Aphrodite de Cnide

L’Aphrodite de Cnide est un type statuaire attribué au sculpteur grec Praxitèle (vers 400-avant 326 avant l'ère commune) représentant la déesse Aphrodite debout, nue, portant la main droite devant son sexe et tenant de la main gauche un vêtement. La statue figurait dans le temple de la déesse à Cnide ; elle est la seconde[1] représentation connue de la nudité féminine complète dans la grande statuaire grecque.

Pour les articles homonymes, voir Aphrodite (homonymie).

Aphrodite de Cnide, copie romaine d'après Praxitèle, palais Altemps (inv. 8619)
Tête en marbre du type de l'Aphrodite de Cnide, copie romaine d'époque impériale, musée du Louvre (Ma 421 = MR 675).

Témoignages littéraires

Le type est connu de nombreux témoignages littéraires, au premier rang desquels celui de Pline l'Ancien :

« Nous avons cité parmi les statuaires l'âge de Praxitèle qui se surpassa lui-même dans la gloire du marbre. Ses œuvres se trouvent à Athènes au Céramique, mais au-dessus de toutes les œuvres, non seulement de Praxitèle, mais de toute la terre, il y a la Vénus ; beaucoup ont fait le voyage à Cnide pour la voir[2]. »

Selon la tradition antique, le sculpteur prend pour modèle sa maîtresse, la célèbre courtisane Phryné, après qu'elle s'est baignée nue dans la mer lors des Éleusinies[3] — le peintre Apelle peignant de son côté la Vénus anadyomène. Praxitèle réalise en fait deux statues d'Aphrodite, l'une vêtue et l'autre déshabillée[4]. Les citoyens de Cos achètent la première, jugée « pudique et sévère » tandis que ceux de Cnide acquièrent la seconde qui, placée dans un temple qui, grâce à une seconde porte, permet de l'observer de face comme de dos[5], devient beaucoup plus célèbre que l'autre dès l'Antiquité. Plusieurs anecdotes fameuses racontent comment Cnide refuse ensuite une offre d'achat pourtant très généreuse[6] et comment un jeune homme, tombé amoureux de la statue, tente de s'y unir après s'être caché dans le sanctuaire[7]. Plusieurs épigrammes de l’Anthologie grecque brodent sur le même thème :

« Cypris voyant Cypris à Cnide, s'écria
Hélas, hélas ! Où Praxitèle m'a-t-il vue nue[8] ! »

Variantes connues et description

La Vénus de Cnide est connue par de très nombreuses répliques. On les regroupe généralement en deux grandes familles : le type « inquiet », où la déesse, surprise, cherche à se dissimuler et le « type serein », où la déesse semble plutôt désigner son sexe que le cacher. Du type inquiet, les meilleures copies sont l’Aphrodite Braschi et la Vénus du Belvédère, trouvée on ne sait où, puis achetée par un pape, et moulée en bronze à la demande du roi de France François Ier.

La déesse entre ou sort de son bain rituel, posant ou prenant son manteau. Elle fait, selon certains, un geste de pudeur, recouvrant son sexe de la main droite. À moins que, loin de toute inquiétude et de pudeur, calme, elle ne soit « sûre de son invulnérabilité comme de son pouvoir redoutable : la nudité qui fragilise les mortelles accroît au contraire la puissance de la déesse de l'amour »[9]. Une puissance accrue par la purification du bain. Le geste de la main reprendrait le geste conventionnel depuis les premières sculptures d'Aphrodite, en Crète au VIIe siècle, proche de l'image d'Astarté, et devait être regardé « comme un geste qui oriente le regard et désigne la source de sa souveraineté » (Alain Pasquier). Les épaules sont plus étroites, légèrement penchées vers l'avant, la poitrine menue, les genoux plus resserrés, les hanches plus larges, les jambes fuselées que dans les images antérieures. Les chairs sont traitées avec sensualité. Le visage frappe par son ovale très allongé et entièrement régulier. Le front est défini par un triangle, les arcades sourcilières forment un arc de cercle très régulier vers le nez, les yeux sont doux, la bouche petite et sensuelle. La statue, bidimensionnelle, pouvait être observée de face ou de dos. La sensualité de la déesse devait être accentuée par la peinture, réalisée par le peintre Nicias. Celui-ci utilisait, selon Pline l'Ancien[10] la technique de la circumlitio, où les effets d'ombre et de lumière étaient particulièrement travaillés »[11].

Si la sensualité est très marquée, et encore plus par sa nudité nouvelle, la statue reste néanmoins une statue religieuse, puisque la sensualité est l'attribut du rôle de la déesse. Elle était placée au centre de la tholos qui constituait son temple, afin de pouvoir être vue de tous côtés.

Notes et références

  1. En effet la Léda de Timothéos la précède. : Alain Pasquier : Pasquier et Martinez 2007, p. 142.
  2. Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXVI, 20). Issu de la traduction de Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, Paris, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », (ISBN 2-84056-087-9), no 1420, p. 493.
  3. Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) (XIII, § 590). L'apologiste chrétien Athénagoras d'Athènes se contente de citer « une hétaïre » (Leg. pro Christ., 14) ; Clément d'Alexandrie (Exhortation aux Grecs : Protreptique (lire en ligne), 53) et Arnobe (Contre les païens, VI, 13) la mentionnent sous le nom de Cratiné.
  4. Pline, ibid.
  5. Lucien de Samosate, Amours (XIII).
  6. Pline (VI, 127 et XXXVI, 20).
  7. Pline, ibid., Valère Maxime (VIII, 11, ex. 4), Lucien, Portraits (4 et 15), Jean Tzétzès, Chiliades (VIII, 375). Une anecdote similaire concerne l'Éros de Parion, cf. Pline (XXXVI, 23).
  8. Anthologie grecque (XVI, 162). Voir aussi XVI, 160 ; XVI, 163 ; XVI, 168.
  9. Alain Pasquier, L'Aphrodite de Cnide : Le Type statuaire et sa signification dans Pasquier et Martinez 2007, p. 142.
  10. Agnès Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne (Ve siècle av. J.-C.-Ier siècle après J.-C.), École Française de Rome, 1989. Et sur la polychromie : Christine Mitchell Havelock, The Aphrodite of Knidos and Her Successors. A Historical Review of the Female Nude in Greek Art, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1995. p. 13-15 et 51-52.
  11. Alain Pasquier, L'Aphrodite de Cnide : Que savons-nous de l'aspect matériel de la statue ? dans Pasquier et Martinez 2007, p. 141.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Aileen Ajootian, « Praxiteles », Personal Styles in Greek Sculpture (s. dir. Olga Palagia et Jerome J. Pollitt), Cambridge University Press, 1998 (1re édition 1996) (ISBN 0-521-65738-5), p. 98-103.
  • (en) Christine Mitchell Havelock, The Aphrodite of Knidos and Her Successors: A Historical Review of the Female Nude in Greek Art, University of Michigan Press, 1995 (ISBN 978-0472105854).
  • Alain Pasquier, La Vénus de Milo et les Aphrodites du Louvre, Paris, Réunion des musées nationaux, , 91 p. (ISBN 978-2-7118-0256-2, notice BnF no FRBNF34781894).
  • Alain Pasquier (dir.) et Jean-Luc Martinez (dir.), Praxitèle : [exposition, Paris, Musée du Louvre, 23 mars-18 juin 2007] (catalogue de l'exposition au musée du Louvre, 23 mars-18 juin 2007), Paris, Musée du Louvre et Somogy Éditions d'Art, , 456 p. (ISBN 978-2-35031-111-1 et 978-2-7572-0047-6, notice BnF no FRBNF41001604), p. 130-201 : Alain Pasquier, Les Aphrodites de Praxitèle.

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