Angelo Chiappe

Ange, dit Angelo Chiappe[1], né le à Ajaccio et mort le à Nîmes, est un haut fonctionnaire français.

Pour les autres membres de la famille, voir famille Chiappe.

Ne doit pas être confondu avec Ange Chiappe.

Plusieurs fois préfet, relais zélé de la politique du régime de Vichy dans les territoires dont il a la charge, il est fusillé à la Libération de la France pour collaboration.

Biographie

Ironiquement, le quotidien communiste Ce soir du aborde simultanément le procès de l'ex-inspecteur Pierre Bonny et d'Angelo Chiappe, frère de l'ex-préfet de Police Jean Chiappe, qui fut l'ennemi principal du premier. Tous deux sont jugés pour des faits de collaboration.

Ange Marie Pascal Eugène Aurel Chiappe est le fils de Jérôme Chiappe, fonctionnaire au ministère de la Justice, et de Marie-Catherine Rocca-Serra. Il est le frère[2] de Jean Chiappe (1878-1940), préfet de Police de Paris. Son fils est l’historien Jean-François Chiappe (1931-2001).

Proche initialement du Parti radical et radical-socialiste[3], participant à leur congrès en 1919, il s'est rapproché progressivement de la droite puis de l’extrême droite et de l’Action française[3].

Après avoir été chef de cabinet du préfet de la Somme et sous-préfet à Issoudun[4], il occupe successivement des fonctions préfectorales en Ardèche de 1928 à 1931, dans l’Aisne jusqu’en 1936[note 1],[5]. Le , il participe à un long cortège, constitué en bonne partie de militants de droite, d’extrême droite et de l’Action française, lors des obsèques de Jacques Bainville[6]. La même année 1936, il est muté par le nouveau ministre de l'Intérieur Roger Salengro et devient préfet de la Manche. Il est à nouveau muté en 1939 et est nommé préfet des Basses-Pyrénées. Il y assume la responsabilité du camp de Gurs, camp de rétention pour les anciens combattants républicains de la guerre civile espagnole après la prise de pouvoir du général Franco, puis au début de la Seconde Guerre mondiale, pour y interner des citoyens étrangers ressortissants des pays en guerre contre la France ainsi que des militants français du Parti communiste favorables au pacte germano-soviétique[7]. Il fait en revanche libérer quelques militants d’extrême droite, qu'avait fait arrêter Georges Mandel, dont Charles Lesca et Alain Laubreaux, journalistes de l'hebdomadaire Je suis partout[8]. « Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot, qui ne sort pas de la gorge », écrira Louis Aragon.

Le maréchal Pétain devient chef de l'État français le . Le , Marcel Peyrouton, qui vient de succéder à Adrien Marquet comme ministre de l'Intérieur, procède à un profond renouvellement du corps préfectoral et à des mouvements des préfets restés en place[9]. Angelo Chiappe est « bien en cour »[9], et est nommé préfet du Gard (en zone libre) à Nîmes le . Presque un mois plus tard se déroule l'entrevue de Montoire, qui marque le début de la politique de collaboration du régime de Vichy. Pendant l’Occupation, il appuie la politique de collaboration[7] et participe à la chasse aux résistants et aux communistes[10]. Pourtant, il fournit un emploi, en dépit des lois raciales, à Pierre-Jérôme Ullmann, fils de Lisette de Brinon (épouse de Fernand de Brinon, ambassadeur du gouvernement de Vichy auprès des autorités d'occupation allemandes à Paris) et frère de Bernard Ullmann qu’il accueille à sa table[11]. Il procède à la dissolution de 63 conseils municipaux, en particulier dans les principales villes, Nîmes, mais aussi Beaucaire, Alès, Bessèges, La Grand-Combe, et se montre un actif partisan de la Révolution nationale[7],[12]. En 1942, il révoque le maire de Bagnols, Ernest Euzéby, qui avait refusé d'enlever du fronton de sa mairie le buste de Marianne.

Le , il prend ses fonctions comme préfet du Loiret et préfet régional d’Orléans[13], son secrétaire général est Michel Junot. Précédé d'une « très fâcheuse réputation[14] », Il est considéré comme un représentant du « Vichy policier[15] » et, d'après Georges Hilaire, il doit sa promotion aux SS, qui auraient même souhaité le voir nommer à Marseille[16]. Alors qu'il est en fonction, en avril 1944, la Milice s'installe à Orléans, provoquant de nombreux incidents avec la population[17]. Il reçoit d'ailleurs, le , Joseph Darnand et Philippe Henriot[18]. Le , il accueille le maréchal Pétain, de passage à Orléans, devant une foule considérable[19].

Après les bombardements opérés par les Alliés sur Orléans le , il met sa famille à l'abri à quelques kilomètres de là, à Sandillon[20]. Chiappe lui-même se place sous la protection de l'intendant de police[20]. Lors de la Libération, face à l'avancée des troupes américaines, le préfet devient invisible à partir de début août, quitte une première fois Orléans le , revient chercher des affaires personnelles le 9 et prend ensuite la route pour Montargis[20]. Il est arrêté à Paris en . Il est réclamé à Nîmes où les FTP contrôlent la ville[21]. Il est jugé pour ses activités collaborationnistes et son zèle dans l'application du service du travail obligatoire[13] (STO). Il demande en vain à l'ancien président Albert Lebrun de lui éviter une condamnation[22]. Condamné à mort de manière expéditive, il est fusillé[23] le devant les arènes[24].

Cursus préfectoral

Décorations

Notes et références

Notes

  1. Il se voit reprocher au conseil général de l’Aisne l'activité politique de son frère.

Références

  1. Notice « Chiappe (Ange, Marie, Pascal, Eugène, Aurel) » (1889-1945), page 133 in Archives nationales (France) (répertoire nominatif par Christiane Lamoussière, revu et complété par Patrick Laharie ; répertoire territorial et introduction par Patrick Laharie), Le personnel de l’administration préfectorale, 1881-1926, Paris : Centre historique des Archives nationales, 2001, 774 pages, 27 cm, (ISBN 2-86000-290-1).
  2. Erwan Sommerer et Jean Zaganiaris (Coord.) (postface Jean Zaganiaris), L'Obscurantisme formes anciennes et nouvelles d'une notion controversée, Paris, L'Harmattan, coll. « Inter-National », , 282 p. (ISBN 978-2-296-12621-3, notice BnF no FRBNF42279049), p. 234
  3. Eugen Weber, Action Française : Royalism and Reaction in Twentieth Century France!, Stanford, Stanford University Press, , 594 p. (ISBN 978-0-8047-0134-1 et 0804701342, OCLC 401078), p. 161
  4. Histoire de la guerre, vol. 1 à 12, p. 231, Un vaillant fonctionnaire, Hachette et Cie, 1914
  5. Pierre-Henry 1950, p. 316
  6. Pierre Péan, Vies et morts de Jean Moulin, Éditions Fayard (maison d'édition), coll. « Pluriel », , 715 p. (ISBN 978-2-8185-0356-0 et 2818503566, OCLC 858205884, notice BnF no FRBNF43618109)
  7. Zaretsky 2004, p. 136
  8. Répression : Camp d'internement en France pendant la Seconde Guerre mondiale : aspect du phénomène concentrationnaire, Université de Saint-Étienne, coll. « Ierp », 182 p. (ISBN 978-2-900392-14-0 et 2900392144), p. 152
  9. Baruch 1997
  10. François Pugnière, Les cultures politiques à Nîmes et dans le Bas-Languedoc oriental du XVIIe siècle aux années 1970 : affrontements et dialogues, Paris, L'Harmattan, , 403 p. (ISBN 978-2-296-05855-2 et 2-296-05855-8, OCLC 236335372, notice BnF no FRBNF41290829), p. 326-339
  11. Bernard Ullmann, Lisette de Brinon, ma mère : une juive dans la tourmente de la Collaboration, Bruxelles, Complexe, coll. « Destins », , 218 p. (ISBN 978-2-87027-997-7 et 2-870-27997-3, OCLC 55236898), p. 133
  12. Thierry Suire, Les protestants dans le Gard face au régime de Vichy, Éditions Lacour, , 291 p.
  13. Zaretsky 2004, p. 245
  14. Durand et Vivier 1974, p. 76
  15. Yves Durand, Le Loiret dans la guerre 1939-1945. La vie quotidienne sous l’Occupation, Roanne - Le Coteau, Horvath, 1983, p. 93
  16. Durand et Vivier 1974, p. 75
  17. Yves Durand, « La drôle de guerre et l'occupation », dans Jacques Debal (dir.), Histoire d'Orléans et de son terroir, tome III, De 1870 à nos jours, Horvath, Roanne - Le Coteau, 1983, p. 225.
  18. Yves Durand, Le Loiret dans la guerre 1939/1945 : la vie quotidienne sous l'Occupation, Roanne/Le Coteau France, Editions Horvath, , 232 p. (ISBN 978-2-7171-0290-1 et 2717102906, OCLC 407122288), p. 92
  19. Yves Durand, « La drôle de guerre et l'occupation », dans Jacques Debal (dir.), Histoire d'Orléans et de son terroir, tome III, De 1870 à nos jours, Horvath, Roanne - Le Coteau, 1983, p. 226-227.
  20. Durand et Vivier 1974, p. 172
  21. Dominique Venner, Histoire de la collaboration, Éditions Pygmalion, , 766 p., p. 506
  22. Comment la IIIe République a sombré : journal de Marguerite Lebrun, septembre 1939-juillet 1940, présenté par Éric Freysselinard,
  23. Henry Rousso, Pétain et la fin de la collaboration : Sigmaringen 1944-1945, Éditions Complexe, , 449 p. (ISBN 978-2-87027-138-4, notice BnF no FRBNF34771115), p. 67
  24. Dominique Venner, Histoire critique de la Résistance, Éditions Pygmalion, , 500 p., p. 426
  25. Henry Coston (préf. Philippe Randa), L'Ordre de la Francisque et la révolution nationale, Paris, Déterna, coll. « Documents pour l'histoire », (ISBN 978-2-913044-47-0, notice BnF no FRBNF38994682), p. 51 — première édition en 1987.

Voir aussi

Sources

Liens externes

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