Akademos

Akademos est une revue française fondée en janvier 1909 à Paris par Jacques d'Adelswärd-Fersen. Elle est la première en France à aborder l'homosexualité de front et positivement, si on ne compte pas « Annales de l’unisexualité » en 1897 et « Chroniques de l’unisexualité » en 1907 et 1909, sous revues dans la revue Archives d'Anthropologie Criminelle..

Ne doit pas être confondu avec Académos.

Akademos

Premier numéro de la revue.

Pays France
Langue français
Périodicité Mensuelle
Genre revue littéraire
Date de fondation 1909
Ville d’édition Paris

Directeur de publication Jacques d'Adelswärd-Fersen
ISSN 0765-8524

Histoire de la revue

Titré Akademos : revue mensuelle d'art libre et de critique, le premier numéro sort le chez l'éditeur parisien Albert Messein[1], compte 160 pages imprimées sur papier Ingres et est vendu au prix de 2,50 francs. L'adresse de la rédaction est au 25 rue Eugène-Manuel et le gérant n'est autre que Nino Cesarini, le temps compagnon de Jacques d'Adelswärd. Il est promis aux abonnées deux héliogravures artistiques en prime. Cette première livraison contient une reproduction d'une photographie de Raymond Laurent, éphémère secrétaire de rédaction de la revue, qui venait de se suicider à l'âge de 22 ans, auquel Adelswärd rend hommage sous le pseudonyme de « Sonyeuse ».

Cette revue représente la brève tentative d'Adelswärd-Fersen de défendre la pédérastie (qu'il appelle « l'Autre Amour »[2]) à l'aide d'une publication mensuelle mêlant poèmes et essais, littérature et débats d'idées. Elle se qualifie « la plus indépendante des revues ». C'est la première revue de ce genre à paraître en français. Ses thèmes étaient semblables à ceux de la revue allemande Der Eigene, publiée depuis 1896 par Adolf Brand. Grâce aux conseils de l'écrivain belge Georges Eekhoud, Adelswärd-Fersen avait en effet lu les publications allemandes qui voulaient promouvoir l'acceptation sociale de l'homosexualité avant de lancer Akademos. L'idée remonte à la fin 1907 ; il sollicita Magnus Hirschfeld, le juriste Eugène Wilhelm, ou le médecin militaire Georges Saint-Paul, entre autres, pour qu'ils le conseillent et apportent leurs contributions.

Le contexte politique et social de cette époque quant à l'homosexualité est marqué par le « scandale Moltke-Eulenburg », le procès qui se tient à Berlin fait les choux gras de la presse durant les années 1907 et 1908.

Akademos ne dure qu'une année. Pourtant, Adelswärd prévoyait courant de continuer la revue en 1910 à un rythme bimensuel, tout en déplorant « un niveau d'abonnement dérisoire ». Les gens avaient-ils peur de l'acheter ? Cette publication était-elle trop onéreuse pour le baron ? Wilhelm rapporte qu'Adelswärd-Fersen avait dépensé plus de 50 000 francs-or dans cette entreprise. Reçut-il des pressions de la part d'une presse hostile ou ne parvint-il pas à trouver un nouveau souffle pour sa revue ? Le premier numéro avait pourtant été salué par le Mercure de France. Les sommaires laissent apparaître des contributions d'auteurs importants comme Henri Barbusse, Marcel Boulestin, Colette, Georges Eekhoud, Achille Essebac, Claude Farrère, Jean Ferval, Anatole France, Maxime Gorki, Filippo Tommaso Marinetti, Joséphin Peladan, Edmond Pilon, Léonard Sarluis, Arthur Symons et Laurent Tailhade. De récentes études (Kevin Dubout[3], Patrick Cardon, Mirande Lucien, Paul Snijders, Viveka Adelswärd) montrent que Jacques envisageait le soutien des docteurs Laupts (pseudonyme de Georges Saint-Paul) et Magnus Hirschfeld auxquels il fut mis en contact par l'intermédiaire d'Eugène Wilhelm[4] et d'Éric Simac (pseudonyme du Dr Charles Albert Guichard) pour la transformation de sa revue en un organe international, rédigé en plusieurs langues et consacré exclusivement à l'homosexualité et à son acceptation, tout en conservant une dimension esthétique au support. Il semble que cette « belle idée » n'ait pas reçu les soutiens escomptés tant du côté français qu'allemand.

Dans le Mercure de France du 1er décembre 1909, Paul Léautaud, écrit dans sa chronique théâtrale qu'il a décliné la proposition qui lui avait été faite, lors de la préparation du premier numéro d'Akademos, de "rendre compte des théâtres". Il termine par ce commentaire : J'en ai eu un peu de regret, pendant quelque temps. On disait "notre oncle Sarcey". On aurait peut-être dit "notre tante Boissard". (Paul Léautaud - Le Théâtre de Maurice Boissard, Gallimard, 1958, I-p. 103)

En , se tient à Paris le procès de Pierre Renard, maître d'hôtel, accusé sans preuve d'avoir assassiné son employeur : Renard, qui ne nie pas son homosexualité, est envoyé au bagne. Tandis que se termine le procès Eulenburg, la presse française parle du « vice allemand »[5].

Dans le numéro 7, un certain Guy Debrouze (ou Delrouze), par un article intitulé « Le préjugé contre les mœurs », se montre particulièrement militant : « L'homosexualité n'est pas seulement passionnante pour notre investigation, elle exige notre respect et la révision d'un procès inique. Elle ne relève plus de la criminologie, ni même de la pathologie, mais du droit commun de l'amour libéré. Il ne s'agit donc pas d'une secte de vicieux réclamant un statut immoral, mais de milliers, de millions d'individus doués, valables, utilisables par une société intelligente et que proscrit la nôtre pour des motifs abolis. Le cadavre d'une morale morte ne peut pas faire contre poids dans la balance de la justice à la dignité, à la liberté de tant d'hommes... »

L'ensemble de cette revue représente en tout 12 numéros, soit 1 025 pages.

Il faut attendre 1924 pour voir en France revenir dans les kiosques et en librairie une nouvelle revue traitant d'homosexualité avec Inversions.

Notes et références

  1. Il s'agit de l'éditeur d'Adelswärd-Fersen, mais aussi, originellement, sous le nom de Léon Vanier, de Paul Verlaine.
  2. Lettre de Jacques Adelswärd à G. Eekhoud, Villa Lysis, 4 août 1908, citée par Mirande Lucien, LRDR (51, 2014).
  3. Kevin Dubout, Éric Simac (1874-1913) un oublié du " mouvement de libération " homosexuel de la Belle Époque., Paris, Quintes-feuilles, , 112 p. (ISBN 978-2-9532885-9-9), p. 33-36
  4. [Manuscrit] Eugène Wilhelm : Journal intime, carnet 23, entrée du 26 novembre au 7 décembre 1909. [Cité par Kevin Dubout, in Éric Simac, p. 34 note 48.]
  5. Lucien 2014, p. 51

Voir aussi

Bibliographie

  • Mirande Lucien, « Les deux premières revues homosexuelles de langue française : Akademos et Inversions/L'Amitié », La Revue des revues, Paris, Ent'revues, no 51, , p. 65-73.
  • Mirande Lucien, Akademos, Jacques d'Adelswärd-Fersen et « la cause homosexuelle », Lille, Cahiers GKC, 2000. Réédité en 2012 sous le titre plus approprié de Fersen, Ainsi chantait Marsyas - Dossier Akademos (ISBN 978-2-908050-78-3).
  • Patrick Cardon (dir.), Dossier Jacques d'Adelswärd-Fersen, Lille, Cahiers GKC, 1991.
  • Gianpaolo Furgiuele, Jacques d'Adelswärd-Fersen. Persona non grata, Lille-Paris, Ed. Laborintus, 2015  (ISBN 979-10-94464-06-9).

Articles connexes

  • Der Eigene, première revue homosexuelle au monde (Allemagne)
  • Inversions, seconde revue homosexuelle française (1924)

Liens externes

  • Premier numéro en ligne sur archiveshomo.info, numérisé par l'Académie gay & lesbienne
  • Le second semestre de la revue Akademos (no 7 à 12) a été numérisé en mode image et en mode texte par la BNF et accessible sur Gallica
  • 3è publication pro homosexuels importante et durable en France, la revue mensuelle Arcadie (groupe) (aussi association et lieu convivial unique en France alors), parue de 1954 à 1982.
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