Base (chimie)

Une base est un produit chimique qui, à l'inverse d'un acide, est capable de capturer un ou plusieurs protons ou, réciproquement, de fournir des électrons. Un milieu riche en bases est dit basique ou alcalin. Il existe différents modèles chimiques pour expliquer le comportement des bases. La réaction chimique d'un acide et d'une base donne un sel et de l'eau.

Pour les articles homonymes, voir base et alcalin.

Bouteille d'ammoniaque à 25-28%.

C'est un produit caustique, qui peut provoquer des brûlures. Les bases les plus connues sont la chaux vive, l'ammoniaque et la soude.

Théories successives

Premières théories

Le terme base a été introduit dans la chimie par le chimiste français Guillaume-François Rouelle en 1754. Il a remarqué que les acides connus à l'époque, qui étaient surtout des liquides volatils (tel que l'acide acétique), se transforment en sels solides cristallisés lorsqu'ils sont combinés avec certaines substances particulières[n 1]. Rouelle a considéré qu'une telle substance sert comme base du sel, en lui donnant une « forme concrète ou solide »[1]. Auparavant, Robert Boyle (1627-1691) avait su différencier un acide d'une base en mettant à profit le changement de couleur du sirop de violette (passage du rouge au vert). Avant lui, seul le goût piquant des acides permettait de les reconnaître[2].

Les premières définitions modernes d'un acide et d'une base furent proposées par Svante August Arrhenius et Ostwald. Selon Arrhenius, un acide est un composé à hydrogène mobile qui relâche dans l'eau des protons H+ alors qu'une base est un composé qui relâche des ions hydroxyde OH- dans l'eau. Cependant, plusieurs limites de ce modèle ont émergé assez rapidement. La principale limite est la restriction de la définition de la base et de l'acide au milieu aqueux. On a très vite observé des phénomènes acido-basiques dans des solvants non polaires, ce qui n'est pas décrit par ce modèle. On peut également observer une autoprotolyse d'autres solvants polaires :

  • autoprotolyse de l'ammoniac : 2 NH3 = NH4+ +NH2-
  • autolyse de anhydride acétique : (CH3CO)2O = CH3CO+ + CH3COO-

Selon la théorie du système solvant, une base est une substance qui augmente la concentration des anions dans un milieu et un acide une substance qui augmente la concentration des cations dans un milieu. On peut remarquer ici que ce modèle ne fait pas intervenir la dualité constatée entre les bases et les acides qui sont une caractéristique intrinsèque au composé étudié. De plus, cette théorie ne se préoccupe pas du comportement des acides dans les solvants non polaires.

Ces deux derniers modèles, bien que partiellement valides, ont été remis en cause puis abandonnés en 1923, tout d'abord par le chimiste Joannes Brønsted puis par Gilbert Lewis, qui en a donné la définition la plus universelle.

Théories en vigueur

La théorie de Brønsted-Lowry a défini l'acide comme une substance capable de céder un proton dans le milieu et la base comme une substance capable de capter un proton. Brønsted a introduit ainsi la notion d'acidité et la basicité comme la proportion dans la solution d'acide par rapport à la base. Cette définition a mis fin à la plus grande partie des objections que l'on a fait aux deux théories précédemment développées. En effet, cette théorie est valide dans le cas des solvants non aqueux, ce qui a eu une grande importance pour l'analyse chimique. Cependant, à la même date, Gilbert Lewis a proposé une autre définition de l'acide et de la base mais celle-ci est passée inaperçue dans un premier temps.

Lewis définit une base comme un donneur de doublets d'électrons et l'acide comme accepteur de doublets d'électrons. Les acides sont ainsi des substances qui, combinées avec des bases, partagent des électrons afin de former des composés de coordination appelés adduits de Lewis. La théorie de Brønsted-Lowry est en fait un cas particulier de la théorie de Lewis qui a une valeur théorique beaucoup plus élevée, et un acide de Lewis n'est pas forcément un acide de Brønsted-Lowry. Toutefois dans l'industrie, le modèle de Brønsted est largement utilisé, on continue de raisonner en termes d'échange de protons. Dans le milieu scolaire, on définit d'ailleurs toujours au moins dans un premier temps un acide et une base selon le modèle de Brønsted.

Dans l'eau

En milieu aqueux, on utilise habituellement la définition de Brønsted-Lowry. Une base peut être représentée par la formule générique B.

Lorsque la base B est mise en présence d'eau, la réaction suivante a lieu :

B + H2O ↔ BH+ + OH (1)

La constante de cette réaction est appelée constante de basicité et on la note Kb. On établit une distinction entre les bases faibles et les bases fortes. Une base forte est totalement dissociée dans l'eau, alors qu'une base faible n'est que partiellement dissociée dans l'eau.

BH+ est capable de céder un proton. On a en fait un couple base faible/acide faible conjugué B/BH+. En conséquence, la constante d'acidité Ka est uniquement définie dans le cas des bases faibles et vaut alors :

Ka = [B][H3O+]/[BH+] (4)

Ka est en fait la constante d'équilibre de la réaction de dissociation (3).

Parmi les plus fortes bases, on retrouve la soude NaOH, et la chaux (chaux vive CaO ou chaux éteinte Ca(OH)2).

Dans l'eau, la basicité est mesurée à l'aide de l'échelle des pH, comme l'acidité (les deux notions étant complémentaires). L'eau elle-même est un acide faible et une base faible en même temps.

En géologie, en chimie verrière ou chimie des sels fondus

En pétrologie et en chimie des sels fondus, on utilise de préférence la définition de Lux-Flood : une base est une espèce pouvant céder un ion oxyde O2− [3]. Par exemple, l'oxyde de calcium CaO est une base, car dans la réaction :

CaO + H2O → Ca(OH)2

le CaO cède son ion oxyde

CaO → Ca2+ + O2−

qui lui est capturé par l'eau O2− + H2O → 2OH.

Géologues et géochimistes, voire physico-chimistes de la matière condensée, décrivent plus communément l'évolution des formations et (micro)structures minérales en termes de potentiel oxygène[4].

D'une manière synthétique, on dit qu'une roche est basique si, par sa teneur globale ou composition brute, elle est pauvre en dioxyde de silicium, ou silice, SiO2. La silice est un oxyde acide susceptible d'engendrer l'ion silicate tétraédrique SiO44-. Les basaltes, ne contenant qu'environ 30 % de silice, et d'une manière générale les roches basaltiques, sont basiques.

Cela a une grande importance dans le comportement des magmas (notamment dans les volcans), et aussi lorsqu'il faut dissoudre la roche pour l'analyser (dissolution dans de l'acide pour l'ICP, ou bien dans un verre pour l'analyse en spectrométrie de fluorescence X).

Les roches calcaires, c'est-à-dire la gamme très variée de roches à base de différents minéraux du type carbonates de calcium et/ou de magnésium, sont basiques parce qu'elles réagissent aux acides d'un point de vue trivial. Par exemple, la craie arrosée d'acide acétique ou de vinaigre fort fait effervescence. Sa structure ionique se décompose, en libérant les ions calcium Ca2+ et surtout le gaz carbonique CO2, ce dernier à l'origine du bullage plus ou moins intense, cause de l'effervescence.

Propriétés

Les bases ont tendance à donner des électrons, ce qui est caractérisé par leur potentiel d'oxydoréduction. L'équilibre avec la forme acide est caractérisé au moyen d'une constante (Kb ou pKb), pH auquel la molécule est neutre. Un composé basique peut avoir plusieurs pKb, correspondants à chacun de ses groupes ionisables.

L'alcalinité (parfois aussi appelé basicité) d'une solution correspond à la concentration en composés basiques, exprimée en potentiel d'oxydoréduction (voir Potentiel hydrogène). C'est l'inverse de l'acidité.

Les bases produisent des réactions d'oxydoréduction, des réactions de substitution nucléophile

Notes

  1. « j'ai étendu le nombre de ces sels autant qu'il était possible, en définissant génériquement le sel neutre un sel formé par l'union d'un acide avec une substance quelconque, qui lui sert de base & lui donne une forme concrète ou solide ». (Mémoire sur les sels neutres de 1754, p. 573-574)

Références

  1. (en) William B. Jensen, « The Origin of the Term Base », Journal of Chemical Éducation • 1130 Vol. 83 No. 8 août 2006.
  2. Bernard Vidal, Histoire de la chimie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (no 35), , 126 p. (ISBN 978-2-13-048353-3, notice BnF no FRBNF36705795)
  3. Une base de Flood est un donneur d'oxyde O2−. Lire p. 319-320 du chap. 9, « La chimie des bases et des acides », in Chimie inorganique, p. 318-358.
  4. Et non pas de potentiel hydrogène selon la théorie de Lowry-Brønsted.

Sources

  • Encyclopedia of Industrial Chemical analysis, Smell-Hilton, 1966
  • Valence and structure of Atoms and Molecules, Chemical Catalog, G.N Lewis, 1938
  • James Huheey, Ellen A Keiter, Richard L Keiter, André Pousse (trad. de l'anglais par) et Jean Fischer (trad. de l'anglais par), Chimie inorganique, Paris Bruxelles, De Boeck, , 964 p. (ISBN 978-2-8041-2112-9, notice BnF no FRBNF37670940). En particulier, chap. 9, « La chimie des bases et des acides », p. 318-358.

Articles connexes

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