Ancienne bibliothèque des Sciences (Louvain-la-Neuve)

L'ancienne bibliothèque des Sciences est un bâtiment de style brutaliste édifié en 1973 par l'architecte André Jacqmain à Louvain-la-Neuve, section de la ville belge d'Ottignies-Louvain-la-Neuve, en Brabant wallon.

L'ancienne bibliothèque des Sciences et Technologies de l'Université catholique de Louvain, dénommée à l'origine bibliothèque des Sciences exactes, est considérée comme une œuvre magistrale et comme un des points d'orgue du patrimoine contemporain en Wallonie[1], ainsi que comme l'un des bâtiments les plus emblématiques de la ville universitaire[2] : l'architecture particulière de sa façade en fait l'un des symboles de Louvain-la-Neuve[3]. Jean-Luc Roland (bourgmestre d'Ottignies-Louvain-la-Neuve de 2000 à 2018) la qualifie d'ailleurs de « tour Eiffel de Louvain-la-Neuve »[4],[5].

L'immeuble abrite la Bibliothèque des Sciences et Technologies jusqu'en 2015, année où cette bibliothèque est relogée dans le bâtiment Van Helmont[3] afin que le bâtiment de la place des Sciences puisse accueillir le Musée L (Musée universitaire de Louvain) en 2017.

Historique

Genèse de la ville universitaire de Louvain-la-Neuve

Au cours des années 1960, le nombre d'étudiants de l'Université catholique de Louvain augmente rapidement en raison de l'évolution démographique et de la démocratisation des études supérieures[6]. La loi du sur l'expansion universitaire autorise la partie francophone de l'Université à envisager son expansion à Woluwe-Saint-Lambert et en Brabant wallon, ce qui amène l'Université à acquérir 150 hectares dès sur le plateau agricole de Lauzelle à Ottignies[6].

Par ailleurs, les tensions entre les communautés linguistiques francophone et néerlandophone deviennent explosives à cause des revendications du mouvement flamand (né dès 1840) qui exige l'homogénéité culturelle de la Flandre[6]. Ces tensions atteignent leur paroxysme en 1967-1968 avec l'affaire de Louvain, crise politique connue sous les noms de « Walen Buiten » (« Les Wallons dehors ») et de « Leuven Vlaams » (« Louvain flamande ») durant laquelle les Flamands exigent le départ des étudiants francophones de Louvain au nom du droit du sol et de l'unilinguisme régional, ce qui amène l'Université à décider le transfert intégral de sa section francophone hors de Louvain et à faire sortir de terre une ville universitaire entièrement neuve à Ottignies à partir de 1970[6],[7].

La loi du institue deux universités séparées, la première pierre de la ville nouvelle de Louvain-la-Neuve est posée le et la faculté des Sciences appliquées ainsi que les premiers habitants s'y installent dès 1972[7].

Construction de la bibliothèque des Sciences

La bibliothèque des Sciences est construite en 1973 dans le style brutaliste[8] par l'architecte André Jacqmain[1],[9],[3] qui avait déjà eu l'expérience d'un chantier universitaire en 1968 avec l'édification du Restaurant universitaire du Campus du Sart-Tilman pour l'Université de Liège[10],[11].

Selon Jean-Marie Lechat, « Jacqmain est alors considéré comme l'un des meilleurs, sinon le premier, architecte belge » et il « obtient carte blanche pour réaliser tout l'ensemble des immeubles entourant la place des Sciences »[12]. « Aucun architecte après lui, sauf Philippe Samyn bien plus tard, n'obtiendra un tel ensemble architectural et urbanistique à dominer » selon Jean-Marie Lechat.

Après trois projets avortés de création d'un nouveau musée près des bords du lac de Louvain-la-Neuve[13],[14],[15], l'UCL déménage la bibliothèque des Sciences et Technologies vers le bâtiment Van Helmont (place Pasteur) en 2015[3] pour réaffecter le bâtiment au musée de Louvain-la-Neuve[16].

Depuis le , le bâtiment abrite donc le Musée L, le musée universitaire de Louvain-la-Neuve[17],[18],[2].

Statut patrimonial

La bibliothèque des Sciences fait l'objet d'une « inscription » comme monument et figure à l'Inventaire du patrimoine culturel immobilier de la Région wallonne sous la référence 25121-INV-0090-01[19].

Style brutaliste

Pavés de type « Blanc de Bierges » au pied de la bibliothèque.

La bibliothèque des Sciences est un exemple absolu d'architecture brutaliste, caractérisée par des façades de « béton brut » sans revêtement, dont les surfaces présentent souvent une texture héritée du bois de coffrage[20], le béton « brut de décoffrage »[21],[22],[23] gardant la marque des planches de bois qui ont servi au moulage[24], leurs veinures ainsi que leurs lignes de jointure[25].

Tandis que le centre de la ville est construit avec seulement un clin d'œil aux tendances brutalistes[8], le quartier est de la ville, qui constituait la première phase du développement de la ville[26],[27] et qui fut édifié dès le début des années 1970 pour regrouper les tours et bâtiments des facultés des sciences, des sciences appliquées et des sciences agronomiques, présente un caractère brutaliste marqué, qui caractérise le Cyclotron, la place Sainte-Barbe, la bibliothèque des Sciences, la place des Sciences et la place Croix-du-Sud entourée par les tours de la faculté des sciences (bâtiments Carnoy) et de la faculté d’ingénierie biologique, agronomique et environnementale (bâtiments Mendel, Kellner, Boltzman et de Serres).

Le pavement qui entoure la bibliothèque est constitué de pavés de béton blancs connus sous le nom de « Blanc de Bierges », un type de pavés que l'on retrouve dans toute la ville de Louvain-la-Neuve et qui a marqué son paysage urbain.

Architecture

Architecture extérieure

La place des Sciences.

Façade occidentale

La bibliothèque des Sciences occupe le côté est de la place du même nom.

Sa silhouette caractéristique est due à l'immense toiture à un versant d'André Jacqmain qui suscitait beaucoup d'admiration[28].

La façade occidentale de l'édifice, dominée par son impressionnante toiture en appentis[19], est rythmée par quatre grands balcons portés par des pilastres en forme d'équerre de taille croissante, un motif que l'on retrouve sur la façade méridionale et à l'intérieur de l'édifice, mais pas sur la façade orientale (façade arrière). Les balcons et les pilastres sont en fait des issues de secours[19].

L'aspect « béton brut de décoffrage » typique du brutalisme est très visible sur toute la façade, et particulièrement au niveau des balcons.

Les quatre pilastres envahis par le lierre laissent entrevoir au niveau inférieur une porte surmontée d'une baie à croisillons de bois et une grande baie à croisillons de bois, redivisée par de fines croisées en béton[19]. Dans la partie droite de la façade, une porte donne accès à la librairie de l'actuel Musée L.

La partie haute de la façade, au dessus des balcons, est percée de grandes baies à croisillons qui épousent le tracé du toit en appentis, ainsi que d'un oculus placé sous le plus haut balcon.

Façade méridionale

La façade méridionale de la bibliothèque est ornée d'une dizaine de pilastres en équerre dont la silhouette et le profil sont comparables à ceux qui portent les balcons de la façade principale mais dont les hauteurs variées et le caractère simple ou double créent une composition unique.

Elle se termine à chaque extrémité, vers l'est et vers l'ouest, par un alignement vertical de quatre pilastres en équerre du plus bel effet.

Surmontée par le retour vertical de la toiture en appentis, couverte d'ardoises de couleur brunes, la façade est percée à droite de deux séries verticales de petites fenêtres en forme de trapèze.


Façade orientale

La façade arrière du bâtiment, orientée vers l'est, est divisée en deux parties par deux énormes tours de béton.

La partie de gauche est percée de dix petites fenêtres trapézoïdales tandis que la partie de droite, plus basse vu la pente de la toiture, est percée de fenêtres aux formes géométriques variées (demi-cercle, trois-quart de cercle, demi-cercle prolongé par un rectangle...) et est agrémentée d'un balcon d'angle circulaire, qui se prolonge sur la façade nord où il est soutenu par une série de pilastres en équerre de profils variés.

Architecture intérieure

Vue intérieure (août 2009)

L'intérieur de l'ancienne bibliothèque des Sciences et Technologies, qui constitue un joyau d’architecture brutaliste[29], démontre que brutalisme rime aussi avec beauté[8].

Chaque colonne présente une courbe qui la fait ressembler à un arc-boutant de cathédrale ou à une voile de bateau[17].

L'intérieur du bâtiment a conservé des éléments dus au designer Jules Wabbes dont des caches en cuivre qui dissimulent des éléments techniques et confèrent de l'élégance à son architecture de béton[17].


Articles connexes

Références

  1. Catherine Dhem, Les Cahiers de l'Urbanisme - 73 - Septembre 2009, Service public de Wallonie - Éditions Mardaga, 2009, p. 4.
  2. « À la découverte du nouveau musée de l'UCL », Vivre Ici,
  3. PSS-archi.eu : Université catholique de Louvain - Musée L
  4. Bulletin communal d'Ottignies-Louvain-la-Neuve, n° 213, juin-juillet 2018, p. 38
  5. « Une ville qui vit se transforme », Le Soir,
  6. « Mémoires de Wallonie - Création de Louvain-la-Neuve », sur Fondation wallonne
  7. Histoire de Louvain-la-Neuve
  8. (en) 13 belgian brutalist gems
  9. Faculté d'architecture La Cambre Horta, Clara n°3/2015: Penser les rencontres entre architecture et sciences humaines, Éditions Mardaga, 2015, p. 181.
  10. Pierre Frankignoulle, « Ville et université : l’expérience liégeoise », Dérivations pour le débat urbain,
  11. Geert Bekaert, « Béton séduisant », Fédération de l'industrie cimentière belge (Febelcem),
  12. Jean-Marie Lechat, Louvain-la-Neuve: Trente ans d'histoires, Academia-L'Harmattan, 2016, p. 38.
  13. Guy Duplat, « Toute l'originalité du musée de LLN », LaLibre.be,
  14. Roger Pierre Turine, « L'histoire du musée de Louvain-la-Neuve », LaLibre.be,
  15. Guy Duplat, « Pas de nouveau musée à LLN ! », LaLibre.be,
  16. Guy Duplat, « Futur musée de LLN : dans la bibliothèque ! », LaLibre.be,
  17. Pascal Goffaux, « Musée L », RTBF.be,
  18. Musée L
  19. Inventaire du patrimoine culturel immobilier de la Région wallonne
  20. Homify : Exemples d'architecture brutaliste
  21. D.F., « L'harmonie du béton brut », L'Est Républicain,
  22. Maison d'architecte : architecture en Belgique
  23. Augustin Manaranche, « Brutalisme – Béton brut », Index Grafik,
  24. Sous l'influence du brutalisme
  25. Danièle Pauly, Le Corbusier: the Chapel at Ronchamp, Birkhäuser, 1997, p. 102.
  26. Pierre Laconte, Les Cahiers de l'Urbanisme - 57 - Décembre 2005, Service public de Wallonie - Éditions Mardaga, 2005, p. 47.
  27. Pierre Laconte, Les Cahiers de l'Urbanisme - 73 - Septembre 2009, Service public de Wallonie - Éditions Mardaga, 2009, p. 57.
  28. Jean Remy, Louvain-la-Neuve, une manière de concevoir la ville: Genèse et développement, Presses Universitaires de Louvain, 2007, p. 56.
  29. « À la découverte du nouveau musée de l'UCL », Vivre Ici,
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