Archimédien

À l'origine, l'énoncé de l'axiome d'Archimède est le suivant : « Pour deux grandeurs inégales, il existe toujours un multiple entier de la plus petite, supérieur à la plus grande. »

Une structure est dite archimédienne si ses éléments vérifient une propriété comparable.

Groupe

Un groupe totalement ordonné (G, +, ≤) est dit archimédien (en) si pour tous éléments a et b de G vérifiant 0 < a < b, il existe un entier naturel n tel que na > b.

Formellement, cela s'écrit :

L'hypothèse a > 0 est primordiale mais la restriction aux b > a est accessoire : si a > 0 alors pour tous les ba, l'entier n = 2 convient.

Tout groupe totalement ordonné archimédien se plonge dans (, +, ≤)[1] — en particulier, il est abélien[2].

Anneau

Soit (A, +, ×, ≤) un anneau totalement ordonné.

On dit que (A, +, ×, ≤) vérifie l'axiome d'Archimède ou est archimédien si le groupe ordonné (A, +, ≤) est archimédien.

Corps

Soit (K, +, ×, ≤) un corps totalement ordonné (cas particulier d'anneau totalement ordonné). Une division par a > 0 montre qu'il est archimédien si et seulement si

autrement dit si ℕ n'est pas majoré. Un tel corps est isomorphe (en tant que corps ordonné) à un sous-corps de celui des réels[3].

Plus précisément, on peut montrer[4] que les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1. K est archimédien.
  2. Le corps ℚ des rationnels est dense dans K.
  3. La suite (1/n) converge vers 0 (pour la topologie de l'ordre).
  4. La suite (1/n) converge.
  5. K se plonge dans le corps ℝ des réels, c'est-à-dire est isomorphe (en tant que corps ordonné) à un sous-corps de ℝ.
  6. Si (A, B) est une coupure de K, alors pour tout ε > 0, il existe a élément de A, et b élément de B, tel que b – a < ε.
  7. Toute suite croissante et majorée est de Cauchy.

Remarques

Cet axiome intervient également comme l'axiome IV,1 du « groupe IV de continuité » dans l'axiomatique de la géométrie euclidienne proposée par Hilbert en 1899. Hilbert montre par exemple que la preuve de l'égalité des aires entre deux parallélogrammes de même base et de même hauteur utilise nécessairement l'axiome d'Archimède.

Hilbert montre également que, dans un corps, si on ne suppose pas la multiplication commutative, alors nécessairement, cette commutativité du produit découle du caractère archimédien du corps. Pour montrer que ab = ba, l'idée est de prendre un élément d arbitrairement petit, et d'utiliser le caractère archimédien du corps pour encadrer a entre nd et (n + 1)d et encadrer b entre md et (m + 1)d, pour deux entiers m et n. On utilise cet encadrement pour en déduire un encadrement arbitrairement petit de ab–ba et conclure que cette différence est nulle.

Comme tout corps archimédien, le corps des réels vérifie la « propriété d'Archimède multiplicative »[5] : pour tout réel M et tout réel y > 1, il existe un entier naturel n tel que ynM (cette propriété est démontrée dans l'article « Suite géométrique »).

Exemples

Exemple 1

(ℚ, +, ×, ≤) et (ℝ, +, × ,≤) sont des corps archimédiens. Pour ℚ c'est immédiat ; pour ℝ, cela fait partie des axiomes ou s'en déduit, selon l'axiomatique choisie : cf. « Construction des nombres réels ».

Exemple 2

Voici un exemple d'anneau non archimédien[6]. Considérons l'anneau ℝ[X] des polynômes sur ℝ. Nous dirons que R > 0 si et seulement si R est non nul et son coefficient dominant est positif, et que P ≤ Q si et seulement si P = Q ou Q − P > 0.

Alors (ℝ[X], +, ×, ≤) est un anneau totalement ordonné, mais qui n'est pas archimédien.

En effet, pour tout entier n, on a X > n. Dans cet anneau ordonné, X est un « infiniment grand ».

Le prolongement canonique de cet ordre au corps des fractions[7] de ℝ[X] est donc un ordre total non archimédien sur ℝ(X), dans lequel 1/X est un « infiniment petit ».

Exemple 3

Considérons le groupe muni de l'ordre lexicographique. Alors ce groupe est non archimédien[8],[9]. Pour tout entier n strictement positif, on a en effet :

0 < n(0, 1) = (0, n) < (1, 0).

Notes et références

  1. (en) Andrew M. W. Glass, Partially Ordered Groups, World Scientific, (lire en ligne), p. 56, théorème de Hölder.
  2. Glass 1999, p. 55.
  3. Voir par exemple N. Bourbaki, Éléments de mathématique - Algèbre VI - 7. Corps et groupes ordonnés - §2- ex. 26 ou Saunders Mac Lane et Garrett Birkhoff, Algèbre [détail des éditions], T1 - V - 5 Le corps des réels - ex. 12. Une remarque dans l'article Construction des nombres réels l'explique aussi.
  4. (en) Holger Teismann, « Toward a More Complete List of Completeness Axioms », Amer. Math. Monthly, vol. 120, no 2, (DOI 10.4169/amer.math.monthly.120.02.099).
  5. Jean-Pierre Ramis, André Warusfel et al., Mathématiques : Tout-en-un pour la Licence - Niveau L1, Dunod, coll. « Sciences Sup », , 2e éd. (1re éd. 2006) (lire en ligne), p. 526, proposition 8.
  6. (en) Serge Lang, Algebra, Addison-Wesley, , 6e éd., p. 272.
  7. (en) P. M. Cohn, Basic Algebra : Groups, Rings and Fields, Springer, (lire en ligne), p. 274, th. 8.6.2.
  8. A. Bouvier, M. George et F. Le Lionnais, Dictionnaire des mathématiques, PUF, , p. 57.
  9. Il se plonge dans ℝ[X] muni de l'ordre précédent, par l'application (p, q) ↦ pX + q.

Voir aussi

Bibliographie

David Hilbert, Les Fondements de la géométrie, Dunod, Paris 1971 ou Gabay, 1997

Articles connexes

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