Baya (peintre algérienne)

Baya, de son vrai nom Fatma Haddad, épouse Mahieddine, née le , à Bordj el Kiffan (Fort-de-l'Eau, aux environs d'Alger) et morte le à Blida, est une peintre algérienne, qui signe ses œuvres de son prénom usuel.

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Biographie

Orpheline de ses deux parents, elle est recueillie par sa grand-mère qu'elle aide dans son travail dans une ferme horticole de colons. En 1943, Marguerite Caminat, peintre et sœur de la propriétaire de la ferme, la prend chez elle à Alger pour rendre des services ménagers dans une maison dont l'éblouissent les fleurs et les oiseaux.

Baya commence alors à modeler des personnages ou des animaux fantastiques en argile et elle est encouragée à réaliser des gouaches que le sculpteur Jean Peyrissac montre à Aimé Maeght, de passage à Alger en 1943[2].

En 1947, une exposition est organisée à Paris par Maeght dans sa galerie. André Breton préface le catalogue. Elle connaît un vif succès[3]. Le magazine Vogue publie la photo de Baya, qui n'a alors que seize ans, avec un article d'Edmonde Charles-Roux. Baya découvre Paris et rencontre le peintre Georges Braque. En 1949 elle réalise à Vallauris des sculptures en céramique dans l'atelier Madoura et côtoie Picasso[4].

En 1953, Baya est "remise" à son tuteur, qui la marie, comme seconde épouse, au musicien arabo-andalou El Hadj Mahfoud Mahieddine, d'une trentaine d'années plus âgé qu'elle. « Passé le bal irréel de Cendrillon », comme l'écrit François Pouillon, Baya demeure durant dix ans dans l'impossibilité de poursuivre son œuvre.

En 1963, Baya participe à l'exposition Peintres algériens organisée pour les Fêtes du 1er novembre et préfacée par Jean Sénac[5]. Le musée d'Alger acquiert (gracieusement) et expose ses œuvres anciennes. Grâce aux encouragements de Mireille et Jean de Maisonseul, conservateur du Musée, elle reprend ses pinceaux et ne cessera plus de réaliser sur papier de grandes œuvres qui seront par la suite régulièrement exposées en Algérie (Alger, Tizi Ouzou, Annaba), en France (Paris et Marseille), en Belgique (Bruxelles) et dans le monde arabe. Plusieurs d'entre elles sont conservées dans la Collection de l'art brut de Lausanne[4].

Baya fait partie avec Aksouh, Benanteur, Guermaz, Issiakhem, Bel Bahar, Khadda et Mesli, des artistes de la « génération de 1930 » (tous ces peintres étant nés autour de cette année) qui, après les précurseurs des années 1920, ont été les fondateurs de l'art pictural algérien moderne[6].

L'œuvre

Dans ses gouaches, autour du rose indien, du bleu turquoise, des émeraudes et violets profonds, un trait épuré, en marge de toute géométrie figée, vient cerner sans hésitation ni repentir les silhouettes et les coiffes de « Hautes Dames », figures de la Mère énigmatique, les motifs qui recouvrent leurs robes, ceintures et foulards. Dans des compositions qui ne cessent de jouer sur de fausses symétries, l'image se referme rigoureusement, à travers l'équilibre des espaces et des tons, le dialogue sans fin des arabesques, sur un espace autonome, résolument irréalisé. Baya construit un univers clos, exclusivement féminin, tout à la fois reclus et souverain.

Les objets qui entourent ces « Dames » se détachent, sans nulle ombre, disposés les uns au-dessus des autres sur les différents registres d'un unique plan dans une vision qui refuse toute perspective illusionniste. Dès les premières gouaches de Baya apparaissent vases et cruches, bouquets et fruits. Deux décennies plus tard compotiers et coupes, au-delà des pastèques et raisins, débordent d'une multitude de fruits et poissons indistincts. Posées sur tables ou étagères, lampes et lanternes les accompagnent, et de nombreux instruments de musique, violes et violons, cythares et mandores, luths, lyres et harpes.

Quand ses gouaches s'aventurent hors de l'intimité des intérieurs, émergent des îles, cernées de poissons, peuplées de huttes serrées les unes contre les autres et d'arbres où veillent de nombreux oiseaux. L'exubérance de la forme et l'intensité de la couleur y font remonter, notait le romancier Jean Pélégri « à un temps antérieur à l'apparition de l'homme, où les choses et les créatures étaient encore incertaines et encore mêlées, où les arbres poussaient sous les eaux, où les poissons, avant de parvenir à leur état, habitaient les racines des plantes et montaient dans leurs tiges ».

Réceptions

« Je parle, non comme tant d'autres pour déplorer une fin mais pour promouvoir un début et sur ce début Baya est reine. Le début d'un âge d'émancipation et de concorde, en rupture radicale avec le précédent et dont un des principaux leviers soit pour l'homme l'imprégnation systématique, toujours plus grande, de la nature.(…) Baya dont la mission est de recharger de sens ces beaux mots nostalgiques:'l'Arabie heureuse'. Baya, qui tient et ranime le rameau d'or. »

André Breton, dans Baya, Derrière le Miroir, Galerie Maeght, Paris,

« Baya est la sœur de Schéhérazade. Schéhérazade, la tisserande des mots qui éloignent la mort. Schéhérazade, cette autre femme qui fabule pour compenser sa réclusion. Nous voici donc dans le conte, avec ses univers merveilleux (titre d’une œuvre de 1968). Baya abroge les formes, les classifications et les dimensions : l’oiseau s’étire et devient serpent, arbres et cahutes poussent de guingois, les vases se ramifient, deviennent arborescents comme des queues ou des huppes d’oiseaux. Dans cette sorte de village des origines où cases, arbres et oiseaux sont emmêlés, les paysages et objets baignent dans l’informulé et la liberté du monde placentaire. Aucun centre de gravité n’est admis. Tout l’effort de l’artiste est tendu vers la recherche d’une sorte d’harmonie prénatale que la découverte du monde normé, balisé, anguleux nous a fait perdre ».

Tahar Djaout, Schéhérazade aux oiseaux, dans Algérie-Actualité no 1146, Alger, 1er -

Musées

Notes et références

  1. Anatole Jakovsky, Lexique des peintres naïfs du monde entier, Basilius Presse, 1967
  2. « La Galerie Maeght - BAYA », sur www.maeght.com (consulté le )
  3. « On s'extasie sur la spontanéité primitive de cet art, on découvre avec un émerveillement non exempt de paternalisme, l'expression naïve à l'état brut, vierge, sauvage enfin », Mohammed Khadda.
  4. Lamia Balafrej, « Baya », sur AWARE Women artists / Femmes artistes, (consulté le )
  5. L'exposition réunit des peintures d'Aksouh, Baya, Hacène Benaboura, Benanteur, Bouzid, Guermaz, Issiakhem, Khadda, Azouaou Mammeri, Mesli, Martinez, Mohamed Racim, Bachir Yellès, Zérarti, mais aussi d'Angel Diaz-Ojeda, Jean de Maisonseul, Nallard et René Sintès, ainsi que des dessins d'enfants.
  6. « Baya : créatrice chez les surréalistes - Art Côte d'Azur », sur www.artcotedazur.fr, (consulté le )

Bibliographie

 : Source utilisée pour la rédaction de l’article

Annexes

Article connexe

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