Architecture néo-byzantine

L’architecture néo-byzantine est un style architectural de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Elle fut employée notamment dans les édifices publics et religieux. L’architecture néo-byzantine intègre des éléments de l’architecture byzantine associés à des éléments empruntés à l’architecture chrétienne médiévale de l’Europe de l'Est, notamment orthodoxe, telle qu’elle s’est développée à Constantinople (aujourd’hui Istanbul) et dans l’Exarchat de Ravenne, ainsi que, plus généralement, dans l’Empire byzantin entre les Ve et XIe siècles. Émergeant dans les années 1840 en Europe de l’Ouest, elle connut son apogée dans les dernières décennies du XIXe siècle dans l’Empire russe et, par la suite, en Bulgarie et dans l’ex-Yougoslavie de l’entre-deux guerres.

La cathédrale de l'Ascension de Sophia à Pouchkine, près de Saint-Petersbourg, « premier exemple du style byzantin dans l’architecture russe »[1].
La cathédrale Saint-Clément d'Ohrid à Skopje en Macédoine du Nord, adaptation moderne du style néo-byzantin.

Ce style se caractérise par l’emploi d’arcades et de voûtes en plein-cintre et de dômes ; il recourt à la brique, au stuc et, dans la décoration, à la mosaïque.

Bref historique

Le style néo-byzantin s’est d’abord développé dans l’Empire russe et en Europe de l'Est. Un des premiers exemples fut la cathédrale de Sophia (près de Saint-Pétersbourg), qui date de 1782, un des plus classiques est la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski à Sofia (Bulgarie) construite en 1882, et parmi les plus récents on compte la Cathédrale Saint-Clément d'Ohrid à Skopje en Macédoine du Nord qui date de 1990, et la cathédrale du Christ-Sauveur de Kaliningrad, inaugurée en 2006. En Russie impériale, ce style a été popularisé par l’architecte Constantin Thon, qui y mêlait des éléments néoclassiques et des éléments de l’architecture russe traditionnelle. À Belgrade, en Serbie, le style néo-byzantin s’est prolongé dans les premières décennies du XXe siècle, avec l’église Saint-Marc, construite de 1931 à 1940 par Petar et Branko Krstić ou encore l’église Saint-Sava commencée en 1935 sur des plans de l’architecte Aleksandar Deroko[2]. Dans ces pays, l’architecture néo-byzantine est considérée comme vernaculaire[N 1],[3].

De 1850 à 1880, à Bristol s’est développé un style connu sous le nom de Bristol Byzantine (en) qui fut fréquemment employé dans les bâtiments industriels et mêlait des éléments d’architecture byzantine et des éléments d’architecture mauresque[4].

Aux États-Unis, l’architecture néo-byzantine est présente dans plusieurs bâtiments du campus de l'université Rice au Texas inaugurée en 1912, à l'église Saint-François-de-Sales de Philadelphie et à la basilique du sanctuaire national de l'Immaculée Conception construite entre 1920 et 1959 à Washington D.C.. Au début des années 1980, le célèbre architecte américain Philip Johnson a conçu une annexe post-moderniste au Cleveland Play House (en); ce bâtiment reflète des influences byzantines.

En France, la cathédrale de la Major de Marseille est caractéristique de ce style tout comme la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde, toutes deux construites par Henri Espérandieu. À Paris, la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (1923) s’inspire en bonne partie du style byzantin, comme de nombreuses églises bâties à la même époque (église du Saint-Esprit, église du Sacré-Cœur de Gentilly…).

Dans l’Empire russe

La cathédrale du Christ-Sauveur, construite à Moscou entre 1839 et 1860 par Constantin Thon, dynamitée en 1931, reconstruite entre 1995 et 2000.

La cathédrale Sainte-Sophie ou de l’Ascension (1782-1788) à Tsarskoïe Selo (en russe : Софийский собор) est la première tentative de traiter des structures néo-classiques dans un style byzantin[1]. Dans les années 1830, le tsar Nicolas Ier (1825-1855), bien qu’il ne l’appréciât pas à titre personnel, mit à la mode le style « russo-byzantin » de Constantin Thon[N 2]. De fait, son style n’aura que peu à voir avec le style byzantin. Thon remplacera le plus souvent l’arc byzantin circulaire par un gable en forme de quille et le dôme hémisphérique byzantin par un dôme à bulbe; le plan d’ensemble et la structure de ses églises appartiennent définitivement au style néo-classique.

Son successeur, Alexandre II (1855-1881) fit adopter l’art byzantin traditionnel, tel qu’illustré en peinture par Grigori Gagarine (1810-1893) et en architecture par David Grimm (1823-1898), comme style de facto, sinon officiel, de l’Église orthodoxe russe. L’architecture byzantine devint un symbole de l’expansion de l’Église orthodoxe aux confins de l’empire (Pologne [Royaume du Congrès], Crimée, Caucase). Toutefois des difficultés financières firent en sorte que peu d’églises furent complétées. Officiellement Alexandre III ( 1881-1894) opta plutôt pour le style néo-russe s’inspirant des traditions de Moscou et de Yaroslavl aux XVIe siècle et XVIIe siècle; toutefois l’architecture byzantine demeura le premier choix, en particulier pour les grandes cathédrales. On vit surgir ces cathédrales néo-byzantines surtout dans les provinces orientales de l’empire (Pologne, Lituanie), près des bases militaires du Caucase et de l’Asie centrale ou des détachements cosaques, ainsi que dans la région industrielle de l’Oural près de Perm. Les architectes David Grimm et Vassili Kossiakov conçurent un style national typique de la cathédrale byzantine à dôme unique avec quatre absides symétriques sur pendentifs qui s’imposa comme le modèle des années 1880 et 1890. Sous le dernier empereur, Nicolas II (1894-1917), on assiste à un retour aux traditions issues de Sainte-Sophie, les meilleurs exemples étant ceux de la cathédrale navale de Kronstadt[5] et la cathédrale de Ponti (Géorgie). Elles utilisaient la technique du béton armé permettant une construction beaucoup plus rapide. Si leurs intérieurs contiennent des éléments appartenant à l’Art nouveau, leur extérieur fait nettement référence à l’ancienne Constantinople. La Révolution de 1917 devait mettre un terme à la tradition néo-byzantine en Russie, mais se poursuivit grâce à des architectes émigrés en Yougoslavie et à Harbin (Mandchourie) où vivaient des émigrés russes.

En Russie

Dans les pays avoisinants, jadis russes

Autres pays à majorité orthodoxe

Il existe dans la péninsule des Balkans de nombreuses églises néo-byzantines comme celle de Saint-Georges de Topola en Serbie, commandée en 1909 par la dynastie Karađorđević pour servir de nécropole à la famille royale serbe[6]. L’arrivée de nombre d’artistes réfugiés de Russie après la Révolution d’Octobre fit en sorte que de nombreux édifices publics gouvernementaux de Belgrade furent conçus par d’éminents architectes russes. Le roi Alexandre Ier (r. 1921-1934) encouragea le mouvement néo-byzantin [7]. Les principaux architectes de l’époque furent Aleksander Deroko, Momir Korunović, Branko Kristić, Grigorijji Samojlov et Nikola Krasnov; leurs œuvres les plus remarquables furent le complexe royal du quartier Dedinje de Belgrade, l’église Saint-Sava de Belgrade et celle de Saint-Marc, également à Belgrade. Lorsque se termina la période communiste, Mihailo Mitrović et Nebojša Popović se firent les défenseurs de nouvelles tendances en architecture sacrée, empruntant de nombreux exemples à la tradition byzantine[8].

Dans les pays germaniques

Parmi les premiers exemples d’architecture byzantino-romane, on peut citer l’église Saint-Alexandre-Nevsky de Potsdam près de Berlin due à l’architecte russe Vassili Stassov et l’Abbaye Saint-Boniface de Munich fondée en 1835 par le roi Louis Ier de Bavière (r. 1825-1848) et complétée en 1835. Le plan architectural de l’église suit les règles de l’architecture ayant cours à Ravenne au VIe siècle bien que l’ordre corinthien soit en opposition avec la tradition historique byzantine. En 1876, Louis II de Bavière (r. 1845-1886) commanda des fresques néo-byzantines pour l’intérieur de son château de Neuschwanstein [9], y compris des mosaïques de Justinien Ier et de saints grecs.

Dans les années 1850, l’architecte danois Theophil Hansen s’intéressa à ce style. Bien que ses œuvres majeures appartiennent aux styles néo-grec et néo-Renaissance, il devait, en tant que professeur d’art byzantin à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, former une génération d’architectes qui rendirent populaire l’architecture néo-byzantine en Autriche et en Hongrie, en Serbie et dans la Yougoslavie de l’après-guerre. Parmi ses propres œuvres appartenant au style néo-byzantin figurent le Musée d'histoire militaire de Vienne (avec Ludwig Forster, 1852-1858), l’église grecque orthodoxe de la Sainte-Trinité de Vienne (1856-1858) et l’église du Christ de Matzleindorf, à Vienne (1858-1860).

Nombre d’églises de style néo-byzantin furent construites pendant le Gründerzeit, période des premières années qui suivirent la formation de l'Empire allemand en 1871, comme l’Église du Sacré-Cœur de Berlin-Prenzlauer Berg et la basilique du Rosaire, également située à Berlin.

En Grande-Bretagne et en Irlande

On doit à John Francis Bentley (1839-1902) la cathédrale de Westminster (1895-1903) de Londres[N 3] l’exemple le plus important de ce style en Grande-Bretagne. Il existe toutefois nombre d’autres églises et édifices séculiers tels que l’église du Christ de Brixton Road, également à Londres de l’architecte Arthur Beresford Pite (1897-1903), ainsi que l’église Sainte-Marie-et-Saint Georges de High Wycombe (1935-1938). Entre les années 1850 et 1880 se développa à Bristol un style connu sous le nom de « style byzantin de Bristol »[10] combinant dans des édifices industriels des éléments de l’architecture néo-byzantine et mauresque. L’église de l’Université Newman de Dublin (1885-1886) en fournit un bon exemple pour l’Irlande.

En France

En France, la cathédrale de la Major de Marseille est caractéristique de ce style tout comme la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, toutes deux construites par Henri Espérandieu[11]. À Paris, la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (1923)[12] s'inspire en bonne partie du style byzantin, comme de nombreuses églises bâties à la même époque (église du Saint-Esprit, église du Sacré-Cœur de Gentilly, église Saint-Chrysole de Comines, etc.).

Ailleurs en Europe

En Amérique

Au Brésil, la cathédrale métropolitaine orthodoxe de São Paulo érigée à partir de 1940 sur le modèle d’Hagia Sophia et terminée en 1954 dans le cadre du 400e anniversaire de la ville est le siège de l'archidiocèse orthodoxe antiochien de São Paulo et de tout le Brésil[13].

Aux États-Unis, on retrouve des influences néo-byzantines dans nombre d’édifices dont l’architecture constitue souvent un amalgame vernaculaire de styles médiévaux romans et gothiques ou encore dans des renouveaux du « style des missions » et du « style colonial espagnol ». L’architecture néo-byzantine est présente par exemple dans plusieurs bâtiments du campus de l’université Rice au Texas, à l’église Saint-François-de-Sales de Philadelphie[14], à la basilique du sanctuaire national de l’Immaculée Conception construite entre 1920 et 1959 à Washington D.C.[15] ou à la cathédrale basilique de Saint-Louis au Missouri. La Christ Church United Methodist de New York est un bon exemple de l’amalgame des styles néo-gothique et néo-byzantin[16].

Synagogues

Un certain nombre de synagogues sont également construites en style néo-byzantin, les architectes se souvenant qu'à Constantinople et dans l'empire romain d'Orient, elles avaient eu pignon sur rue[17].

Usages laïcs

Bibliographie

  • (en) Anonyme. “Bristol Byzantine” (in) Looking at Buildings. [en ligne] https://web.archive.org/web/20070927234936/http://www.lookingatbuildings.org.uk/default.asp?Document=3.C.1.6. Recherche 2020.11.02.
  • (en) Anonyme. “Christ Church, United Methodist”. [en ligne] https://web.archive.org/web/20160314083356/http://www.nycago.org/Organs/NYC/html/ChristMethodist.html. NYCAGO.org, 2016. Recherche 2020.11.02.
  • (en) Anonyme. “Dagit, Henry Dandurand (1865-1929) architect” (in) Philadelphia Architects and Buildings. [en ligne] https://www.philadelphiabuildings.org/pab/app/ar_display.cfm/23729. Recherche 2020.11.02.
  • (en) Anonyme. “The Basilica of the National Shrine of the Immaculate Conception”. [en ligne] https://www.nationalshrine.org/wp-content/uploads/2018/11/BNSIC-Architectural-Details-of-the-Basilica.pdf. Recherche 2020.11.02.
  • (es) Abdeluahed, Akmir. Los árabes en América Latina: Historia de una emigración . Siglo XXI de España Editores, 2009. (ISBN 978-84-323-1419-3). Retrieved 30 August 2012.
  • (en) Brumfield, William. « The Kronstadt Cathedral: Byzantine monument to Russia’s navy », Russia Beyond the Headlines, 9 août 2013 (lire en ligne [archive], consulté le 19 août 2020).
  • (fr) Cormier, Bernard. Les églises du centre historique de Marseille. Esquisses monographiques des principales églises du Centre-ville pour servir de guide de visite. Ed. Archives de l'Archevêché de Marseille, 2001.
  • (en) Cross, Anthony. By the Banks of the Neva. Cambridge University Press, 1996. (ISBN 0-521-55293-1).
  • (fr) Desing, Julius. Le château royal de Neuschwanstein : Le roi et son château, D-86983 Lechbruck, Wilhelm Kienberger GmbH, 2001, 83 p. (ISBN 978-3-933638-28-1) .
  • (en) Kadijević, Aleksandar. “Between Artistic Nostalgia and Civilisational Utopia: Byzantine Reminiscences” (in) Serbian Architecture of the 20th Century. Lidija Merenik, Vladimir Simić, Igor Borozan (Hrsg.) 2016: IMAGINING THE PAST THE RECEPTION OF THE MIDDLE AGES IN SERBIAN ART FROM THE 18TH TO THE 21ST CENTURY. Ljubomir Maksimović & Jelena Trivan (Hrsg.) 2016: BYZANTINE HERITAGE AND SERBIAN ART I–III. The Serbian National Committee of Byzantine Studies, P.E. Službeni glasnik, Institute for Byzantine Studies, Serbian Academy of Sciences and Arts. Hier S. 177 (Academia:PDF)
  • (en) Kadijević, Aleksandar. "Byzantine architecture as inspiration for serbian new age architects". Katalog der SANU anlässlich des Byzantinologischen Weltkongresses 2016 und der Begleitausstellung in der Galerie der Wissenschaften und Technik in der Serbischen Akademie der Wissenschaften und Künste. Serbian Committee for Byzantine Studies, Belgrade 2016, (ISBN 978-86-7025-694-1).
  • (en) Read, Al. The Granary Club: The Rock Years 1969-1988. Broadcast Books, 2003. p. 8–9. (ISBN 1-874092-82-6).
  • (fr) Saint-Paul, Anthyme. « L'église du Vœu-National à Montmartre », (dans) Bulletin monumental, 1874, tome 40, [en ligne] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k31059g/f676.item.
  • (ru) Saveliev, Youri. Le style byzantin dans l'architecture russe. Saint-Pétersbourg, 2005.

Notes et références

Notes

  1. Type d'architecture communément répandu dans un pays, un territoire ou une aire donnés à une époque donnée. Ainsi l’église Saint-Marc de Belgrade s’inspire de celle du monastère de Gračanica (XIVe siècle)
  2. « Je ne supporte pas ce style déclara l'empereur à l'architecte Ivan Strom, coauteur de la cathédrale Saint-Vladimir de Kiev, mais contrairement à d'autres je l'autorise ». Cité par Saveliev (2005) p. 212
  3. À ne pas confondre avec l'abbaye de Westminster, toute proche

Références

  1. Cross (1996) p. 292
  2. Zoran Manević, Architecture et édifices à Belgrade
  3. Church Architecture Site officiel de la ville de Belgrade
  4. « Bristol Byzantine » (2004)
  5. (en) Brumfield, « The Kronstadt Cathedral: Byzantine monument to Russia’s navy »(2013)
  6. Kadjević (2016) p. 87
  7. Kadjević (2016) p. 62
  8. Kadjević (2016) p. 177
  9. Desing (2001)
  10. Read (2004) pp. 8-9
  11. Cormier (2001) pp. 7-9
  12. Saint-Paul (1874) pp.  618-632
  13. Abdeluahed (2009) p. 249
  14. Dagit, Henry Dandurand (1865-1929) architect (2020)
  15. « The Basilica of the National Shrine of the Immaculate Conception »
  16. « Christ Church United Methodist »
  17. Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs, Paris, A. & J. Picard, , 231 p. (ISBN 978-2-7084-0842-5, LCCN 2009479675)

Voir aussi

Liens internes

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