Affaire des caisses noires de l'Union des industries et métiers de la métallurgie

En septembre-octobre 2007, l’Union des industries et métiers de la métallurgie a été secouée par les révélations sur des retraits de fonds en liquide effectués par son président, Denis Gautier-Sauvagnac [1].

Historique

Le , le quotidien Le Figaro révèle l'existence de retraits suspects à l'UIMM. Le , une série de perquisitions et d'auditions est lancée par les enquêteurs de la brigade financière.

Dans son édition du mardi , Les Échos rapportent que l'UIMM dispose d'un « trésor de guerre » alimenté notamment par une caisse de solidarité antigrève ("Epim") constituée à la suite des évènements de mai 1968 et évaluée aujourd'hui lors de sa révélation à 160 millions d'euros. Les fonds auraient selon l'UIMM également pu participer au financement des syndicats de salariés, mais aucun élément n'étaye ce financement alors que le financement de politiques et de partis politiques est avéré[2].

Le , Denis Gautier-Sauvagnac confirme à des journalistes, l'existence, depuis 1972, d'une « caisse de secours mutuel » appelée « EPIM » (Entraide professionnelle des industries de la métallurgie), approvisionnée par des cotisations de 0,2/1000 (0,4 à partir de 2001) de la masse salariale des entreprises adhérentes. L'objectif était de venir en aide à des entreprises à l'issue d'un conflit social. Depuis 1972, 1 793 entreprises du secteur de la métallurgie ont décidé, au lendemain des évènements de mai 1968 et à l'initiative de François Ceyrac, de cotiser à l'EPIM pour faire face « à un conflit collectif du travail ». Ces entreprises n'étaient plus que 175 en 2006. Le montant total de ces cotisations volontaires s'élève, depuis 1972, à 310 millions d'euros. L'UIMM a reversé 144 millions aux entreprises touchées par des grèves, les 166 millions restants ont été confiés à un consultant indépendant. Qui s'est avéré de bon conseil : à la fin de l'année 2006, la valeur d'achat des titres de l'EPIM était de 301,5 millions d'euros, ils valent aujourd'hui sur le marché près de 641,7 millions, selon l'estimation de Denis Gautier-Sauvagnac [3], mais pour une valeur comptable de 376 millions. Il a servi également à hauteur d'environ 2 millions d'euros pour le « financement de diverses organisations de notre vie sociale ».

Le , Denis Gautier-Sauvagnac indique à la brigade financière que son « erreur est de ne pas avoir arrêté le système » quand il est devenu délégué général. En conséquence, il annonce sa démission de la présidence de l'UIMM [4]. Une information judiciaire a été ouverte par le juge Roger Le Loire pour les retraits suspects des caisses de l'UIMM de 18 944 691 euros, du au et des comptes révélant une « dissimulation orchestrée » de la réalité des comptes de l'UIMM. Ces fonds pourraient avoir servi à influencer des décideurs et des organisations ; ils auraient également été utilisés comme compléments occultes de rémunération des dirigeants de l'organisation [3].

En 2007, 153 entreprises ont cotisé pour un montant de 675 000 euros et 574 000 euros ont été versés à trois entreprises touchées par des conflits sociaux majeurs. Ainsi, un porte parole de PSA a reconnu que son entreprise avait perçu 550 000 euros de l'UIMM pour l'aider à ne pas céder aux revendications salariales des ouvriers de l'usine Citroën d'Aulnay-sous-Bois, lors d'une grève de six semaines en 2007[5].

Le , Frédéric Saint-Geours est élu président de l'UIMM en remplacement de Gautier-Sauvagnac.

Le , l'hebdomadaire Marianne révèle que Denis Gautier-Sauvagnac avait négociée avec son successeur son retrait de la présidence de l'UIMM moyennant une indemnité de 1,5 million d'euros ainsi qu'une prise en charge totale par l'UIMM des frais de justice pouvant découler de sa gestion. Gautier-Sauvagnac révèle aussi au juge que François Ceyrac, l'ancien « patron des patrons » avait touché jusqu'à une période récente 5 000 euros en liquide chaque mois. Une demi-douzaine de personnes sont mises en examen, notamment pour avoir perçu des compléments de salaire ou de retraite. Le contrat est transmis à la justice.

À la suite de cette péripétie, Laurence Parisot, présidente du MEDEF, demande le , la démission collective du conseil d'administration de l'UIMM et affirme avoir appris l'existence de la caisse noire de l'UIMM en même temps que le reste des Français, contrairement aux déclarations de Denis Gautier-Sauvagnac, Daniel Dewavrin et Arnaud Leenhardt, tous trois anciens présidents de l'UIMM, qui affirment lui avoir signalé l'existence de ces fonds secrets et leur usage « dès avant l'été 2007 ». Laurence Parisot dément, mais lors d'un procès en 2009, la Justice donnera raison à Dewavrin[6].

L'UIMM aurait financé via ses caisses noires à hauteur de 30 000 euros par an l'organisation étudiante de droite UNI et, en 1974, l'organisation étudiante d'extrême droite GUD dans le cadre de la campagne électorale de Valéry Giscard d'Estaing[7],[8]. Des perquisitions ont également lieu le aux sièges de l'UNEF, de PDE, de la FAGE, de l'UNI et de la Confédération étudiante[9].

Le , le juge Roger Le Loire obtient du parquet de Paris un supplétif pour « subornation de témoin » dans le cadre de son enquête sur l'accord signé entre Gautier-Sauvagnac et l'UIMM. L'instruction est close depuis [10].

Le , le juge Le Loire prend une ordonnance de renvoi à l’encontre des dix personnes mises en cause dans l'affaire, ainsi que l’UIMM elle-même en tant que personne morale. Il y rappelle que Denis Gautier-Sauvagnac « a eu un rôle central, non seulement car il a été le dernier à détenir les sommes dont il refuse d'indiquer quelle a été l'affectation, mais également car il a organisé la pratique des retraits d'espèces, fixant le quantum et la périodicité de ces retraits et autorisant la destruction des pièces comptables y afférant »[11].

Le , un témoin de l'affaire affirme que l'ensemble des organisations syndicales représentatives étaient financées afin de limiter le développement des syndicats revendicatifs, en particulier les syndicats SUD, il en était de même au niveau des organisations étudiantes[12],[13],[14].

En , le parquet requiert une peine de deux ans de prison avec sursis et 250 000  d'amende à l'encontre de Denis Gautier-Sauvagnac. Les prévenus[Qui ?] sont accusés notamment « d'abus de bien social, travail dissimulé, destruction de documents comptables, recel »[15]. Denis Gautier-Sauvagnac est condamné le , par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison dont un ferme, et une amende de 375 000 euros[16]. En appel, le , la condamnation est réduite à 2 ans avec sursis et 100 000 euros d'amende, la Cour expliquant son « indulgence » par « l’absence d’enrichissement personnel » au regard des investigations dans les comptes de l'accusé et de ses proches, et n'ayant pas retenu le travail dissimulé[17],[18],[19].

Notes et références

  1. La justice ouvre une enquête sur une grande figure du patronat, Denis Gautier Savagnac, Les Échos, 26 septembre 2007
  2. Affaire UIMM : « Laurence Parisot savait »
  3. Dissimulation "orchestrée" des comptes à l'UIMM, Gérard Davet et Franck Johannès, Le Monde, 6 décembre 2007
  4. Franck Johannès, Retraits d'argent de l'UIMM : M. Gautier-Sauvagnac « assume » et reconnaît l'existence d'une caisse de 600 millions d'euros, Le Monde daté du 24 octobre 2007, n°19517, page 12
  5. « UIMM: Peugeot passe aux aveux », Le JDD, 8 avril 2008
  6. UIMM : Parisot déboutée de son action en diffamation, Flore Galaud, lefigaro.fr, 2 mars 2009
  7. UIMM : des fonds au service de l'extrême droite étudiante, Mathieu Delahousse et Anne Jouan, lefigaro.fr, 4 mars 2008
  8. « MEDEF, UIMM : lobbies, et plus si affinités… », L'Humanité, 3 novembre 2007
  9. Affaire UIMM : l'Unef "surprise" par les perquisitions, 1er octobre 2009
  10. Affaire des caisses noires de l'UIMM: l'instruction est close
  11. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Affaire de l'UIMM : M. Gautier-Sauvagnac renvoyé devant le tribunal », Le Monde, (lire en ligne)
  12. Caisse noire UIMM : les syndicats recevaient bien des enveloppes d'argent
  13. Le procès des caisses noires de l'UIMM en 5 questions clés
  14. Les mystères de la caisse noire de l’UIMM devant le tribunal
  15. UIMM:deux ans avec sursis requis contre l'ancien président, Lefigaro.fr, 21 octobre 2013
  16. « Procès de l'UIMM : Denis Gautier-Sauvagnac condamné à un an ferme » », Le Monde,
  17. Arrêt de la cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 12, 1er décembre 2015.
  18. La Manche libre, 12 décembre 2015.
  19. « Denis Gautier Sauvagnac échappe à la prison », Challenges.fr, 1er décembre 2015.
  • Portail de la politique
  • Portail de la finance
  • Portail de la production industrielle
  • Portail des années 2000
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.