Bataille de Castillon

La bataille de Castillon eut lieu le entre les armées d'Henri VI d'Angleterre et celles de Charles VII de France. Cette victoire décisive pour les Français est l'avant-dernière bataille de la guerre de Cent Ans. Elle marque la première utilisation massive de l'artillerie de campagne dans une bataille, créée par les frères Gaspard et Jean Bureau[1].

Pour l’article homonyme, voir Bataille de Castillon, 17 juillet 1453.

Bataille de Castillon
La mort de John Talbot à la bataille de Castillon.
Miniature ornant le manuscrit de Martial d'Auvergne, Les Vigiles de la mort de Charles VII, vers 1484, BNF, ms. Français 5054 fo 229 vo.
Informations générales
Date
Lieu Castillon-la-Bataille
Issue Victoire française décisive
Belligérants
Royaume de France
Duché de Bretagne
Royaume d'Angleterre
Duché de Guyenne
Commandants
Jean Bureau
André de Lohéac
John Talbot
Forces en présence
10 000 hommes, 300 canons12 000 hommes
Pertes
100 hommes blessés ou tués7 000 morts, blessés et prisonniers

Guerre de Cent Ans

Batailles

Coordonnées 44° 51′ 20″ nord, 0° 02′ 26″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Gironde
Géolocalisation sur la carte : Aquitaine
Géolocalisation sur la carte : France

Contexte général

À la suite de la reconquête de la Normandie (campagne de 1450), les Français dirigent leurs efforts vers la seule région encore aux mains des Anglais. La Guyenne est presque reconquise par les Français, mais les exigences de Charles VII heurtent les intérêts des partisans de l'Angleterre[réf. nécessaire]. Après la conquête de Bordeaux par les Français en 1451[2], le roi d'Angleterre Henri VI envoie une armée, à la demande des Bordelais, frustrés d'avoir perdu leurs avantages accordés par les Anglais. L'armée anglaise est commandée par le vieux soldat John Talbot, qui reprend la ville un an plus tard, à la grande satisfaction des habitants, dont la prospérité dépend largement du commerce avec l'Angleterre. Talbot est nommé lieutenant général de Guyenne. Le reste de la province se rebelle contre le roi de France. Charles VII envoie à son tour une armée pour reconquérir la Guyenne, en 1453.

Plan de la bataille.

Les préparatifs français

L'armée française est commandée collégialement par les maréchaux de France André de Lohéac et Philippe de Culant[3], l'amiral Jean de Bueil et d'autres seigneurs. Un corps d'armée descend la vallée de la Dordogne et arrive le devant le château de Castillon, tenu par les Anglais[4]. Il s’apprête à l'assiéger mais veut d'abord attirer les Anglais dans un piège. L'armée comprend 1 800 lances fournies, soit 7 200 combattants de cavalerie, 800 francs-archers, l'artillerie des frères Bureau, et des auxiliaires de cavalerie envoyés par le duc de Bretagne. L'artillerie est sous les ordres de Jean Bureau, trésorier général de France (1441), et de son frère Gaspard, grand-maître de l'artillerie (1444)[5]. Jean Bureau choisit un terrain au nord de la Dordogne pour y placer ses canons. Le camp est installé derrière un ancien lit sinueux de la Lidoire, petit affluent de la Dordogne. Le lit sert de fossé et sa rive nord est aménagée en parapet, avec un rempart continu en troncs d'arbres. Le camp retranché, qui fait 600 mètres de long[4], est gardé au nord, à environ 1,5 km, par les 1 000 hommes de la cavalerie bretonne, dissimulés sur la colline d'Horable, commandés par les sires Jean de Montauban et Gilles de la Hunaudaye[6],[7]. La plaine de Colle, sur l'actuelle commune de Lamothe-Montravel, entre le camp retranché et la Dordogne, est un terrain plat idéal pour les tirs de l'artillerie française. Jean Bureau dispose d'un parc considérable, d'au moins 300 canons, servis par 700 manœuvriers[4]. Cette grosse et menue artillerie du roi, mobile, montée sur chariots, avec des bouches à feu tirant des boulets de fonte de différents calibres[8] constitue une véritable artillerie de campagne, une innovation militaire de première importance à cette époque où l'artillerie était généralement utilisée pour les sièges. Jean Bureau dispose ses canons en direction de la plaine au sud et prépare ses positions de tir.

Les préparatifs anglais

Talbot sait ses forces plus faibles que celles de son adversaire. Les Français envahissent la Guyenne par trois colonnes. Il est dès lors souhaitable d'attaquer en premier, en détruisant séparément les trois corps, avant leur regroupement. Il subit aussi les pressions des vignerons qui craignent de longs combats sur leurs terres et redoutent que les affrontements se poursuivent jusqu'aux vendanges. Bien qu'il soit prudent et très expérimenté, le vieux Talbot, informé de l'arrivée des Français à Castillon, décide de passer à l'attaque.

Il quitte Bordeaux le au matin, avec une force anglaise de 800 à 1 000 combattants à cheval et 4 000 à 5 000 hommes à pied[4], ainsi que des renforts de 3 000 à 4 000 Gascons, et avance à marche forcée sur Castillon. À l'aube du , son avant-garde surprend et disperse un détachement de francs-archers français commandés par Jacques de Chabannes et Joachim Rouault, qui sont en avant-poste dans l'abbaye de Saint-Laurent, au nord de Castillon, en bordure de la route de Bordeaux. Cent à cent-vingt Français sont tués et les autres s'enfuient vers le camp retranché. Les Français qui assiègent le château de Castillon se replient aussi dans le camp[4]. Des habitants signalent aux Anglais des mouvements de cavalerie sortant du camp à l'Est. Ces diverses observations font penser à Talbot que son adversaire prépare son retrait et que c'est le bon moment de l'attaquer, sans grand risque.

Les assauts anglais

Talbot pénètre dans la plaine de la Colle, au sud des forces françaises. Les limites sinueuses du camp retranché et ses parapets ne lui permettent pas d'apprécier aussitôt la composition et l'importance des forces adverses. Talbot ne dispose que de peu d'artillerie, qui n'est d'ailleurs pas encore arrivée, et doit livrer initialement un combat d'infanterie. Il donne l'assaut dès qu'il est arrivé devant le centre du camp français plutôt que d'attendre l'arrivée de l'ensemble de ses forces. L'attaque est contenue par les Français. Talbot lance de nouveaux assauts qui sont chaque fois repoussés au corps à corps[9].

Tirs de l'artillerie de campagne française et mort de Talbot

Entre-temps, Jean Bureau a pu ajuster ses positions en fonction de celles des Anglais. Il lance les tirs en enfilade de toutes ses bouches, presque à bout portant, sur des Anglais surpris. La canonnade a un effet dévastateur sur les effectifs anglais. Les soldats anglais, sous l'effet de la surprise, commencent à s'inquiéter. Talbot fait mettre pied à terre aux cavaliers mais reste en selle, en raison de son grand âge. Un boulet de couleuvrine tue son cheval et lui brise une jambe[4]. Fidèle au serment fait à Charles VII[10], il est sans arme ni armure et ne porte aucun signe de distinction de sa qualité. Non reconnu lors de l'attaque des Français, il est tué par un archer. Ainsi finit ce fameux et redouté chef anglais, qui passait depuis si longtemps pour l'un des fléaux les plus formidables et un des plus jurés ennemis de la France[4].

La charge de la cavalerie bretonne

Bataille de Castillon. Miniature ornant un manuscrit des Grandes Chroniques de France, fin du XVe siècle, British Library, Royal 20 C IX, fo 263.

Malgré leur situation devenue très difficile, les Anglais lancent de nouveaux assauts, qui sont toujours repoussés. De leur position arrière sur la colline d'Horable, les cavaliers bretons entendent la canonnade et sont prêts à intervenir au bon moment. Lorsqu'ils en sont requis par les chefs du camp retranché, ils longent ce dernier, sans qu'on sache exactement si c'est par l'Est[11] ou par l'ouest[12], débouchent brutalement sur le champ de bataille et chargent les Anglais. Ces troupes auxiliaires, de grand et noble courage, firent tant, avec l'aide de Dieu et par leur prouesse, que les Anglais tournèrent enfin le dos et furent mis en fuite et défaits. Ainsi, toutes leurs bannières furent abattues et renversées par les Bretons[4]. À l'arrivée de la cavalerie, les Français abaissent les portes de leur camp, en sortent à pied et à cheval et attaquent[13]. Ce qui reste de l'armée anglaise est débordé de toutes parts, ne peut se retirer en ordre et est disloqué. Des rescapés fuient vers la Dordogne qu'ils traversent au gué du Pas de Rauzan. Ils sont poursuivis sur l'autre rive par les cavaliers bretons et beaucoup sont exterminés ou faits prisonniers. Un grand nombre d'Anglais et de Gascons, près de 5 000[4], peuvent cependant se réfugier dans le château de Castillon, dont sans doute les derniers éléments de l'armée de Talbot continuant à arriver. Les réfugiés de Castillon seront faits prisonniers deux jours plus tard. La victoire française est totale.

Bilan et conséquences

Chez les Français, la bataille a fait une centaine de tués et de blessés[14]. Les Anglais ont perdu 30 chevaliers et 4 000 hommes, dont 500 à 600 morts (2 000 et plus selon la Chronique du temps de Charles VII conservée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris[15]), les autres étant blessés ou faits prisonniers pendant la bataille. Parmi les morts se trouvent Talbot, deux de ses fils et le baron de L'Isle, fils de John Talbot, qui avait débarqué en Guyenne à la tête de 2 000 hommes de renfort.

Le lendemain de la bataille, les Français reprennent le siège de Castillon, avec l'artillerie de Jean Bureau pointée sur les remparts[4]. La ville se rend le surlendemain et les rescapés anglais sont faits prisonniers. Le roi d'Angleterre n'a plus de troupes de campagne en Guyenne. Les autres places-fortes anglaises tombent rapidement, si bien qu'il ne reste plus que Bordeaux. Le siège est mis devant la ville tandis que Jean Bureau pointe ses canons sur les remparts. Le , la ville, affamée, préfère se soumettre car la défaite est inévitable avec une telle artillerie moderne.

Avec la bataille décisive de Castillon, la Guyenne redevient française et le restera par la suite. Les Anglais sont boutés hors de France. Ils ne conserveront plus en France que la place forte de Calais.

Survenant quelques semaines après la prise de Constantinople par les Turcs, la bataille de Castillon passe presque inaperçue des contemporains[16][source insuffisante].

Fin de la guerre de Cent Ans

En 1475, le roi d'Angleterre Édouard IV espère encore pouvoir reconquérir les territoires perdus en débarquant avec son armée à Calais, mais, abandonné par son allié Charles le Téméraire parti guerroyer sur le Rhin, il préfère négocier avec le nouveau roi de France Louis XI. Une entrevue est organisée entre les deux rois, qui débouche sur le traité de Picquigny, lequel met fin officiellement à la guerre de Cent Ans. Par ce traité, Édouard IV reconnaît Louis XI comme seul roi légitime de France, et reçoit en échange une pension annuelle de 50 000 écus et une indemnité de 75 000 écus. Des fiançailles sont par ailleurs prononcées entre le dauphin Charles et la fille aînée d'Édouard. La guerre de Cent Ans est terminée. Les Anglais rembarquent définitivement. Ils n'y croient plus. Ils n'ont plus en France que Calais, qu'ils conserveront jusqu'en 1558[17].

Postérité

La mort de John Talbot représentée dans une peinture de bataille du XIXe siècle.
Bataille de Castillon, ,
huile sur toile de Charles-Philippe Larivière, Versailles, musée de l'Histoire de France, galerie des Batailles, 1839.

Le corps de John Talbot, reconnu par son héraut, est inhumé le lendemain de la bataille dans la chapelle Notre-Dame de Colle, puis dans une chapelle érigée sur place, appelée Notre-Dame de Talbot. Il sera transféré en 1496 en Angleterre à l'abbaye de Whitchurch (en), dans le Shropshire.

Le souvenir de la bataille est resté vif en Guyenne. Talbot y fut longtemps appelé le bon roi Talabot[18]. Jusqu'au XIXe siècle, une procession se rendait le sur le lieu des combats. Un monument a été érigé à l'emplacement de Notre-Dame de Talbot, détruite pendant la Révolution. Il porte le nom de monument Talbot. Pour le cinq-centenaire de la bataille, la Société française d'archéologie a posé une nouvelle plaque. Un autre monument, à la mémoire des frères Bureau, dû à l'architecte Henri Mello, a été érigé en 1888 en bordure de la D 936 par l'Union patriotique de France à l'initiative de son comité girondin, l'Union patriotique de la Gironde.

Parmi les tableaux célébrant les victoires militaires de la monarchie française dans la galerie des Batailles inaugurée en 1837 par Louis-Philippe Ier au château de Versailles[19], le roi des Français a tenu à voir figurer la bataille de Castillon, sorte d'« anti-Crécy (...) démontrant la supériorité des boulets français sur les flèches anglaises »[20].

Chaque été depuis 1977, un spectacle vivant reconstitue cette bataille « l'espace d'un soir », événement qui mobilise des « centaines de bénévoles »[20]. Depuis 2016, l'Association Castillon 1453 en est le producteur et Éric Le Collen le metteur en scène. Grâce à la participation de ses adhérents « La Bataille de Castillon » est devenu un des plus grands spectacles de Nouvelle-Aquitaine[21].

Notes et références

  1. Castillon,  : le canon, arme fatale de la guerre de Cent Ans, Sciences et Avenir, 4/9/2019
  2. .
  3. Appelé souvent dans les documents d'époque par son titre de seigneur de Jalognes.
  4. Cf. Jean Chartier.
  5. Il sera fait marquis de Castillon par Charles VII.
  6. Cf. Philippe Contamine, La bataille de Castillon, Les Célébrations Nationales, 2003.
  7. Liste des seigneurs, barons et ducs de Retz
  8. Des canons, bombardes, couleuvrines, veuglaires et ribaudequins, cf. Jean Chartier.
  9. Ou main à main, selon l'expression de Jean Chartier.
  10. Capturé à Rouen pendant la campagne de Normandie de 1450, Talbot avait été libéré par Charles VII contre sa parole de ne plus porter les armes contre la France.
  11. Cf. la carte de Burne dans Agincourt War.
  12. Cf. Henri Bardon ; la position de la colline d'Horable laisse penser que c'est plutôt par l'ouest.
  13. Cf. Lettre d'Angoulême ; la lettre attribue la chute de Talbot non à un boulet mais aux soldats sortis du camp ; cependant, le rédacteur de la lettre n'a pas assisté à la bataille et écrit son texte juste après avoir entendu le premier récit venu de Castillon.
  14. Sont notamment blessés l'amiral Jean de Bueil et Jacques de Chabannes (cf. la lettre d'Angoulême) ; ce dernier mourra de ses blessures trois mois plus tard.
  15. No 1155, folio 113.
  16. https://www.herodote.net/17_juillet_1453-evenement-14530717.php.
  17. Philippe Zwang, Jeanne d'Arc et son temps, Tournai, Casterman, , p. 66-67.
  18. Selon la transcription française de l'époque.
  19. Robert Fohr et Pascal Torrès, « Louis-Philippe inaugure la galerie des Batailles », sur Histoire par l'image, (consulté le ).
  20. Challet 2015, p. 226.
  21. Association Castillon 1453, « La bataille de Castillon (spectacle) », (consulté le )

Voir aussi

Sources primaires imprimées

Bibliographie

  • Jean Barthe, La victoire de Castillon : , Bordeaux, Éditions Sud Ouest, , 127 p. (ISBN 978-2-879-01260-5).
  • Olivier Bouzy, « Français et Anglais sur le champ de bataille », Connaissance de Jeanne d'Arc, Chinon, no 23, , p. 25-36 (lire en ligne).
  • Alfred H. Burne (trad. de l'anglais par A. Bardon), La bataille de Castillon, 1453 : la fin de la guerre de Cent Ans, Bordeaux, Imprimerie Blière, .
  • Vincent Challet, « La bataille de Castillon (1453) », dans Christian Amalvi (dir.), Ombres et lumières du Sud de la France : les lieux de mémoire du Midi, vol. 1, Paris, Les Indes savantes, coll. « La boutique de l'histoire », , 359 p. (ISBN 978-2-84654-430-6), p. 226.
  • Léon Drouyn, Bataille de Castillon en Périgord, Imprimerie de G. Gounouihou, 1876, 19 p.
  • Gaston du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. V : Le Roi victorieux, 1449-1453, Paris, Alphonse Picard, , 476 p. (présentation en ligne, lire en ligne).
  • Georges Minois, Charles VII : un roi shakespearien, Paris, Perrin, , 850 p. (ISBN 2-262-02127-9).
  • (en) Anthony James Pollard, John Talbot and the War in France, 1427-1453, Londres, Royal Historical Society, coll. « Royal Historical Society Studies in History » (no 35), , XIV-166 p. (ISBN 0-521-55003-3, présentation en ligne).
    Réédition : (en) Anthony James Pollard, John Talbot and the War in France, 1427-1453, Barnsley, Pen & Sword Books Limited, coll. « Pen & Sword Military », , 2e éd., XVII-166 p. (ISBN 978-1-84415-247-6).
  • (en) Malcolm Graham Allan Vale, English Gascony, 1399-1453 : A Study of War, Government, and Politics during the Later Stages of the Hundred Years' War, Londres, Oxford University Press, coll. « Oxford Historical Monographs », , XVI-271 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Auguste Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, roi de France, et de son époque, 1403-1461, t. III : 1444-1461, Paris, Jules Renouard, , 512 p. (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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