Approche écosystémique

L'approche écosystémique ou approche par écosystème est une méthode de gestion où les terres, l'eau et les ressources vivantes sont intégrées pour favoriser la conservation et l'utilisation durable et soutenable des ressources naturelles, afin de respecter les interactions dans les écosystèmes dont l'être humain dépend[1]. En résumé, toutes les parties d'un écosystème sont liées, il faut donc tenir compte de chacune d'entre elles.

Zone humide de la Floride, États-Unis

À Nagoya en , lors de la Conférence des nations unies sur la diversité biologique réunie en Sommet mondial (réunion qui était aussi la dixième Convention sur la diversité biologique des Nations unies), une « approche écosystémique coordonnée » a été présentée et promue comme un outil transversal et nécessaire. Ce processus de généralisation de l'approche écosystémique a pris la forme d'expositions, de conférences et d'ateliers de travail : sur le rôle des aires protégées, les communautés autochtones et locales, l'eau, l'économie des services écosystémiques et de la biodiversité, les changements climatiques, la perte de la biodiversité, la désertification et l'érosion et la dégradation des terres, ainsi que le financement des moyens d'action[2].

Domaines d'utilisation

Cette approche est surtout utilisée en gestion des forêts[3], des pêches[4],[5], en gestion agricole[6] et en recherche environnementale[7].

Douze principes de gestion

Lors de la 5e rencontre des Parties de la Convention sur la diversité biologique (CDB), en 2000, 12 principes de gestion ont été adoptés afin d'assurer une approche qui respecte l'esprit de l'approche écosystémique[8]. Ces 12 principes développés lors de la réunion d'expert au Malawi qui a eu lieu en 1998, sont communément appelés les « Principes de Malawi »[9]. Ceux-ci sont définis sur le site de la Convention sur la diversité biologique comme suit :

« Principe 1 : les objectifs de gestion des terres, des eaux et des ressources vivantes sont un choix de société.

Principe 2 : la gestion devrait être décentralisée et ramenée le plus près possible de la base.

Principe 3 : les gestionnaires d'écosystèmes devraient considérer les effets (réels ou potentiels) de leurs activités sur les écosystèmes adjacents ou autres.

Principe 4 : compte tenu des avantages potentiels de la gestion, il convient de comprendre l'écosystème dans un contexte économique. Tout programme de gestion d'écosystème devrait :

  • réduire les distorsions du marché qui ont des effets néfastes sur la diversité biologique ;
  • harmoniser les mesures d'incitation pour favoriser la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique ;
  • intégrer dans la mesure du possible les coûts et les avantages à l'intérieur de l'écosystème géré.

Principe 5 : conserver la structure et la dynamique de l'écosystème, pour préserver les services qu'il assure, devrait être un objectif prioritaire de l'approche systémique.

Principe 6 : la gestion des écosystèmes doit se faire à l'intérieur des limites de leur dynamique.

Principe 7 : l'approche par écosystème ne devrait être appliquée que selon les échelles appropriées.

Principe 8 : compte tenu des échelles temporelles et des décalages variables qui caractérisent les processus écologiques, la gestion des écosystèmes doit se fixer des objectifs à long terme.

Principe 9 : la gestion doit admettre que le changement est inévitable.

Principe 10 : l'approche par écosystème devrait rechercher l'équilibre approprié entre la conservation et l'utilisation de la diversité biologique.

Principe 11 : l'approche par écosystème devrait considérer toutes les formes d'information pertinentes, y compris l'information scientifique (sciences du vivant et sciences humaines) et autochtone, de même que les connaissances, les innovations et les pratiques locales (étudiées en ethnologie).

Principe 12 : l'approche par écosystème devrait impliquer tous les secteurs sociaux et toutes les disciplines scientifiques concernées. »[8]

Gestion de la pêche

Accords internationaux

Quelques poissons commerciaux

En 1980 à Canberra en Australie se tient la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR). Cet accord sera adopté en 1982[10], officialisant ainsi le premier accord International à se fonder sur une approche écosystémique des pêches[11].

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a adopté le le Code de conduite FAO pour une pêche responsable « en vue d'assurer effectivement la conservation, la gestion et le développement des ressources bioaquatiques, dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité. »[12] Ce code de conduite servira de base pour la gestion des pêches fondée sur les écosystèmes (EBFM) ou (EBM)[13] aussi souvent référé en français par approche écosystémique pour la gestion des pêches (AEP)[14]

Gestion des pêches fondée sur les écosystèmes

La gestion des pêches fondée sur les écosystèmes (EBFM) ou (EBM), telle que promue par la FAO et l'Europe[15],[16] est une approche qui intègre les principes de gestion de l'approche écosystémique, mais en considérant les frontières écologiques et non seulement politiques. Elle tient aussi compte de la réponse des écosystèmes face aux perturbations environnementales. De plus, l'une de ses principales considérations est de conserver l'intégrité de l'écosystème maritime et côtier, afin d'assurer sa pérennité, dont dépend l'être humain[17].

L'approche traditionnelle pour la pêche, principalement fondé sur le rendement équilibré maximal qui tend, en priorisant la maximisation de la rentabilité des espèces, à la surpêche[18], propose de surveiller presque uniquement les réserves de chaque espèces commercialisables en tant que réserves indépendantes[19]. Cependant les espèces sont interdépendantes entre elles et avec l'ensemble de leur écosystème. Ne pas en tenir compte aggrave les impacts déjà important de la surpêche sur la partie de la sécurité alimentaire et de l'économie dépendante des activités de pêches dans le monde[20].
En Europe, 9 types d'habitats prioritaires au regard de Natura 2000 doivent ainsi être pris en compte et protégés, dont dans l'intérêt de la pêche durable (bancs de sable subtidaux ; estuaires; replats sableux et boueux intertidaux ; lagunes côtières ; grandes criques et baies d’eaux peu profondes ; récifs ; herbiers de posidonies ; structures sous-marines constituées par des flux de gaz ; grottes marines submergées ou partiellement submergée[16]).

Gestion des forêts

Les séquoias géants sont renforcés par certains feux de forêts qui les débarrassent des espèces compétitrices

L'approche écosystémique appliqué à la foresterie tient compte de la diversité des espèces végétale et animale d'une forêt, des communautés dépendantes des ressources forestières ainsi que des désastre naturels (surtout les feux et les inondations) qui sont assez fréquent pour être considéré comme faisant partie de l'écosystème d'une forêt.

Dans la nouvelle politique d'aménagement des forêts oubliques, le gouvernement du Québec a ainsi défini l'aménagement écosystémique: un aménagement qui consiste à assurer le maintien de la biodiversité et la viabilité des écosystèmes en diminuant les écarts entre la forêt aménagée et la forêt naturelle[21].

En plus des contrainte économiques et légales, elle peut aussi tenir compte de l'âge des arbres d'une forêt par rapport à la vitesse et la méthode de coupe[22].

Agriculture

Il existe déjà quelques gestions écosystémiques de l'agriculture, à l'image de la culture de la spiruline (méthanisation et production d'énergie).

Recherche environnementale

Approches écosystémiques de la santé

Plusieurs approches écosystémiques de la santé ont émergé selon différents champs d’expertise, ayant en commun les relations entre la santé des humains, des animaux et des écosystèmes.

Pollution de l'eau

L'approche écosystémique de la santé humaine, dans laquelle s'intègre la médecine sociale, touche les impacts des activités humaines ou des transformations naturelles de l'environnement sur leur écosystème et les répercussions qui s'ensuivent sur leur santé[23].

Les recherches notables dans le domaine touchent principalement les contaminant et le processus de leur consommation dans l'alimentation humaine; la gestion des ressources naturelles et la protection des écosystèmes; l'habitat humain; ainsi que les pesticides en agriculture. Plusieurs sujets touchant ces grandes catégories ont été abordés lors du Forum international sur les approches écosystèmes et santé humaine qui s'est tenu à Montréal du 18 au [24].

L'approche de la santé environnementale au travail se penche sur les impacts sur la santé des risques environnementaux et au travail[25].

L’initiative One health « Une seule santé » étudie les liens entre la santé animale et humaine, notamment pour prévenir les zoonoses et les maladies infectieuses[26].

En santé publique, les déterminants écologiques de la santé sont des facteurs en lien avec les écosystèmes qui influencent la santé des humains[27].

L’approche Écohealth « Écosanté » reconnaît l’interdépendance de la santé humaine, de la santé animale et de la santé des écosystèmes, en se guidant par 5 principes selon Charron (2011) : la transdisciplinarité, la pensée systémique, la recherche participative, la durabilité, l’équité sociale et de genre et le passage de la connaissance à l’action[28].

Des chevauchements existent entre ces approches, surtout l’importance de la complexité des systèmes et des interrelations entre la santé des humains, des animaux et des écosystèmes[29]. Un appel à la convergence des différentes approches permettrait une meilleure collaboration en recherche, mais nécessiterait un travail sur les différences épistémologiques et théoriques[30].

Notes et références

  1. (fr) (en) Environnement Canada (Réseau canadien d'information sur la biodiversité), « Approche Écosystémique », sur cbin.ec.gc.ca (consulté le )
  2. Laura Baroni, UICN, pour l'IEPF Un plan d’action conjoint pour les trois Conventions de Rio ?, sur le site de Médiaterre (2010/10/21), consulté 2010/10/22
  3. (fr + en + es) Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, « MRNF-L'aménagement écosystémique : au cœur de la gestion des forêts », sur mrnf.gouv.qc.ca (consulté le )
  4. (fr + en + es) FAO, « AMÉNAGEMENT DES PÊCHES 2. L’approche écosystémique des pêches », sur fao.org, (consulté le )
  5. (fr) Programme des Nations unies pour l'environnement - Plan d'action pour la Méditerranée, « Pam MedOndes, no 58 », sur wedocs.unep.org (consulté le )
  6. (fr) Commission des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, « L’approche par écosystème appliquée à l'alimentation et à l'agriculture: situation actuelle et besoin. », FAO (consulté le )
  7. (fr) Collaborative Mercury Research Network, « Le Mercure: de l'environnement vers l'humain - Études de cas », Université du Québec à Montréal (consulté le )
  8. (fr + en + es) COP 5, « COP 5 Décision V/6 », sur cbd.int (consulté le )
  9. (en) FAO, « Annex 1: Malawi Principles for Ecosystem Approach », sur fao.org (consulté le )
  10. (en) Département des affaires étrangères de l'Australie., « Convention on the Conservation of Antarctic Marine Living Resources », No 9, Australasian Legal Information Institute, (consulté le )
  11. (fr) Commission européenne, « Commission européenne -Pêche- Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR) », sur ec.europa.eu (consulté le )
  12. (fr + en + es) FAO, « Code de conduite FAO pour une pêche responsable (1995) (en cache google) », sur webcache.googleusercontent.com (consulté le )
  13. (en) Ecosystem-based fisheries management: An Australian perspective 2005 P. 262
  14. (fr) (en) (es) Renforcement des capacités pour une approche écosystémique face aux interactions, y compris avec les mammifères marins FAO
  15. Guidance on the Application of the Ecosystem Approach to Management of Human Activities in the European Marine Environment [Lignes directrices sur l’application de l’approche écosystémique de la gestion des activités humaines dans le milieu marin européen], rapport de recherches collectives du CIEM n° 273, 2005, 22 p.
  16. Fiche technique Approche écosystémique de la pêche
  17. (en) Outils EBM
  18. (en) M.N. Maunder et Brian Fath (trad. de l'indonésien), Encyclopedia of Ecology, Oxford, Academic Press, , 1re éd., 3120 p. (ISBN 978-0-08-045405-4, notice BnF no FRBNF44627991, lire en ligne), « Maximum Sustainable Yield », p. 2292-2296
  19. (fr) Approche Écosystémique des Pêches : De l’utilisation d’indicateurs à la simulation théorique ; vers un modèle couplé écologie/économie appliqué au Finistère CHASSOT, Emmanuel 2005 P. 13
  20. (fr) (en) Conséquences mondiales de la surpêche, Pêches et Océans Canada
  21. « Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier », sur www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca (consulté le )
  22. (fr) Sylvie Gauthier, Marie-Andrée Vaillancourt, Alain Leduc, Louis De Grandpré, Daniel Kneeshaw, Hubert Morin, Pierre Drapeau et Yves Bergeron, Aménagement écosystémique en forêt boréale, Québec (Québec, Canada), Presses de l'Université du Québec, , 600 p. (ISBN 978-2-7605-1525-3, notice BnF no FRBNF41307306, lire en ligne), p. 534
  23. (fr) Michel Guérin, Pierre Gosselin, Sylvaine Cordier, Claude Viau, Philippe Quénel et Éric Dewailly, Environnement et santé publique : Fondements et pratiques, Acton Vale (Québec, Canada) et Paris (France), Edisem et Éditions Tec&Doc, , 1 022 p. (ISBN 978-2-7430-0603-7, lire en ligne), p. 594
  24. (fr + en) CRDI, « Forum international sur les approches écosystèmes et santé humaine », sur idrc.ca (consulté le )
  25. Graham A. Tobin, « Climate change and US water resourcesedited by Paul E. Waggoner John Wiley and Sons, New York, 1990, xiii + 496 pp. $69.95 (hard) », Global Environmental Change, vol. 1, no 4, , p. 335–336 (ISSN 0959-3780, DOI 10.1016/0959-3780(91)90061-w, lire en ligne, consulté le )
  26. E. Schelling, M. B. Mahamat, J. Zinsstag et M. Tanner, « Integrated One Health services. », dans One Health: the theory and practice of integrated health approaches, CABI (ISBN 978-1-78064-341-0, lire en ligne), p. 230–242
  27. Karen E. Smoyer-Tomic, Justine D.A. Klaver, Colin L. Soskolne et Donald W. Spady, « Health Consequences of Drought on the Canadian Prairies », EcoHealth, vol. 1, no S2, , SU144–SU154 (ISSN 1612-9202 et 1612-9210, DOI 10.1007/s10393-004-0055-0, lire en ligne, consulté le )
  28. Dominique F. Charron, « Ecohealth Research in Practice », dans Ecohealth Research in Practice, Springer New York, (ISBN 978-1-4614-0516-0, lire en ligne), p. 255–271
  29. Chris G Buse, Jordan Sky Oestreicher, Neville R Ellis et Rebecca Patrick, « Public health guide to field developments linking ecosystems, environments and health in the Anthropocene », Journal of Epidemiology and Community Health, vol. 72, no 5, , p. 420–425 (ISSN 0143-005X et 1470-2738, DOI 10.1136/jech-2017-210082, lire en ligne, consulté le )
  30. Sarah Harrison, Lucy Kivuti-Bitok, Alexandra Macmillan et Patricia Priest, « EcoHealth and One Health: A theory-focused review in response to calls for convergence », Environment International, vol. 132, , p. 105058 (ISSN 0160-4120, DOI 10.1016/j.envint.2019.105058, lire en ligne, consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Sylvie Gauthier, Marie-Andrée Vaillancourt, Alain Leduc, Louis De Grandpré, Daniel Kneeshaw, Hubert Morin, Pierre Drapeau et Yves Bergeron, Aménagement écosystémique en forêt boréale, Québec (Québec, Canada), Presses de l'Université du Québec, , 600 p. (ISBN 978-2-7605-1525-3, notice BnF no FRBNF41307306, lire en ligne)
  • Michel Guérin, Pierre Gosselin, Sylvaine Cordier, Claude Viau, Philippe Quénel et Éric Dewailly, Environnement et santé publique : Fondements et pratiques, Acton Vale (Québec, Canada) et Paris (France), Edisem et Éditions Tec&Doc, , 1 022 p. (ISBN 978-2-7430-0603-7, lire en ligne)
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