Circassiens

Les Tcherkesses ou Circassiens, qui se nomment eux-mêmes Adyguéens, sont un peuple du nord-ouest du Caucase.

Pour les articles homonymes, voir Adyguéen.

Adyguéens
Drapeau adyguéen

Populations significatives par région
Turquie 2 000 000[1]
Russie 719 000 (2010)
Syrie 100 000
Jordanie 65 000
Allemagne 40 000
Irak 34 000
Population totale environ 4 000 000
Autres
Régions d’origine Nord du Caucase
Langues adyguéen, russe
Religions musulmans sunnites
Ethnies liées Kabardes, peuples Circassiens
Carte de répartition

Ils habitent dans trois sujets fédéraux de la Russie, l'Adyguée où ils représentent 23 % de la population, la Karatchaïévo-Tcherkessie où ils en représentent 11 % et la Kabardino-Balkarie, où ils sont 57,2 %[2]. L'ensemble des Adyguéens du Caucase septentrional forme une population fractionnée de quelque 800 000 personnes, auxquelles s'ajoute une très importante diaspora. Leur langue est l'adyguéen, une des trois langues caucasiennes occidentales avec l'oubykh, aujourd'hui éteint, et l'abkhaze.

Rétrécissement de l'endonyme Adyge

Durant l'ère soviétique, l'ex Circassie, ainsi désignée depuis le XIVe siècle par les marchands génois qui possédaient alors des comptoirs le long du Pont Euxin, a été divisée en quatre territoires administratifs, reflet d'une dispersion et d'une acculturation qui est la conséquence d'un génocide initié en 1817 sous le régime tsariste par la guerre du Caucase. L'exonyme Tcherkesses, qui est un emprunt au turc correspondant peut être à l'antique Cercètes (en), lui-même un surnom donné, semble-t il, aux Zyges par les Grecs, avait cessé de désigner l'ensemble de ses habitants.

Il est alors réservé aux Tcherkesses centraux du territoire autonome de Karatchaïévo-Tcherkessie, l'endonyme Adyguéens, l'étant aux Tcherkesses occidentaux constituées en district autonome d'Adyguée. Les Techerkesses, ou Adyguéens, orientaux ne sont depuis plus désignés, au sein d'une Kabardino-Balkarie, que sous le nom de Kabardes, d'après le nom d'une principauté érigée en 1825, la Kabarda.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le district national Chapsoughs (en), créé au bord de la mer Noire pour les clans chapsoughs, le territoire autonome de Karatchaïévo-Tcherkessie, la république autonome de Kabardino-Balkarie ont été supprimés, respectivement en mai 1945, en octobre 1943 et avril 1944, après que la Wehrmacht y a été accueillie, de la même manière qu'en Galicie orientale, comme un libérateur. Contrairement aux seconds, le premier n'a pas été rétablie en 1957 dans le cadre de la déstalinisation.

Histoire

La tribu circassienne quitte ses montagnes et se dirige vers la Turquie à la suite de la capture de son pays par les troupes russes

Les Adyguéens émergèrent aux alentours du Xe siècle, comme une entité linguistique et culturelle qui ne fut jamais politiquement unie. Leur absence d'unité a réduit leur influence dans la région et leur capacité à lutter contre les raids fréquents des Huns, des Avars, des Alains, des Petchénègues, des Coumans, des Khazars et des Mongols. À partir du XVIe siècle ils passèrent sous protectorat ottoman mais préservèrent leur autonomie, leurs coutumes locales et leur structure sociale en clans (tlapq).

Razzia de guerriers circassiens, 1855.
La Circassie en 1750.

Cette absence d'unité coûtera leur indépendance aux Adyguéens ; leur territoire sera peu à peu transféré aux cosaques de l'Empire russe en récompense de leur soutien à Catherine II (1764-1775), dans le cadre des affrontements avec l'Empire ottoman à la fin du XVIIIe siècle et pendant la première moitié du XIXe siècle. Après la guerre de Crimée, les Russes s'attaquèrent aux Tchétchènes et aux Ingouches puis soumirent l'Imam Chamil dans l'est du Caucase en 1859, après quoi ils se mirent, en 1864, à pacifier les Adyguéens comme l'écrivirent les journaux d'Occident : il s'agissait, en fait, de les sédentariser de force, de confisquer leurs troupeaux et leurs terres au profit des colons russes et d'expulser vers l'Empire ottoman, de déporter en Asie centrale ou de massacrer les récalcitrants et les insoumis[3].

Commémoration à Istanbul (Turquie) de l'expulsion du Caucase.

Le [4],[5] est la date retenue par les Adyguéens (ou Tcherkesses) pour commémorer, dans le monde entier, l'anniversaire tragique de leur expulsion du Caucase par les Russes, concernant essentiellement les peuples circassiens (Adyguéens), les Oubykhs, les Abkhazes, exil qui commencera en 1864 et qui se terminera majoritairement en 1867.

De 1917 à 1920, la guerre civile russe fait progressivement passer la région dans l'Union des républiques socialistes soviétiques.

Comme bien d'autres minorités ethniques soumises au pouvoir soviétique, les Adyguéens ont été déportés en masse. Beaucoup s'enfuirent : près d'un million et demi d'entre eux se sont réfugiés en Turquie. La collectivisation communiste a également contribué au déclin de ce peuple[6].

Culture

Intérieur d'une maison circassienne. Publié en 1821, éd. J. Dekeyn.
Circassien portant la tchokha (manteau traditionnel en laine), 1898.

Dans ce peuple cavalier à la culture guerrière, les hommes adultes portaient tous les armes, et les enfants tant garçons que filles étaient entraînés dans l'objectif de devenir des guerriers. La famille était très large, correspondant plutôt à un clan. Les parents confiaient souvent leurs enfants aux bons soins d'adultes plus âgés du clan, plutôt que de les élever eux-mêmes.

Initialement matriarcal, ce peuple a laissé aux femmes un rôle plus important que d'autres peuples musulmans. Elles portaient les armes aux côtés des hommes, et aujourd'hui encore, certaines sont l'objet d'un haut degré de respect et de dignité.

Avant l'invasion russe, la société adyguéenne était très stratifiée. Si certains clans de l'Adyguée étaient plus ou moins égalitaires, beaucoup d'autres étaient divisés en castes fort inégales. La plus haute était la caste des princes, suivie d'une caste de basse noblesse, puis du peuple (roturiers), des serfs et des esclaves (ces derniers le plus souvent capturés chez les populations voisines).

Alphabet circassien. Adamsa123.

Aujourd'hui, la plupart des Adyguéens parlent le russe et/ou leur langue originelle, l'adyguéen : les deux langues s'écrivent en alphabet cyrillique.

Religion

L’ethnographe Léonte Lioul'e (ru) (1805 — 1862) rapporte que les Adyguéens (nommés alors Circassiens) professaient initialement une religion propre, proche du tengrisme, et croyaient au dieu suprême « Ttkhè » (Тхьэ). Du VIe au XVe siècles le christianisme domine : des missionnaires grecs basés à Anacopia créent une église orthodoxe locale et quelques missions catholiques génoises basées en Crimée convertissent aussi certains clans. Après la chute de Constantinople en 1453, les différents clans adyguéens se convertissent peu à peu à l’islam et se rangent sous le protectorat du sultan ottoman. Au XIXe siècle, la majorité des Adyguéens est ainsi devenue sunnite de tendance hanafite.

Clans

Les Adyguéens sont répartis en une douzaine de tlapq (« clans »), symbolisées par les étoiles sur le drapeau actuel. Il s'agit, par ordre alphabétique, des Abkhezes, Besleneïs, Bjédoughs, Chapsoughs, Egueroukaïs, Gatoukaïs, Janeïs, Kabardes, Mamkheghs, Natoukhaïs, Oubykhs et des Témirgoïs[7]. La plupart des Adyguéens vivant dans le Caucase sont des Bjedoughs et des Témirgoys, alors que la majorité des membres de la diaspora sont abzakhes (en) et Chapsoughs. La langue commune adyguéenne est basée sur le dialecte kémirgoy.

Diaspora

Adyguéens d'Israël en habits traditionnels.

On constate la présence des Adyguéens hors des montagnes du Caucase à partir du Moyen Âge (Ve siècle-XVe siècle) : ils sont mentionnés comme mercenaires dans les armées des empires perse, romain, byzantin ou de la Horde d'or. On les trouva ensuite en grand nombre parmi les Mamelouks. La dynastie des sultans burjites a été fondée par des mamelouks de souche adyguéenne. Une bonne partie des femmes choisies pour le harem de la dynastie ottomane furent des Adyguéennes, surtout à partir du XVIIIe siècle.

En jaune, les principales concentrations de Circassiens en Turquie actuelle.

La culture adyguéenne a été en partie perdue après l’invasion russe de 1864[8], qui est également à l’origine de la diaspora de l’ensemble des peuples du nord-ouest du Caucase, connue sous le nom de muhadjirs, vers diverses régions de l’Empire ottoman.

Instruments de musique, Centre du Patrimoine circassien, Kfar Kama, Israël. Photo D. Digger.

Dans la culture populaire

Circassien tenant un cheval, Eugène Delacroix, huile sur toile, vers 1858 (Musée d’Art Fuji, Tokyo).

Une huile sur toile d’Eugène Delacroix de 1858 représentant un Circassien tenant un cheval par la bride est exposée au Musée d’Art Fuji de Tokyo au Japon.

Les Circassiens sont abondamment cités par Lawrence d’Arabie dans son ouvrage Les Sept Piliers de la sagesse, en tant que musulmans aux origines européennes dans la Syrie historique (actuels Liban, Syrie, Jordanie). C’est notamment en se faisant passer pour un Circassien qu’il est fait prisonnier à Deraa.

L'un des principaux protagonistes du roman de la série SAS, Massacre à Amman, le général Khamis Gordour, est un Adyguéen désigné sous le nom de Tcherkesse dans le livre.

Notes et références

  1. (en) Andrew Dalby, Dictionary of Languages: The definitive reference to more than 400 languages, Bloomsbury Publishing, (ISBN 978-1408102145, lire en ligne), p. 136.
  2. C.Gras, Anthracite (Roman), Paris, Stock, , 335 p. (ISBN 978-2-234-07978-6), « Les cosaques du Don ».
  3. « Le retour au Caucase des Tcherkesses du Kosovo », sur RFI, (consulté le )
  4. Delphine Darmency et Constance Desloire, « Le premier génocide contemporain a-t-il eu lieu à Sotchi, avec le massacre des Circassiens le 21 mai 1864? », Journal, (lire en ligne).
  5. Régis Genté, « Les habitants perdus de Sotchi : 1864, l’exil forcé des Circassiens chassés par les Cosaques de l’Empire russe Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/habitants-perdus-sotchi-1864-exil-force-circassiens-chasses-cosaques-empire-russe-regis-gente-990225.html#rFLtaHk7Td3hbUD0.99 », Journal, (lire en ligne).
  6. (en) Stephen Shenfield, « The Circassians: a forgotten genocide? », dans Mark Levene et Roberts Penny, The massacre in history, Oxford et New York, Berghahn Books, coll. « War and Genocide », , 149–162 p..
  7. (en) James Stuart Olson, Lee Brigance Pappas et Nicholas Charles Pappas, An Ethnohistorical dictionary of the Russian and Soviet empires, Greenwood Press, , 152 p. (ISBN 0313274975 et 9780313274978, OCLC 27431039, lire en ligne), p. 15
  8. « Déportation des tatars et des Tcherkesses: la douleur reste vive », sur Agence Anadolu (consulté le ).
  9. Ou « Rehaniya ».
  10. « Les Syriens circassiens rêvent d'une nouvelle vie », Le Figaro,

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Amjad Jaimoukha, The Circassians: A Handbook, New York, Palgrave, (ISBN 978-0-312-23994-7)
  • (ru) Sarabi Mafedzev, Adygi : Obyčai : Tradicii, Izdatel'skij centr "Èl'-fa", Nal'čik, , 355 p. (ISBN 5-88195-455-6)
  • (ru) Valerij Hatakšukovič Pšemurzov, Adygi : istoriâ, kulʹtura, mentalʹnostʹ, Poligrafservis i T., Nalʹčik, , 115 p. (ISBN 5-93680-095-4)
  • (en) Ronald Wixman, « Adygei », dans The Peoples of the USSR: An Ethnographic Handbook, M.E. Sharpe, , 5-6 p. (ISBN 9780765637093)

Articles connexes

Liens externes

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