Antoine Dorsanne

Antoine Dorsanne, parfois écrit d'Orsanne, né en 1663 ou 1664 à Issoudun, mort le à Paris, est un prêtre janséniste français, docteur de Sorbonne, grand vicaire de Paris. Il est secrétaire du conseil de Conscience de 1715 à 1718. Homme de confiance du cardinal de Noailles, il exerce une grande influence sur celui-ci dans la résistance à la bulle Unigenitus. Son Journal fait découvrir les intrigues ayant opposé promoteurs, défenseurs et adversaires de cette bulle.

Antoine Dorsanne
Naissance 1663 ou 1664
Issoudun
Décès
Paris
Nationalité royaume de France
Pays de résidence royaume de France
Diplôme
doctorat
Profession
Activité principale
grand vicaire de Paris
Autres activités
secrétaire du conseil de Conscience
Formation
Sorbonne
Ascendants
Jacques Dorsanne

Biographie

Jeunesse et formation

Issu d'une famille noble du Berry, il naît à Issoudun en 1663 ou 1664. Son père est Jacques Dorsanne, seigneur de Coulon et de Montlevicq, lieutenant général du bailliage d'Issoudun[1],[2]. Antoine a deux frères : Claude, qui va devenir lieutenant général à Issoudun, et Pierre, qui sera capitaine au régiment Dauphin Infanterie et qui mourra en 1705[3]. Par la suite, le nom de la famille s'écrira plus volontiers D'Orsanne[4].

Antoine étudie à Paris. En licence, il a pour condisciple Gaston de Noailles, frère de Louis-Antoine, le futur cardinal[5]. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de ce dernier. Il devient prêtre. Il est reçu docteur en Sorbonne[1].

Carrière ecclésiastique

Louis-Antoine de Noailles, nommé archevêque de Paris en 1695, créé cardinal en 1700.

Louis-Antoine de Noailles est évêque de Châlons de 1680 à 1695. Il fait venir l'abbé Dorsanne auprès de lui pour remplir les fonctions de grand vicaire, de chantre et d'official[6]. En 1695, Noailles est nommé archevêque de Paris. Il prend Dorsanne pour commensal, confident et conseiller, et le fait chanoine de Notre-Dame de Paris[5]. En 1705, Dorsanne devient supérieur de la maison des Enfants-trouvés. Il est ensuite archidiacre de Josas[1], puis, en 1707, official de Paris[7], puis grand chantre et grand vicaire[1]. Dorsanne s'acquitte avec conscience de toutes ces fonctions. Il a des connaissances en droit canon, ses jugements à l'officialité ne sont jamais réformés et, en tant que grand chantre, il prend soin des écoles paroissiales. En 1710, il est chargé avec l'avocat Pierre Lemerre de travailler aux Mémoires du clergé de France[5].

Les troubles de la bulle Unigenitus

En 1713, Clément XI fulmine la bulle (ou constitution) Unigenitus, dont les effets vont être contraires à ceux recherchés. Réveillant les « furieuses querelles politiques et théologiques[8] » du XVIIe siècle, elle redonne vigueur au jansénisme moribond et déclenche une crise majeure qui va secouer la société française pendant plus d'un demi-siècle[9]. Dorsanne, janséniste, joue un rôle important dans ces violentes disputes. Il semble avoir inspiré les mesures prises par Noailles à l'encontre des jésuites et de la bulle[1],[5],[10]. En , Noailles refuse de signer l'acte d'acceptation de la bulle. En février, il est chassé de la cour[11].

À la mort de Louis XIV en 1715, le cardinal de Noailles devient chef du conseil de Conscience[12]. Il le reste jusqu'en 1718[13]. Durant la même période, Dorsanne est le secrétaire de ce conseil[1].

Le cardinal de Noailles l'emploie beaucoup dans les négociations avec la cour de France[5], et avec Rome, où il l'envoie plusieurs fois en mission[10]. Dorsanne est ainsi en contact avec de hauts personnages[5]. Il gagne la confiance du futur cardinal de Fleury et celle du chancelier d'Aguesseau[1].

En 1717, quatre évêques — les quatre premiers « appelants » — déposent en Sorbonne un appel de la bulle à un concile général. En mars 1720, un accommodement tente de mettre fin aux troubles. Certains prélats le signent. Mais, en septembre, les quatre évêques rejettent l'accommodement et renouvellent leur appel[14]. Dorsanne, bien qu'opposé à l'accommodement, ne renouvelle pas son appel[5].

En 1723, il est déféré à l'Assemblée du clergé. On ignore ce qui lui est reproché : une négligence dans son travail sur les Mémoires du clergé de France ? son investissement dans les querelles au sujet de la bulle ? Toujours est-il qu'il met fin à sa collaboration avec Lemerre[5].

Dernier combat et mort

En 1728, il s'emploie vainement à détourner Noailles de se soumettre aux décisions du pape[5]. Le , le cardinal adhère purement et simplement à la bulle[15]. Déçu par sa perte de crédit, très malade, Dorsanne se retire à l'hospice des Incurables. Il y meurt peu après, le [1]. Saint-Simon trouve sa mort suspecte : « Il mourut d'une manière fort prompte et fort singulière, qui ne fit pas honneur dans l'opinion publique à messieurs de la Constitution[16]. » Dorsanne lègue une somme de 164 000 livres à l'abbé d'Eaubonne[5], qui l'emploie peut-être à soutenir l'hebdomadaire janséniste Nouvelles ecclésiastiques[1].

Portrait

L'abbé Le Gendre porte sur Dorsanne un jugement sévère : « Homme plein de lui et sans raison, […] homme faux, sans entrailles, faisant le mal avec plaisir, le bien à regret, passionné janséniste et bien plus propre à aigrir qu'à calmer le prélat[17]. »

Saint-Simon, qui a de la sympathie pour les jansénistes, évoque la nomination de Dorsanne comme secrétaire du conseil de Conscience : « C'était un saint prêtre et fort instruit, qui dans la place d'official de Paris avait mérité l'estime et l'approbation publique. Il s'acquitta très dignement de cet emploi, et fut toujours semblable à soi-même. Il n'était pas favorable à la Constitution. Ses ennemis prétendirent que le cardinal de Noailles puisait dans ses lumières, et que Dorsanne le retenait dans sa fermeté[18]. »

Publications

  • En 1716, Dorsanne commence à publier avec Pierre Le Merre le Recueil des actes, titres et mémoires concernant les affaires du clergé de France[1],[19].
  • En tant que grand chantre, Dorsanne est responsable des petites écoles[1]. Il rédige les Anciens statuts, ordonnances et règlements des petites écoles de lecture, écriture, arithmétique et grammaire, Paris, Thiboust, 1747[20].
  • Il laisse un journal concernant la période 1711-. L'édition exacte n'en est faite qu'en 1753 par Pierre Leclerc, sous-diacre du diocèse de Rouen, retiré en Hollande[21] : Journal de M. l'abbé Dorsanne […] contenant ce qui s'est passé à Rome et en France dans l'affaire de la constitution Unigenitus, avec des anecdotes très intéressantes pour connaître les intrigues et le caractère de ceux qui ont demandé et soutenu ladite constitution, aussi bien que tous ceux qui y ont eu part, Rome [en réalité Amsterdam], aux dépens de la Société, 1753[22]. Le jésuite Pierre-Joseph de Clorivière souligne la partialité de ce livre[21] (Lire en ligne : tome 1, tome 2, tome 3, tome 4 , tome 5 & tome 6 = Supplément.)
  • Bien avant l'édition de Leclerc, le journal de Dorsanne est remanié par l'érudit Joseph-François Bourgoing de Villefore, et devient les Anecdotes ou Mémoires secrets sur la constitution Unigenitus, Utrecht, Le Febvre, 1731[23]. Trois ans plus tard, le jésuite Pierre-François Lafitau, évêque de Sisteron, critique ce livre dans Réfutation des Anecdotes[24]. Selon Roger Limouzin-Lamothe, Lafitau se montre moins partial que Villefore[1].

Notes et références

  1. Roger Limouzin-Lamothe, « Dorsanne ou D'Orsanne (Antoine) », dans Roman d'Amat, Roger Limouzin-Lamothe (dir.), Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey et Ané, 1967, t. XI, col. 613.
  2. La mère d'Antoine Dorsanne serait Marie Barjon. Elle pourrait être la fille de Pierre Barjon, qui acquiert en 1651 l'hôtel Lallemant, à Bourges. Marie épouse en 1656 Jacques Dorsanne, qui met ses armes en plusieurs endroits de l'hôtel. Alphonse Buhot de Kersers, Histoire et statistique monumentale du Cher, Bourges, Pigelet & Tardy, 1883, t. II, p. 318. Rééd. 1996, dans coll. « Monographies des villes et villages de France », Office d'édition du livre d'histoire. — « Jacques d'Orsanne », sur gw.geneanet.org (consulté le ).
  3. Roger Limouzin-Lamothe, op. cit., col. 614.
  4. Picot (Pierre-Joseph de Clorivière), « Dorsanne (Antoine) », dans Michaud (dir.), Biographie universelle, Paris, Thoisnier Desplaces, 1852, t. XI, p. 244, note 1.
  5. Picot (Pierre-Joseph de Clorivière), op. cit., p. 244.
  6. Édouard de Barthélemy, Le Cardinal de Noailles, évêque de Châlons, archevêque de Paris, sur gallica.bnf.fr, Paris, Techener, 1886, p. 2, note 2.
  7. Yves Coirault, dans Saint-Simon, Mémoires, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1985, t. V, p. 653, note 5.
  8. « 1713 : l'Affaire Unigenitus », sur bibliotheque-mazarine.fr, (consulté le ).
  9. « La bulle Unigenitus Dei Filius », sur bib-port-royal.com, 2018 (consulté le ).
  10. Jean-Chrétien-Ferdinand Hœfer (dir.), « Dorsanne (Antoine) », dans Nouvelle Biographie générale, Copenhague, Rosenkilde et Bagger, 1965, t. XIV, col. 649.
  11. Pierre Gombert, « Louis-Antoine de Noailles, cardinal-archevêque de Paris », sur theses.enc.sorbonne.fr (consulté le 16 août 2018.
  12. Saint-Simon, op. cit., 1985, t. V, p. 649.
  13. Saint-Simon, op. cit., 1987, t. VII, p. 305-307.
  14. Philippe Moulis, « Les frontières de la catholicité : jansénisme et violences au XVIIIe siècle dans le nord de la France  », sur amisdeportroyal.org, Publications électroniques de Port-Royal, 2012, § 4 (consulté le ).
  15. Eugène Griselle, « Vers la paix de l'Église de France », sur persee.fr, Revue d'histoire de l'Église de France, 1911, p. 404 (consulté le ).
  16. Saint-Simon, op. cit., 1985, t. V, p. 653.
  17. Mémoires de l'abbé Le Gendre, Paris, Charpentier, 1863, p. 285. Cité par Roger Limouzin-Lamothe, op. cit., col. 614.
  18. Saint-Simon, op. cit., 1985, t. V, p. 653. — Le cardinal de Noailles était d'un caractère indécis. Saint-Simon, op. cit., 1986, t. VI, p. 219 et 220.
  19. Recueil des actes, titres et mémoires concernant les affaires du clergé de France, augmenté d'un grand nombre de pièces et d'observations sur la discipline présente de l'Église…, Paris, Muquet, 1716-1750, 12 vol. in-folio. Notice bibliographique FRBNF30786772, sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  20. Notice bibliographique FRBNF30350120, sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  21. Picot (Pierre-Joseph de Clorivière), op. cit., p. 245.
  22. Notice bibliographique FRBNF30350122, sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  23. Notice bibliographique FRBNF31581322, sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  24. Réfutation des Anecdotes, adressée à leur auteur par messire Pierre-François Lafitau, évêque de Sisteron, ci-devant chargé des affaires du Roy auprès du Saint-Siège, sur books.google.fr, Aix-en-Provence, David, 1734, 3 vol. (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Jules Chevalier, Histoire religieuse d'Issoudun depuis sa fondation jusqu'à nos jours, Issoudun, 1899, p. 396.
  • C. Demoussy, L'Ancien Clergé de Paris, 1906, p. 7 et 8.

Articles connexes

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