Azilda Marchand

Azilda Marchand, née Azilda Lapierre le à Ange-Gardien et décédée le à Montréal, est une féministe québécoise de la deuxième moitié du XXe siècle. Ses actions visent à faciliter l'accès des femmes à l'éducation et leur reconnaissance sociale, juridique et économique[1]. En 1966, elle cofonde l'Association féminine de l'éducation et de l'action sociale[2] (AFEAS), dont elle est présidente de 1970 à 1975[3]. Membre du Conseil du statut de la femme[4] (1975-1980), elle est l'une des signataires de la politique d'ensemble de la condition féminine du Gouvernement du Québec: Pour les Québécoises: égalité et indépendance[5]. Elle est récipiendaire de l'Ordre du Canada[6] et honorée comme chevalière de l'Ordre national du Québec[7].

Les années de jeunesse

Azilda Marchand est la cadette d’une famille de trois filles. Elle étudie à l’Académie des Sœurs Sainte-Anne de Lachine puis à l’École Normale de Saint-Hyacinthe[8]. Elle perfectionne aussi l’art dramatique et oratoire en suivant des cours du Conservatoire Lassalle. À la fin des années 1930, elle est confrontée aux structures scolaires qui ne permettent pas aux femmes issues de milieu modeste, comme elle, d’accéder à l’université. Elle écrira dans ses mémoires:

« Cette injustice me poursuivra aussi longtemps que la société ne l’aura pas corrigée. Ce sera le point de départ de ma vocation de militante. »[9]

De 1937 à 1942, elle enseigne dans une école de rang dans la municipalité d'Ange-Gardien. C’est dans cette municipalité qu’elle épouse en 1942 Jean-Maurice Marchand, diplômé du Collège Macdonald, avec qui elle aura neuf enfants: sept filles et deux garçons. Comme les normes sociales de l’époque l’obligent à quitter son emploi à sa première grossesse, elle poursuit dans des groupes communautaires une action d’animatrice-formatrice auprès des femmes.

Pendant les années 1940 et 1950, tant au niveau local qu’au niveau régional, Azilda Marchand fonde, pour le diocèse de Saint-Hyacinthe, la Jeunesse agricole catholique féminine (JACF), elle est membre de l’Union catholique des fermières (UCF) et présidente régionale de l’Union catholique des femmes rurales (UCFR)[10],[11]. Au début des années 1960 les organismes féminins, comme on les appelle à l’époque, réalisent la nécessité d’unifier leur force au sein d’une association nationale. De ce besoin naîtra l’AFEAS.

Les années 1960-1970: la militante

De 1963 à 1966, elle préside le comité de coordination entre les organismes féminins en vue de la création de l'AFEAS (Association Féminine d’Éducation et d’Action Sociale) [12]. Parallèlement, jusqu'en 1970, elle élabore et dispense aux femmes des cours de formation sociale et de psychologie appliquée à la petite enfance et à l’adolescence qui sont plus tard repris par la Direction générale de l’éducation aux adultes (DGEA)[13].

La fondation en 1966 de l’AFEAS accélère l'affranchissement des associations féminines face au clergé catholique et leur donne une assise pour formaliser un éventail d’analyses et de revendications[14]. Pour ce faire, l’AFEAS est organisée en structure nationale qui assure à ses membres, de la base au sommet et du sommet à la base, des communications constantes.

Première présidente élue de l’AFEAS, Azilda Marchand s’appuie sur la structure pyramidale de la nouvelle association (600 cercles locaux et 13 fédérations régionales dont le siège social est à Montréal) pour solliciter la participation active des 35,000 membres à l’étude des grands dossiers tels la Commission Bird [15] et le Rapport Parent [16] qui seront porteurs de ce que le Québec appellera la Révolution tranquille. Les mémoires que l’AFÉAS soumet aux différents paliers de gouvernement revendiquent tant le droit à l’éducation comme moteur de l’émancipation que des mesures concernant:

« […] les congés de maternité, les garderies, les emplois à temps partiel, la parité salariale [...] » [17]

Azilda Marchand confiera à Micheline Dumont et Louise Toupin dans La pensée féministe au Québec [18]:

« [...] il est vain de discuter du travail des femmes puisque dans les faits toutes les femmes travaillent, soit à la maison, soit dans l’entreprise familiale, soit sur le marché du travail [...] »[19]

En faisant la promotion de l'action sociale, l'AFEAS soutient l'implication de ses membres dans leur communauté et dans des actions aux rayonnements régionaux et provinciaux. L'association crée le Prix Azilda Marchand qui est remis annuellement au Cercle s'étant particulièrement démarqué en action sociale[20].

Azilda Marchand contribue à rendre visible le travail invisible des femmes et à lui assurer une reconnaissance à sa juste valeur. Conséquemment, dans la foulée du jugement de la Cour suprême du Canada déniant tout droit aux femmes de réclamer au moment d’un divorce la moitié de la ferme familiale sous prétexte que le travail effectué n’était que le devoir normal d’une épouse (l’Affaire Irène Murdoch[21]), elle initie en 1974 une vaste enquête pour évaluer la situation économique et juridique des femmes québécoises collaboratrices de leur mari dans une entreprise familiale à but lucratif[22]. De ce travail nait en 1976, l’Association des femmes collaboratrices (maintenant l’Association des collaboratrices et partenaires en affaires) qui veille à faire modifier les normes qui régissent le monde du travail et à obtenir une loi sur le patrimoine familial qui rend obligatoire en cas de séparation, le partage des gains acquis pendant le mariage.

En 1975, à la fin de son mandat de cinq ans comme présidente provincial de l’AFEAS, elle est nommée membre du Conseil du Statut de la Femme (CSF)[23]. Elle est responsable du Comité éducation et membre du Comité sur la famille. Elle travaille activement à la préparation et endosse l’ensemble des recommandations du rapport: Pour les québécoises: Égalité et indépendance paru en 1978[24]. En 1974, elle est déléguée du CSF et de l’AFEAS comme représentante des organismes non gouvernementaux (ONG) au congrès international des femmes tenu à Mexico dans le cadre de l’Année internationale de la femme (AIF) proclamée par l’Organisation des Nations unies[25]. Puis de 1974 à 1981, elle est membre du Comité sur la condition féminine à la Commission canadienne de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

Jocelyne Lamoureux, dans Femmes en mouvement-Trajectoires de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale AFEAS, souligne la vision avant-gardiste de l’AFEAS concernant le lien étroit qui unit l’éducation et l’action sociale:

« [...] donner confiance aux femmes, les valoriser dans leur travail à domicile, leur travail de salarié, ou de collaboratrice dans l’entreprise familiale pour accroître leur capacité de comprendre et d’agir, voilà ce que peut réaliser l’action sociale…mais l’action sociale ne se sépare pas de l’éducation » [26]

Azilda Marchand gardera toujours son adhésion à l’AFEAS. Fidèle à cet idéal d’instaurer un véritable programme d’éducation accessible à tous, y compris aux adultes, elle siège (1972-1979) au Conseil supérieur de l'éducation (Québec) du Ministère de l’éducation, puis de 1973 à 1979, elle est présidente de la Commission de l’enseignement collégial et jusqu’en 1985 membre de la Commission de l’enseignement universitaire.  Elle est aussi membre du Comité d’orientation des cégeps de la Fédération des cégeps. En 1987, l'Université de Sherbrooke lui décerne un doctorat Honoris Causa en reconnaissance de son travail en éducation populaire [27].

Les années 1980:  la communauté

Arrivée à l’âge de la retraite, elle poursuit son action sociale dans sa communauté. De 1980 à 1984, elle est responsable de la Société d’histoire des Quatre Lieux [28]. Pour le 125e anniversaire de la municipalité, elle rédige et publie en 1981 La petite histoire de l’Ange-Gardien[29]. L’année suivante, elle est nommée secrétaire de l’Office municipal d’habitation de la paroisse. Puis de 1982 à 1988 elle est directrice de l’habitation à loyer modique (HLM) de la municipalité Ange-Gardien.

Les années 1990: la retraitée

Après avoir quitté la vie publique, elle consacre ses années de retraite à l’écriture du récit de ses mémoires : L’amour de tous les jours et plusieurs poèmes : Journal intime et poèmes qu’elle lègue à ses enfants et petits-enfants. Elle s’éteint à Montréal le 9 mai 2010 et est inhumée au cimetière de Ange-Gardien.

Distinctions

Notes et références

  1. "In memoriam: Azilda Lapierre-Marchand (1918–2010)" (PDF). Recherches féministes, Québec,  Université Laval. 23 (2). doi:10.7202/045662ar, 2010 ISSN 0838-4479.
  2. « Accueil », sur Site officiel de l'AFEAS (consulté le )
  3. Femmes en mouvement - Trajectoires de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale AFEAS 1966-1991, éd. Boréal,
  4. « Accueil », sur Conseil du statut de la femme (consulté le )
  5. Gouvernement du Québec - Conseil du statut de la femme, Pour les Québécoises: égalité et indépendance, Services des publications officielles du Gouvernement du Québec, , 388 p. (lire en ligne).
  6. Office of the Secretary to the Governor General, « Mme. Azilda L. Marchand », sur La gouverneure générale du Canada (consulté le )
  7. « Ordre national du Québec », sur Site officiel de l'Ordre national du gouvernement du Canada (consulté le )
  8. « L'enseignement des Soeurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe dans les écoles de campagnes (1877 - 1950) — Le patrimoine immatériel religieux du Québec », sur Le patrimoine immatériel religieux du Québec (consulté le )
  9. L’amour de tous les jours, collection privée, p.5
  10. "2.2.2—La Jeunesse agricole catholique: un mouvement éducatif pour le monde rural". Les enjeux de l'enseignement de la sociologie dans une école d'ingénieurs — Analyse du curriculum de l'Institut Supérieur d'Agriculture Rhône-Alpes de 1968 à 1994, 19 Mai 1998, Lyon, France: Université Lumière Lyon 2.
  11. Femmes en mouvement - Trajectoires de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale AFEAS 1966-1991, éd. Boréal, 1993
  12. « Fondation de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale », sur Université de Sherbrooke, Bilan du siècle: Site encyclopédique sur l'histoire du Québec depuis 1900 (consulté le )
  13. Avant que d’oublier, https://eduq.info/xmlui/handle/11515/14541 éd. Dire, 1999
  14. L’histoire des femmes du Québec depuis quatre siècles, éd. Le Jour, 1992
  15. « Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada », sur The Canadian Encyclopedia, Site en langue française (consulté le )
  16. « Archives de l'Assemblée nationale du Québec, Rapport Parent », sur Site officiel de la bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec (consulté le )
  17. La pensée féministe au Québec, Anthologie (1900-1985), éd. Remue-ménage p. 255
  18. Micheline Dumont et Louise Toupin, La pensée féministe au Québec : Anthologie, 1900-1985, Les Éditions du remue-ménage, , 752 p. (ISBN 978-2-89091-212-0)
  19. La pensée féministe au Québec, Anthologie (1900-1985), éd.Remue-ménage p. 299
  20. Concours provincial Azilda Marchand : Informations et règlements de participation, vol. Revue Femmes d’ici, AFEAS, (lire en ligne)
  21. « Murdoch, affaire », sur The Canadian Encyclopedia, Site en langue française (consulté le ) et « Murdoch v Murdoch », sur Wikipedia en langue anglaise (consulté le )
  22. Le comité de "La femme collaboratrice du mari dans une entreprise à but lucratif" de l'AFEAS, Concernant la femme collaboratrice du mari dans une entreprise a but lucratif, (lire en ligne).
  23. La Gazette des femmes, Azilda Marchand membre du CSF, vol 1 no 1, pages 17-19
  24. Pour les Québécoises : égalité et indépendance. Politique d’ensemble de la condition féminine, Gouvernement du Québec, 1975
  25. AIF mentionnée dans la chronologie de la création de la Journée internationale des femmes: « Journée internationale de la Femme, Chronologie », sur Site officiel de l'ONU, section en langue française (consulté le )
  26. Femmes en mouvement-Trajectoires de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale AFEAS, éd. Boréal, p.146
  27. « Docteurs d'honneur: Azilda Lapierre Marchand », sur Site officiel de l'université de Sherbrooke (consulté le )
  28. « Société d'histoire et de généalogie des Quatres Lieux » (consulté le )
  29. Azilda Marchand, La petite Histoire de L’Ange-Gardien, Le Comité des Fêtes du 125e anniversaire de L'Ange-Guardien, , 368 p. (lire en ligne). , https://www.quatrelieux.qc.ca/docange/docange.htm, Le Comité des Fêtes du 125e anniversaire de L’Ange-Gardien, 1981
  30. « Docteurs d'honneur: Azilda Lapierre Marchand », sur Site officiel de l'université de Sherbrooke (consulté le )
  31. « Recipients », sur The Governor General of Canada, (consulté le ).
  32. « Azilda Marchand - Ordre National du Québec », sur Site officiel de l'ordre national du Québec (consulté le )

Liens externes

Bibliographie

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