Bateau-Lavoir

Le Bateau-Lavoir est une cité d'artistes située dans le 18e arrondissement de Paris (France), au 13 de la place Émile-Goudeau. Établie sur la butte Montmartre, dans le quartier de Clignancourt, elle est connue pour avoir été depuis 1904 un lieu de résidence, de réunion et de création de nombreux artistes peintres et sculpteurs français et étrangers, mais aussi de gens de lettres, de gens de théâtre et de marchands d'art.

Pour les articles homonymes, voir Bateau-lavoir (homonymie).

Un incendie l'ayant gravement endommagée en (il n'en reste alors que la façade), la cité est entièrement reconstruite à l’identique en 1978, mais cette fois en béton. Elle comporte toujours sur sa façade arrière, visibles depuis le jardin Louise-Weber-dite-La-Goulue situé rue Burq, vingt-cinq ateliers d'artistes vitrés qui contribuent à maintenir la notoriété du lieu.

Historique

Plaque en cuivre ornant la porte d'entrée.

Au numéro 13 de la place Émile-Goudeau (autrefois place Ravignan), une maison remplace vers 1860 la guinguette du Poirier-sans-Pareil  fermée vers 1830 à la suite d'un affaissement de terrain  et devient une fabrique de pianos bientôt désaffectée. Construite en grande partie en brique et en bois sur les pentes de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, elle s'étire toute en longueur sur une rue pentue dont la façade arrière est située à un niveau inférieur[1] : la façade avant du Bateau-Lavoir située place Émile-Goudeau constitue de cette manière le deuxième étage de la façade arrière, la dénivellation de terrain commandant la distribution intérieure originale.

En 1889, le propriétaire, un certain Maillard qui veut en obtenir quelques rentes, fait appel à un architecte pour la transformer en ateliers d'artistes dont la majorité donne sur l'arrière[1]. Avant de prendre le surnom de « Bateau-Lavoir », on l'appelait la « Maison du Trappeur ».

La maison est compartimentée en une vingtaine de petits logements d'une pièce agrémentés de verrières et séparés par de fines planches de bois souvent trouées. Répartis de chaque côté d'un couloir rappelant les coursives d'un paquebot, ils seraient à l'origine du nom de « Bateau », tandis que Max Jacob lui aurait donné  par ironie  le surnom de « Lavoir », la maison ne comportant qu'un unique poste d'eau et un seul lieu d'aisance pour vingt-cinq locataires. Une autre version stipule qu'il l'aurait baptisée de ce nom voyant du linge sécher dehors lorsqu'il y vint la première fois[2],[3].

Le Bateau-Lavoir, vers 1910.

Le loyer est alors insignifiant : vers 1900, « pour un ouvrier, il faut quinze sous pour payer un mois, quand le salaire moyen du jour est de cinq »[1]. Les conditions de vie sont toutefois rudes, le confort inexistant : il y gèle en hiver et la chaleur est suffocante en été. L'odeur de moisi due à l'humidité de la charpente et des murs en bois où poussent des champignons se mêle aux effluves de peinture ou de térébenthine. Les mauvaises conditions sanitaires rendent l'atmosphère âcre, le corridor est exigu, l'ensemble est sale et poussiéreux[1].

Les résidents peu argentés y vivent de peu : les ateliers du Bateau sont meublés de malles servant de chaises, d'un matelas ou d'une paillasse qu'on peut se partager à tour de rôle. Au sous-sol, un certain Sorieul cultive des asperges et des artichauts vendus bon marché mais que tout le monde ne peut pas s'offrir. Les artistes usent d'artifices pour combattre la faim, partagent les corvées et se soutiennent[1].

Ce dénuement entraîne l'intégration aux toiles d'artistes d'un ensemble de matériaux ou d’objets : Max Jacob utilise le noir de fumée de sa lampe à pétrole, du marc de café ou la poussière déposée sur ses étagères pour ses aquarelles. En mai 1912, Picasso réalise son premier collage en greffant un peu de toile cirée sur une de ses peintures[1] .

Le premier artiste à s'installer au Bateau-Lavoir en 1892 est le peintre Maxime Maufra, de retour d'un séjour en Bretagne. L'endroit devient rapidement un lieu de rencontre, où l'on remarque notamment la présence de Paul Gauguin. Entre 1900 et 1904, l'endroit est occupé par deux groupes d'artistes, des Italiens dont le plus célèbre est Ardengo Soffici, et des Espagnols regroupés autour de Paco Durrio. Des artistes du monde entier vont s'y rejoindre.

Incendie du Bateau-Lavoir, 1970.

Pablo Picasso arrive en 1904 (il y demeurera jusqu'en 1909 et gardera un atelier jusqu'en 1912). Sa période bleue étant terminée, il y entame les tableaux de la période rose, qui prend fin en 1907. La même année, sa toile Les Demoiselles d'Avignon y est dévoilée, marquant le début du cubisme. À cette époque, les habitants de la maison venus du monde entier sont le Hollandais Kees van Dongen, l'Espagnol Juan Gris (arrivé en 1906), le Roumain Constantin Brâncuși, l'Italien Amedeo Modigliani, Pierre Mac Orlan et Max Jacob[4]. En 1908, le Douanier Rousseau y est accueilli par un mémorable banquet. L'année suivante arrive le Mexicain Diego Rivera[1].

En 1909, le quartier change de physionomie : le tourisme de cabarets a commencé à se développer, les cabanes du coin sont détruites, les rues se pavent et le prix des loyers et de l'ordinaire augmentent[1]. À partir de la Première Guerre mondiale, le Bateau-Lavoir, qui est situé rive droite, perd de son animation au profit de Montparnasse et de La Ruche, son équivalent de la rive gauche.

Surnommé la « Villa Médicis de la peinture moderne » (par analogie avec la villa Médicis à Rome)[5], le Bateau-Lavoir est dévasté par un incendie en 1970 : il n'en reste alors que la façade. Reconstruit à l'identique en 1978 par l’architecte Claude Charpentier, mais cette fois en béton, il comporte à nouveau 25 ateliers d'artistes visibles depuis le jardin Louise-Weber-dite-La-Goulue accessible au 14 rue Burq[6],[7]. La partie non incendiée fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du [8].

Situation et accès

La place Émile-Goudeau est accessible par la ligne du métropolitain à la station Abbesses ainsi que par la ligne de bus RATP 40, la seule à circuler sur la butte Montmartre, à l'arrêt Durantin-Burq ou Abbesses également.

Personnalités liées au site

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (novembre 2018). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.
L'atelier de Endre Rozsda.

Parmi les nombreuses personnalités françaises et étrangères ayant fréquenté l'endroit, on peut citer :

Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Kees van Dongen, Henri Matisse, Constantin Brâncuși, Georges Braque, Fernand Léger, André Derain, Pierre Dumont, Pierre Hodé, Raoul Dufy, Maurice Utrillo, Juan Gris, François Guiguet, Max Jacob, Jean Metzinger, Louis Marcoussis, Guillaume Apollinaire, Edmond-Marie Poullain, Diego Rivera, Alfred Jarry, Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Gertrude Stein, Charles Dullin, Harry Baur, Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler, Berthe Weill, Nina Negri, Jacques-Gaston-Emile Vaillant, Robert Tatin, Maurice Denis, Endre Rozsda, Virginia Tentindo, Ksenia Milicevic, Igor Mitoraj, Pierre Mac Orlan, Marie Laurencin, Gen Paul, Otto Freundlich, Georges Guyot, Pierre Fichet, Otto van Rees (en), etc.

Notes et références

  1. Amélie Faucheux, « En art, il n'y a pas d'étranger. L’École de Paris : l’atelier cosmopolite (1900-1929). », Altérité & Violence, sur hypothèses.org, (consulté le ).
  2. Valentin Grivet, « Le Bateau-Lavoir, au-delà du mythe », La Gazette Drouot, .
  3. « Le Bateau-Lavoir », sur Paris-Promeneurs.
  4. « Blaise Cendrars sur les traces d'Amédéo Modigliani à Montmartre » [vidéo], sur ina.fr, tournée le 17 décembre 1953, durée 10 min 12 s : Blaise Cendrars visite le Bateau-Lavoir et évoque ses souvenirs de Montmartre.
  5. Jean-Michel Ogier, « Picasso, Braque, Dufy : l'effervescence de Montmartre avant la Méditerranée », France Info, .
  6. « Le Bateau-Lavoir », sur Montmartre-Guide.com.
  7. Franck Beaumont, « Le Bateau-Lavoir », sur Evous.com, .
  8. Notice no PA00086734, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  9. « Le Bateau-Lavoir », sur Routard.com.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jacques Hillairet, Connaissance du vieux Paris, Éditions Princesse, Paris, 1956 (ISBN 2-85961-019-7).
  • Jeanine Warnod, Le Bateau-Lavoir : 1892-1914, Bruxelles et Paris, Presses de la connaissance et Weber, coll. « Témoins et témoignages / Histoire », , 163 p. (notice BnF no FRBNF34550216).
  • Jeanine Warnod, Le Bateau-Lavoir : Berceau de l'art moderne (catalogue de l'exposition, Institut de France, Musée Jacquemart-André, -), Paris, Musée Jacquemart-André, , 126 p. (OCLC 729756911, notice BnF no FRBNF34557216).
  • Jeanine Warnod, Le Bateau-Lavoir, Paris, Mayer, , 191 p. (ISBN 2-85299-012-2 (édité erroné)).
  • Monique Clerc (auteur), Anne Lemaitre (réalisatrice) et Jean Wiéner (musique), Naissance du cubisme : Le Bateau-Lavoir, Paris, Centre national de documentation pédagogique, coll. « Radiovision RV », , 20 p., 16 diapos et 1 cassette audio (30 minutes) (notice BnF no FRBNF38165579).
  • Pierre Daix, Picasso au Bateau-Lavoir, Paris, Flammarion, coll. « Histoire d'un jour », , 223 p. (ISBN 2-08-012354-8).
  • Le Bateau-Lavoir et La Ruche : Montmartre et Montparnasse, Tokyo, Tokyo Art Institute, (OCLC 84265642).

Articles connexes

  • Portail de la peinture
  • Portail de l’histoire de l’art
  • Portail de Paris
  • Portail des monuments historiques français
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.