Avion ravitailleur

Un avion ravitailleur est un avion ou drone utilisé pour le réapprovisionnement en carburant ou munitions d'autres aéronefs en vol (avions, drones et hélicoptères principalement).

KC-135 Stratotanker ravitaillant un F-16 à l'aide d'une perche rigide.
Avions ravitailleurs britanniques Vickers VC10 défilant au-dessus du palais de Buckingham en 2010.

Origine

1923, premiers essais.
Ravitaillement d'un Fairchild A-10 Thunderbolt II par un KC-135 de l'US Air Force.

Le ravitaillement permet d'augmenter l'autonomie des avions, et est particulièrement utile pour les petits avions comme les chasseurs : en effet, pour de simples raisons géométriques, un petit avion est plus pénalisé par le poids de sa structure et par l'aérodynamique, et ne peut donc pas avoir la même autonomie qu'un avion de grande taille.

Historique

Le premier ravitaillement en vol de l'histoire commence par la témérité de quelques cascadeurs lorsque le , au-dessus des côtes de la Californie, un homme passe d'un biplan à un autre avec un bidon de 20 litres de carburant et va verser son contenu dans le réservoir de l'avion qui l'accueille.

Dans les années 1920, les premiers essais de ravitaillement d'avion à avion ont lieu, cependant il s'agissait plus d'un exercice « sportif » destiné à établir des records que d'une procédure opérationnelle. L'exercice consiste à lancer un tuyau que le pilote de l'avion à ravitailler introduit lui-même dans l'ouverture de ravitaillement normale de son avion. Il s'agit donc d'une manœuvre relativement dangereuse. En 1923, un biplan DH-4B britannique vole pendant 37 h 15 grâce à 16 répétitions de cette opération.

En 1935, les frères Fred et Al Key (en), deux américains, inventent un procédé plus sûr, ancêtre des systèmes actuels.

Le ravitaillement au vol est au point en 1940, mais aucun des belligérants de la Seconde Guerre mondiale ne s'en sert. Pourtant, il aurait permis de résoudre l'un des plus gros problèmes des forces alliées : l'absence de chasseurs disposant d'une allonge suffisante pour escorter les bombardiers stratégiques dans leurs missions.

Une autre solution à ce problème est envisagée à la fin de la guerre, sous la forme de chasseurs « parasite », comme le McDonnell XF-85 Goblin, emportés par un bombardier B-36 qui est testé en vol en 1948. Cependant, à ce moment, les décideurs militaires songent au ravitaillement en vol comme solution plus sûre.

Exemples historiques

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En 1949, plusieurs ravitaillements en vols permirent à un Boeing B-50 Superfortress d'effectuer le premier tour du monde en vol continu d'un avion. À cette époque, le ravitaillement en vol est accepté par les États-Majors comme une solution vitale, dans le contexte de la guerre froide, pour les bombardiers stratégiques.

En juin 1967, deux hélicoptères HH-3E Jolly Green Giant de l'US Air Force ont traversé l'Océan Atlantique de New York à Paris sans escale. Pour cela, 9 ravitaillements en vol à partir de C-130 Hercules ont eu lieu à des altitudes comprises entre 500 et 3 000 pieds. Le voyage a tout de même duré plus de 30 heures.

Le plus impressionnant scénario de ravitaillement en vol fut sans doute celui des chasseurs-bombardiers britanniques pendant la guerre des Malouines. Ne disposant pas de base entre l'Angleterre et l'Île de l'Ascension qui servait de base arrière aux forces britanniques, ils franchissaient la totalité de la distance en se ravitaillant deux fois en cours de vol auprès de ravitailleurs qui tournaient sur les zones de ravitaillement au milieu de l'océan Atlantique. Par ailleurs la Royal Air Force, désireuse de ne pas laisser aux seuls Sea-Harrier de la Fleet Air Arm le monopole des combats aériens, réalisa une demi-douzaine de missions de bombardement (missions Black Buck, piste et radar de l'aéroport de Fort Stanley) à partir d'un bombardier Vulcan ravitaillé en vol par une noria de Victor (10 à 11 Victor dont certains n'étant là que pour ravitailler les ravitailleurs...). Bien que d'un intérêt opérationnel limité (même si certains estiment que ces bombardements ont dissuadé les forces argentines de baser des chasseurs aux Malouines, mais il aurait de toute façon fallu rallonger la piste) ces missions qui durèrent 16 heures et impliquèrent un trajet de 12 000 km sont restées comme les plus longues missions opérationnelles de la RAF. Fait significatif, les Britanniques qui avant la guerre des Malouines utilisaient pour le ravitaillement en vol d'anciens bombardiers reconfigurés (Victor & Vulcan) s'équipèrent peu après cette guerre de nombreux avions conçus dès l’origine pour le ravitaillement en vol (VC-10 et Tristar).

Le ravitaillement aujourd'hui

Le ravitaillement en vol est une nécessité pour les vols très longs liés à certaines missions :

  • l'augmentation du rayon d'action, par exemple pour permettre :
  • le maintien en vol de certains avions au-dessus de territoires hostiles (patrouille ou missions d'intelligence électronique par exemple).
  • le convoyage d'un continent à l'autre.

Techniques de ravitaillement

Perche rigide rétractable pour le ravitaillement sur un McDonnell Douglas KC-10.
HH-60 Pave Hawk en approche d'un HC-130.
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Deux systèmes concurrents existent pour l'avion ravitailleur :

  • Le système rigide, désigné en anglais : « flying boom » (parfois aussi « boom and receptacle ») :
Il consiste en une perche rigide télescopique rétractable, commandée par un opérateur installé en position couchée devant un hublot à l'arrière de l'avion ravitailleur (certains avions ont des systèmes à caméras). L'avion à ravitailler se présente en position stable en dessous et légèrement en arrière du ravitailleur, puis la perche télécommandée vient se déployer et s'insérer dans un raccord femelle de l'appareil ravitaillé (généralement noyé dans le fuselage et découvert au dernier moment par une petite trappe électrique). Ce système est en vigueur dans l'armée de l'air américaine ;
  • Le système souple, désigné en anglais : « probe-and-drogue » :
Dans ce système, l'avion ravitailleur déroule derrière lui un ou plusieurs tuyaux souples (« hose ») se terminant par un panier-entonnoir stabilisé aérodynamiquement par un parachute annulaire (« drogue »), dans lequel l'avion ravitaillé vient placer sa propre perche de ravitaillement (escamotable ou pas). Au repos, le ou les tuyaux sont enroulés à l'intérieur d'une nacelle. Ce système est utilisé, entre autres, par l'armée de l'air française et la marine américaine.

Une autre version propose un tuyau souple relié à la perche rigide télécommandée du système flying boom décrit précédemment (généralement une modification rapide pour s'adapter à un contexte de missions interarmées ou inter-pays utilisant des systèmes différents).

Le système rigide offre l'avantage d'être beaucoup plus performant en termes de débit de carburant que le système souple. Une perche rigide de fort diamètre peut offrir des débits pouvant atteindre 2 900 kg/min (soit 3 800 litres), alors qu'un système à tuyaux souples possède des limitations de pression, et le diamètre plus faible des tuyaux ne permet généralement que des débits de transfert situés entre 680 et 2 040 kg/min. Toutefois, le système souple permet de fixer plusieurs tuyaux sur un même avion, permettant de ravitailler plusieurs avions en même temps, alors que le système rigide est techniquement beaucoup plus complexe, plus lourd, nécessite l'emploi d'un opérateur spécialisé, et ne peut ravitailler qu'un avion à la fois. Il est également plus cher et nécessite des modifications beaucoup plus lourdes sur l'avion porteur que le système à tuyaux souples. Il est par contre beaucoup plus stable et moins sujet aux turbulences et mauvaises conditions météo, et est également moins contraignant à l'emploi pour le pilote de l'avion devant être ravitaillé (un paramètre à prendre en compte pour des pilotes effectuant des missions de plusieurs heures et pour lesquels la fatigue peut commencer à se faire sentir). Le système souple peut également poser problème pendant les ravitaillements, car la perche de l'avion récepteur est généralement située à l'avant de celui-ci, et proche des systèmes d'avionique de forte puissance, en particulier le radar et les antennes des systèmes de navigation. Ces emplacements sont assez sujets à emmagasiner de l'électricité statique, et assez fragiles aux chocs, ce qui fait qu'ils peuvent être endommagés s'ils sont percutés par le cône du tuyau souple pendant le ravitaillement.

Les hélicoptères peuvent également être ravitaillés en vol, certains modèles disposent à cet effet d'une longue perche télescopique située au bas du fuselage et allant suffisamment loin devant l'appareil pour éviter que les pales du rotor principal n'interfèrent avec la tuyauterie du ravitailleur.

Taille et type d'avions ravitailleurs

A-6 Intruder ravitaillant 2 Super-Étendard à l'aide d'un tuyau souple

Le ravitailleur reste un avion des « arrières », auquel on ne demande pas de savoir opérer sur des terrains rustiques. Ils peuvent donc être dérivés d'avions de lignes civils, c'est la grande majorité des ravitailleurs moyens ou lourds.

Les avions ravitailleurs peuvent être de taille très différentes :

  • gros-porteurs, cas le plus courant, puisqu'ils doivent pouvoir emporter un grand volume de carburant sur une grande distance, et dérivés :
    • d'avions civils (Boeing 707 ou 767, Airbus A310 ou A330-200, Il-76)
    • de bombardiers ou d'avions de transport militaires.
  • avions plus légers, de type chasseur-bombardier en général, équipés de réservoirs supplémentaires et d'une nacelle de ravitaillement sous voilure.

Cette dernière possibilité est en fait la seule solution pour les avions embarqués à bord de porte-avions et opérant en pleine mer, hors de portée des ravitailleurs basés à terre. Des exemples de ce type sont le Grumman A-6 Intruder (dont une version spécialisée dans ce rôle a été construite, mais dont la version de base est déjà capable), le F-18 Super Hornet, le Dassault Rafale M, ou encore le Dassault Super-Étendard.

On parle de « buddy refuelling » (« buddy » signifie « ami » en anglais) quand l'avion ravitailleur et l'avion ravitaillé sont de même type.

Les principaux fabricants de ces nacelles en 2021 sont les entreprises américaines Flight Refueling (Mk.30, Mk.32…), Sargeant-Fletcher (28-300, 31-300, 31-301, 34-000…), la britannique Cobham (D-704[2], D-827…) qui proposent un petit catalogue qui a été complété par le russe Zvezda et le français Zodiac Fuel & Inerting Systems racheté par Safran qui propose la Safran NARANG avec un débit compris entre 750L/min et 1000L/min remplaçant la nacelle « Intertechnique » IN234000 avec un débit de 530 litres par minutes[3].

Exemples

Avions ravitailleurs répartis par types

Dérivés de gros porteurs civils Dérivé de
bombardier
Avions de transport militaire
(sur terrain rustique)
Avions plus légers
Capacité « normale »
ou limitée
Boeing KC-135 Stratotanker, VC-10,
Airbus A310 MRTT, Boeing KC-767
Tupolev Tu-16 Lockeed KC-130 Hercules, Iliouchine 78, C-160 Transall et
C-160 Transall NG, Airbus A400M
De très grande capacité McDonnell Douglas KC-10A, Lockheed Tristar,
Airbus A330 MRTT ou KC-45,
KC-17 dérivé du C-17[réf. nécessaire]
Embarqués
sur porte-avions
KA-6D (A-6 Intruder),
F-18 Super Hornet, Rafale, Super-Étendard,
Lockheed S-3 Viking

Avions ravitailleurs répartis par pays utilisateur [Quand ?]

Pays de l'OTAN

Pays Retirés du service En service Commandés
États-Unis Boeing KB-29
Boeing KB-50
Environ 400 KC-135 Stratotanker
59 KC-10A
C-130 Hercules
KA-6D, version spécialisée du A-6 Intruder (US Navy, sur porte avion)
167 Boeing KC-46
France 11 C-135FR
3 KC-135R
2 A330 MRTT
2 KC-130 J
15 A330 MRTT
Canada 2 CC-150 Polaris (Airbus A310)
Allemagne 3 Airbus A310 MRTT
C-160 Transall
Royaume-Uni Tristar
VC-10
Victor
Airbus A330 MRTT (14)
Italie 4 KC-767
Pays-Bas 2 McDonnell Douglas DC-10 d'occasion convertis.
Turquie 7 KC-135
Pays-Bas, Pologne et Norvège 4 Airbus A330 MRTT seront exploités conjointement

Autres pays

Pays Retirés du service En service En commande
Algérie Six Iliouchine Il-78
Arabie saoudite Six Airbus A330 MRTT
Australie Boeing 707 Sept Airbus A330 MRTT
Brésil Deux C-130 équipés pour le ravitaillement Trois 767

KC-390

Chine 10 Xian H-6 (anciens bombardiers stratégique) 8 Iliouchine Il-78
Colombie Un 767
Corée du Sud Quatre Airbus A330 MRTT[4]
Chili Trois KC-135E
Émirats arabes unis Trois Airbus A330 MRTT Trois Airbus A330 MRTT
Iran Deux Boeing 747

Deux Boeing 707

Israël Sept ou huit Boeing 707 civils reconvertis
Japon Quatre 767
Maroc Deux Lockheed KC-130 Hercules
Qatar Deux Airbus A330 MRTT[5]
Russie Miassichtchev M-4

Tupolev Tu-16

Iliouchine Il-78 (dérivé de l'Iliouchine Il-76) Iliouchine Il-96
Singapour Quatre KC-135R Six Airbus A330 MRTT
Venezuela : un Boeing 707

Les KC-135 de Singapour et du Chili sont des appareils américains rachetés d'occasion.

Le marché actuel

Boeing

Boeing s'appuie sur son importante expérience dans le domaine (le KC-135 est généralement considéré comme le ravitailleur le plus réussi jamais produit).

  • Un ravitailleur basé sur 777 est envisagé comme solution alternative, beaucoup plus lourde qui, en 2021, n'a pas été concrétisé.

Airbus

Airbus est parvenu récemment à s'imposer comme une alternative crédible. Son produit phare s'appelle le MRTT : MultiRole Tanker Transporter.

Il s'agit d'une modification d'Airbus à large fuselage (A310 ou A330). L'avion se veut polyvalent : plutôt que d'acheter des ravitailleurs purs, qui servent très peu lorsqu'aucune opération militaire n'est en cours, la plupart des armées de l'air préfèrent des avions pouvant aussi servir au transport stratégique, aux voyages officiels, à l'évacuation sanitaire (rapatrier des blessés après un accident ou un attentat à l'étranger), etc.

Le Boeing 767 possède une telle polyvalence, mais les Airbus ont l'avantage d'un fuselage plus large.

Iliouchine

Iliouchine produit une version ravitailleur de l'Il-76, l'Il-78. Bien que la conception de la cellule soit ancienne, cet avion est maintenant disponible avec des moteurs modernes et a des performances honorables. L'Algérie, l'Inde et la Chine en utilisent et ont récemment [Quand ?]acquis de nouveaux exemplaires.

En outre, l'Il-96, un appareil commercial à peu près comparable à l'A340, est désormais proposé en version ravitailleur. Deux exemplaires ont été commandés par l'armée de l'air russe en 2015 puis cela est annulée en 2018. L'avion ne trouvant plus de client civil, cette commande a été interprétée comme un moyen pour la Russie de maintenir la ligne de production en activité[7].

Une alternative : recycler et convertir des avions civils

Des pays pourraient choisir de ne s'adresser à aucun de ces constructeurs, et plutôt de faire transformer des avions de lignes d'occasion par de tierces compagnies. Des compagnies de sous-traitances aéronautiques peuvent en effet convertir en ravitailleurs des moyen- ou gros-porteurs existants. Israel Aircraft Industries s'en est fait une spécialité. Les inconvénients de cette solution sont que les avions ont déjà beaucoup d'heures de vol, et ne serviront donc pas aussi longtemps, et qu'ils consomment plus de carburant que les nouveaux appareils. Ainsi, lorsque la Pologne, les Pays-Bas et la Norvège ont émis en 2014 un appel d'offres conjoint pour quatre ravitailleurs, une troisième offre (à côté de celle victorieuse d'Airbus et de celle de Boeing) venait d'Israel Aircraft Industries et proposait de convertir des Boeing 767 d'occasion[8]. On retrouve ces trois mêmes candidatures pour le contrat sud-coréen de 2015, remporté par Airbus [9]. Le 767 en service comme ravitailleur en Colombie a été aussi modifié par IAI.

Notes et références

Voir aussi

  • Portail de l’aéronautique
  • Portail de l’histoire militaire
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