Alexander Selkirk

Alexander Selkirk (ou Alexandre Selcraig), né en 1676 à Lower Largo au comté de Fife, Royaume d'Écosse et mort le au large de Cape Coast (Ghana), est un marin écossais, abandonné seul sur une île déserte de l'Océan Pacifique, de 1704 à 1709. Son histoire de survie a été largement médiatisée après son retour en Angleterre, devenant une source d'inspiration pour le roman de Daniel Defoe, Robinson Crusoé.

Sa vie avant son départ

Alexander Selkirk est le fils d'un cordonnier et tanneur de Lower Largo. Dans sa jeunesse, il fait preuve d'un caractère querelleur et indiscipliné. Cité à comparaître le devant le consistoire de Kirk pour « conduite indécente dans une église », il « ne comparut pas, s'étant enfui sur les mers : son affaire reste ouverte jusqu'à son retour »[1]. Alexander Selkirk commence sa carrière de marin en 1695. En 1703, il rejoint une expédition corsaire dans l'océan Pacifique sous le commandement du capitaine William Dampier. Il est nommé navigateur du Cinque Ports, commandé par le capitaine Thomas Stradling. À ce poste intermédiaire entre les officiers et les sous-officiers, il connaît parfaitement le navire, son état et ses performances.

Le débarquement sur l'île déserte

Après une campagne décevante contre les navires et les villes de l'empire espagnol en Amérique, lors de la guerre de Succession d'Espagne, l'expédition se sépare en plusieurs groupes. Le capitaine Stradling fait escale aux îles Juan Fernandez, au large de Valparaíso, pour approvisionner le bateau en bois et en eau avant de repartir vers le royaume d'Angleterre, en . Le bateau ayant subi des dommages dans les batailles et nécessitant un carénage, Selkirk veut le réparer avant de franchir le cap Horn.

Devant le refus obstiné du capitaine Stradling d'accéder à sa requête, Selkirk, sous le coup de la colère, refuse de poursuivre la route et exige qu'on le laisse sur l'île Más a Tierra, dans l'archipel Juan Fernández, à quelque 400 miles (600 km) des côtes chiliennes. Il essaya de convaincre quelques-uns de ses compagnons d'équipage de déserter avec lui en restant sur l'île. Son plan reposait sur l'hypothétique passage d'un autre bateau qui leur viendrait en aide. Personne ne s'engage avec lui dans l'aventure. Le capitaine Stradling exauça le vœu d'Alexander Selkirk et l'abandonna sur l'île, trop heureux de se débarrasser d'un officier mêlé à toutes les tentatives de mutinerie depuis le départ d'Angleterre. Ce n'est que lorsqu'il se retrouva seul sur l'île que Selkirk réalisa les conséquences de sa demande. Il tenta sans succès de convaincre le capitaine de le rembarquer, mais il dut rester seul sur l'île. Il fit signe et appela le navire, en vain.

En réalité, il avait eu raison d'exiger d'être débarqué car le Cinque Ports coula par la suite, noyant la majorité de l'équipage, comme il le craignait.

La vie sur l'île

Selkirk vécut quatre ans et quatre mois sans la moindre compagnie humaine, sauf les pirates qui survinrent peu après. Tout ce qu'il possédait sur l'île était un mousquet, de la poudre à canon, des outils de charpentier, un couteau, quelques vêtements et de la corde. À cause de bruits étranges qui lui parvenaient de l'intérieur des terres, qu'il craignait provenir de bêtes dangereuses, Selkirk resta dans les premiers temps sur le rivage pour être plus en sécurité. Pendant ce temps il mangea principalement des crustacés comme des crabes. Il scrutait quotidiennement l'océan pour trouver des bateaux, seule source d'aide possible. La solitude, la misère et le remords furent ses seuls compagnons pendant son temps passé sur l'île. Finalement, la seule chose qui le poussa dans l'intérieur de l'île furent les réunions bruyantes des hordes de lions de mer à la saison de reproduction.

Une fois installé dans les terres, sa vie prit un tour plus agréable. Il disposait de plus de nourriture : des chèvres sauvages (introduites par de précédents marins) lui donnaient viande et lait ; des navets, des choux et des baies de poivre noir lui offraient plusieurs assortiments de légumes et épices. Bien que des rats puissent l'attaquer la nuit, il lui était possible de dormir en sécurité s'il avait l'astuce de domestiquer ou de dormir près de quelques chats sauvages.

Selkirk fit preuve de nombreuses ressources dans la réutilisation d'éléments qui lui restaient du navire comme de ceux qu'il trouvait sur place. Il bâtit deux cabanes à partir de bois de poivrier. Il utilisa son mousquet pour chasser les chèvres et son couteau pour nettoyer leurs carcasses. Sa réserve de poudre à canon ne cessant de diminuer, il fut forcé de s'en passer pour chasser. Durant l'une de ces chasses, il se blessa grièvement après avoir dévalé un escarpement et resta inconscient près d'une journée (sa proie amortit sa chute et lui évita d'avoir le dos cassé). À la suite de cet incident il lut la Bible, son seul livre, très fréquemment ; il trouvait dans ses lectures un réconfort face à sa situation mais aussi un moyen de maintenir sa pratique de l'anglais. Après trois années de solitude, entouré seulement de chiens, de chats et de chèvres qu'il apprivoise, il aperçoit deux fois des navires et se signale à eux. Cependant, ces navires sont espagnols et, loin de le sauver, l'équipage de chacun des navires l'aurait pendu comme pirate s'il ne s'était enfui et caché à temps.

Il doit encore patienter près de deux années et demi supplémentaires avant que William Dampier le secoure le , au cours d'une expédition menée par le capitaine Woodes Rogers. Il fut d'une grande aide pour soigner les hommes de Rogers atteints de scorbut, il chassait pour l'équipage deux à trois chèvres par jour. Selkirk reprend avec eux les raids sur les côtes chiliennes et péruviennes. Rogers et Selkirk devinrent réellement des compagnons de confiance : ce dernier se voit attribuer le commandement d'un des navires. De même, lorsque Rogers publia A cruising voyage round the world: first to the South-Sea, thence to the East-Indies, and homewards by the Cape of Good Hope, en 1712, il fit part de l'aventure du rescapé[2].

Lorsqu'il rentre enfin à Londres en 1711, il est pauvre. Il rencontre l'écrivain Richard Steele, qui écrit son histoire et la publie dans le journal The Englishman le [1]. Par la suite, il rentre chez lui en Écosse, où il devient une célébrité locale. Au début de l'année 1717, Selkirk revint à Lower Largo mais n'y fit une halte que de quelques mois. Il y fit la rencontre de Sophia Bruce, une jeune employée de laiterie de 16 ans, lui-même étant alors âgé de 41 ans. Ils s'enfuirent tous les deux à Londres mais apparemment ne se marièrent pas pour autant. Il ne se remet jamais parfaitement de son séjour solitaire sur l'île : il passe beaucoup de temps seul et est mal à l'aise. Il se construit une sorte de case sur la propriété de son père. Enfin, il reprend le large à bord d'un négrier et périt de la fièvre jaune (ou de noyade) en 1721 au large des côtes d'Afrique.

En 1966, l'île chilienne Mas-a-Tierra, en hommage conjoint à Selkirk et au roman inspiré par son aventure, a été rebaptisée île Robinson Crusoe. Une île voisine a été rebaptisée île Alejandro Selkirk, mais, paradoxalement, elle n'abrita jamais le célèbre naufragé.

Notes et références

  1. (en) The Englishman par Sir Richard Steele (1714) disponible sur Google Livres.
  2. (en) A Cruising Voyage Round the World par Woodes Rogers (1712) disponible sur Google Livres.

Voir aussi

Bibliographie

  • Woodes Rogers, Voyage autour du monde, commencé en 1708 et fini en 1711, 1716.
  • André Reuzé, Le véritable Robinson Crusoé ou la vie étonnante d’Alexandre Selkirk, orné de seize pages hors-texte, éditions Bernard Grasset, 1937.
  • Diana Souhami, Les folles aventures du vrai Robinson Crusoé, traduit de l'anglais par Mélanie Marx, préface de Michel Le Bris, supervision et postface de Sylvère Monod, Autrement, 2006 ; (ISBN 2-7467-0812-4)
  • Ricardo Uztarroz, La véritable histoire de Robinson Crusoe (et l’île des marins abandonnés), Arthaud, 2006.
  • Jean Graton - La vraie histoire de Robinson - Histoire en BD de 4 pages en couleurs - in Spirou belge 809 du .
  • Vendredi ou la vie sauvage - Michel Tournier.

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