Affaire de la Garantie foncière

L'affaire de la Garantie foncière[1],[2] est une affaire politico-financière française révélée en 1971, et qui met au grand jour les relations frauduleuses entre une SCPI (société civile de placement immobilier), La Garantie foncière, et le député gaulliste André Rives-Henrÿs, entraînant la démission de ce dernier et l'intervention de la COB. Les médias dénoncent l'affairisme du pouvoir en place et lancent la fameuse formule de l'« État-UDR ».

Le scandale éclate sous la présidence de Georges Pompidou, dans une période de modernisation frénétique et de prospérité comme la France n'en a pas connue depuis le Second Empire. Pour cela, sans doute, le scandale sera assez vite oublié.

Le scandale

La Garantie foncière est une société civile de placement immobilier (SCPI) créée le par Robert Frenkel pour « acquérir des biens immobiliers et les louer ». Elle collecte le capital auprès des particuliers et l'investit dans l'immobilier et rémunère ses souscripteurs avec les revenus et les loyers de ses investissements.

En 1971, elle affiche déjà plus de 14 000 souscripteurs, pour un capital de 220 millions de francs, et annonce des rendements de 10,25 %, supérieurs à celui de toutes ses concurrentes[réf. nécessaire]. Frenkel et ses complices en profitent pour se faire racheter des immeubles qu'ils avaient acquis à bas prix, empochant ainsi une jolie plus-value au détriment des souscripteurs.

La commission des opérations de bourse suspecte alors la société d'exagérer ses gains et de verser des intérêts avec l'argent apporté par les nouveaux souscripteurs[3]. Cette escroquerie est connue sous le nom de « système de Ponzi ».

Pour se couvrir, le fondateur et président de la Garantie foncière a jugé habile de s'associer un homme influent, à la fois homme d'affaires et homme politique, André Rives de Lavaysse, plus connu sous le nom d'André Rives-Henrÿs. Député de Paris pour le 19e arrondissement, c'est un militant gaulliste de la première heure (il a été secrétaire général adjoint de l'UDR). Il est inculpé le pour escroquerie, abus de confiance et abus de biens sociaux, de même que les époux Frenkel et un avocat-conseil de ses amis[4], Victor Rochenoir, lui aussi gaulliste bien en cour (celui-ci a été à trois reprises candidat à la députation comme gaulliste de gauche)[3].

D'emblée, l'affaire se porte sur le terrain politique. Le mensuel d'extrême-droite Rivarol titre le  : « À bas les voleurs ! ». De son côté, le quotidien L'Humanité projette une manifestation dans la rue. François Mitterrand, Premier secrétaire du Parti socialiste, nouvellement créé, dénonce l'affairisme de la droite.

La coalition de droite se déchire. Le deuxième parti de la majorité, les Républicains indépendants, dirigé par Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'Économie et des Finances, ne se fait pas faute de dénoncer la mainmise de son envahissant allié, l'UDR, l'ex-parti gaulliste, sur les rouages de l'administration. C'est « l'État-UDR ». Michel Poniatowski, ami proche de Giscard d'Estaing, s'en prend même à « la république des copains et des coquins ».

La formule fait mouche. Sans doute va-t-elle contribuer à la défaite aux présidentielles suivantes, en , du candidat gaulliste Jacques Chaban-Delmas, d'autant que ce dernier, alors premier ministre, est atteint par la révélation dans Le Canard enchaîné de sa feuille d'impôt. Elle montre qu'il ne paie aucun impôt grâce à une optimisation fiscale judicieuse.

Le procès de la Garantie foncière s'ouvre enfin à l'automne 1973. Rives-Henrÿs choisit pour sa défense Me Jean-Louis Tixier-Vignancour, avocat et candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle de 1965.

En , les principaux prévenus sont condamnés à des peines d'emprisonnement ferme. Les époux Frenkel sont condamnés à des peines de prison pour avoir détourné pour eux-mêmes 32 millions de francs. Mais le scandale a déjà été oublié. La mort du président Pompidou, l'accession à la présidence de Valéry Giscard d'Estaing et surtout la fin des Trente Glorieuses vont donner aux Français d'autres préoccupations.

L'affaire de la Garantie foncière dans la culture

Le chanteur Henri Salvador évoque le scandale dans une chanson intitulée Ahh !!! La Garantie foncière :

Ah, la Garantie foncière
Ça c'était la bonne affaire
Je m'voyais déjà propriétaire
Rien n'est plus sûr que la pierre.

Le cinéaste Jean-Pierre Mocky, l'année même du scandale, en tire une comédie burlesque, Chut !, tandis que Christian de Chalonge s'en inspire pour son film L'Argent des autres, sorti en 1978.

Conséquences juridiques

Après le scandale, une loi vient renforcer les règles d’incompatibilité entre certaines activités privées et le mandat de député : c'est la "Loi organique du 24 janvier 1972"[5] qui modifie "l'Ordonnance du 24 octobre 1958 portant sur les conditions d'éligibilité et incompatibilité parlementaire".

Cette loi crée 5 catégories d'entreprises dont la direction est incompatible avec le mandat de parlementaire[6].

  • Les sociétés jouissant d'avantages assurés par l’État ou une collectivité. (Sauf si ces avantages découlent de l'application d'une législation à caractère générale).
  • Les sociétés ayant un objet exclusivement financier et faisant appel à l'épargne public.
  • Les sociétés dont l'objet porte sur l'exécution de travaux pour le compte de l’État ou des collectivités.
  • Les sociétés à but lucratif de promotion immobilière dont l'objet est l'achat de terrain.
  • Les sociétés dont le capital est constitué à plus de 50% de participations des entreprises évoquées plus haut.

Notes et références

  1. 5 juillet 1971 - Le scandale de la Garantie foncière
  2. La Fabrique de l'Histoire, 09-10 - Histoire, France Culture
  3. Le Gendre 2006
  4. Les deux hommes sont anciens camarades de régiment.
  5. Pierre Avril, Droit parlementaire, Paris, Monchrestien, , p. 46
  6. Légifrance, « Fac-similé du JO du 25 janvier 1972 », sur Légifrance

Liens externes

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