Choubert connaissait les travaux du géologue sud-africain Alexander du Toit, qui avait mis en évidence la grande similarité des formations anciennes d'Amérique du Sud et d'Afrique de l'Ouest et du Sud et qui était un partisan de la théorie de Wegener. En travaillant sur les roches du Gabon, du Congo et du Brésil, Boris Choubert confirme les travaux de du Toit et devient aussi un fervent partisan de la dérive des continents.

Reconstitution du paléocontinent pré-Atlantique

Reconstruction par Boris Choubert du supercontinent Amérique-Groenland-Europe-Afrique (1935).

Boris Choubert publie en 1935 une reconstitution des positions mutuelles de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Europe avant le Trias[6]. Cette reconstitution est beaucoup plus précise que les propositions antérieures de Wegener[8] et de du Toit[9], car au lieu d'utiliser les lignes de côtes Choubert se base sur l'isobathe des mille mètres, bien plus représentative de la bordure des blocs continentaux.

L'excellence de l'ajustement est une preuve plus convaincante de la dérive des continents que les tentatives antérieures, qui laissaient un vaste espace entre l'Afrique et l'Amérique du Sud. Pour sa reconstitution, Boris Choubert ose pour la première fois l'idée que la péninsule Ibérique a subi après le Trias une rotation par rapport au reste de l'Europe. Il balaie aussi le problème de la dorsale médio-atlantique en expliquant qu'elle s'est formée postérieurement à l'ouverture de l'océan Atlantique. La mer des Caraïbes ne s'ajuste pas aussi bien que le reste, mais on sait aujourd'hui qu'elle a été profondément affectée par la tectonique du Cénozoïque.

Boris Choubert va aussi beaucoup plus loin que Wegener, qui ne s'était intéressé qu'à la dérive continentale après le Trias. En reconstituant les chaînes paléozoïques de part et d'autre de l'Atlantique (chaîne calédonienne, chaîne hercynienne et Appalaches), il montre qu'elles se sont formées par la compression des sédiments accumulés entre trois cratons précambriens (bouclier canadien et bouclier scandinave au nord, Gondwana au sud). En retirant ces chaînes il arrive à la conclusion que ces cratons formaient un seul continent à la fin du Précambrien, qui s'était ensuite fragmenté au cours du Paléozoïque. Il fait donc de la dérive des continents un processus général, qui a affecté la Terre tout au long de son histoire géologique.

L'ajustement de Bullard, Everett et Smith

Reconstruction par Bullard et coll. du supercontinent Amérique-Groenland-Europe-Afrique (1965).

Trente ans plus tard, Edward Bullard publie avec deux collaborateurs un article[10] dans lequel une reconstitution voisine de celle de Choubert est réalisée à l'aide d'un ordinateur, par minimisation numérique des écarts entre les blocs continentaux. Cet article acquiert rapidement une grande renommée auprès de la communauté scientifique, alors que le travail de Choubert était resté quasi inconnu (d'ailleurs l'article de Bullard et collaborateurs ne le cite pas). Entretemps la théorie de Wegener avait gagné en crédibilité, grâce à la suggestion de possibles mouvements de convection dans le manteau terrestre en 1929, l'accumulation de données sismiques (découverte de la low velocity zone en 1959) et magnétiques (preuve des déplacements relatifs des continents en 1960), et surtout la découverte de l'expansion des fonds océaniques en 1963.

À la fin des années 1960, Boris Choubert ressent une profonde amertume à l'égard du manque de reconnaissance de son travail précurseur, et pense même être la victime d'une conspiration[2]. Rien cependant n'est venu étayer cette hypothèse : l'article de 1935 avait été publié en français dans une revue francophone de faible rayonnement international, et son titre[6] n'annonçait pas la reconstitution paléogéographique ni la généralisation du concept de dérive des continents jusque dans le Paléozoïque, ce qui peut être suffisant pour expliquer que cet article crucial soit tombé dans l'oubli.

Notes et références

Notes

  1. Boris Schuberth a gardé son nom de naissance toute sa vie mais en lui accolant « dit Choubert », et il a signé Boris Choubert ses œuvres scientifiques. Son cadet Georges, géologue au Maroc, a par contre fait officiellement changer son nom en Choubert, transmis à ses descendants.
  2. Élève de la promotion de 1930, Boris Choubert présidera l'Association des ingénieurs de l'ENSG Nancy entre 1961 et 1964.
  3. Ce gisement est exploité depuis 1962, et produit aujourd'hui Mt/a de minerai.
  4. Peut-être aussi parce qu'il n'était pas lui-même géologue ni géophysicien[7].

Références

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  1. J. Barruol, « Boris Choubert », Géochronique, vol. 9, , p. 23.
  2. (en) Jacques Kornprobst, « Boris Choubert : The forgotten fit of the circum-Atlantic continents », Comptes Rendus Geoscience, vol. 349, no 1, , p. 42-48 (DOI 10.1016/j.crte.2016.12.002).
  3. M. Okanga-Guay, Moanda, Gabon : ville minière ou ville régionale (Mémoire MSC de géographie), Canada, University of Sherbrooke, .
  4. B. Choubert, « Sur la présence du diamant au Gabon (A.E.F.), en relation avec des kimberlites et des roches carbonatées métamorphiques », Comptes rendus de l'Académie des sciences, Paris, vol. 223, , p. 638-640.
  5. B. Choubert, « La mine d'or de Saint-Élie et Adieu-Vat en Guyane française », L'Écho des mines et de la métallurgie, vol. 2, , p. 99-116.
  6. B. Choubert, « Recherches sur la genèse des chaînes paléolithiques et antécambriennes », Revue de géographie physique et de géologie dynamique, vol. 8, no 1, , p. 5-50.
  7. Claude Allègre, L'écume de la Terre, Paris, Fayard, coll. « Le Temps des sciences », , 338 p. (ISBN 2-01-010662-8).
  8. (de) Alfred Wegener, Die Entstehung der Kontinente und Ozeane [« L'origine des continents et des océans »], Berlin, Friedrich Vieweg & Sohn Akt. Ges., , 481 p. (ISBN 3-443-01056-3, lire en ligne).
  9. (en) Alexander L. Du Toit et F. R. Cooper Reed, « A geological comparison of South America with South Africa », Carnegie Institution of Washington publication, Washington, vol. 381, , p. 1-157 (ISSN 0099-4936).
  10. (en) Edward Bullard, J. E. Everett et A. Gilbert Smith, « The Fit of the Continents around the Atlantic », Philosophical Transactions of the Royal Society A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences, Londres, Royal Society, vol. 258, no 1088, (DOI 10.1098/rsta.1965.0020).

Voir aussi

Articles connexes

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