Abutiu

Le chien égyptien Abutiu (IPA: ʔ-bwit-ʔew)[1], aussi transcrit en Abuwtiyuw, mort avant 2280 av. J.-C.[2], est l'un des premiers animaux domestiques documentés dont le nom est connu. Il est présumé avoir été un chien de garde royal qui vivait durant la VIe dynastie (2345-2181 av. J.-C.), et est connu pour avoir reçu un ensemble funéraire élaboré dans la nécropole de Gizeh, à la demande d'un pharaon dont le nom est inconnu.

Abutiu
ˁbw tjw
avec des oreilles pointues
(présumé)

Une pierre gravée listant les cadeaux offerts par le pharaon pour les funérailles d'Abutiu a été découverte par l'égyptologue George A. Reisner en . Apparemment, c'était une partie de la spoila incorporée dans la structure d'un mastaba de la sixième dynastie, après la démolition de la chapelle funéraire appartenant au propriétaire d'Abutiu, où la pierre avait probablement été initialement installée. La tablette de calcaire blanche mesure 54,2 × 28,2 × 23,2 cm. L'inscription est composé de dix lignes verticales de textes en hiéroglyphes, séparées par des lignes.

Abutiu semble avoir été un greyhound, un chien de chasse léger semblable à un lévrier, avec les oreilles dressées et une queue arrondie. Le tombeau dans lequel sa tablette a été découverte se trouve dans le cimetière G 2100, dans le terrain ouest de Gizeh, à proximité du côté ouest de la grande pyramide.

Antécédents

Statue d'Anubis

Hérodote indique que dans l'ancienne Perse, les chiens étaient des animaux protégés[3], tenu en haute estime au cours de leur vie[4]. Selon les Grecs anciens, les chiens de l’Égypte ancienne étaient traités avec le même respect qu'en Perse, et étaient fréquemment momifiés après leur mort, avant d'être enterrés dans des tombes familiales[4],[5],[6]. Les anciens Éégyptiens et d'autres peuples du Proche-Orient croyaient que les chiens étaient des êtres spirituels, similaires aux humains, et ils étaient « souvent associés à des divinités et aux pouvoirs de celles-ci »[7]. Un certain nombre de sépultures des premières dynasties royales contiennent des tombes de chiens, avec celles des femmes et des serviteurs de la maison royale[8]. Le cimetière d'Ashkelon, dans le district sud d'Israël est peut-être le cimetière canin le mieux documenté du monde antique, mais un très grand nombre de momies de chiens ont été découvertes à travers toute l’Égypte, y compris à Rhoda, en Haute-Égypte[9], à Thèbes, à Abydos, et près de Maghagha[7].

Les anciens Égyptiens momifiaient de nombreuses espèces animales, dont des chats, des gazelles, des crocodiles, des babouins et des oiseaux[10],[11],[12]. Généralement, de nombreuses espèces animales étaient consommées pour leur viande après la mort, mais il est très peu probable que les chiens aient été mangés[13]. Les radiographies de chiens exhumés dans le monde antique ont révélé que le processus de momification impliquait l'emballage des os avec des bandages et leur insertion à l'intérieur d'une statue en bois d'Anubis, le dieu chacal associé à la momification et à l'au-delà dans la religion égyptienne antique[13].

Découverte

La seule source à partir de laquelle Abutiu est connu est une inscription sur une tablette de pierre, qui pourrait provenir de la chapelle funéraire du propriétaire du chien[14]. Cette tablette était apparemment utilisée parmi d'autres comme spolia pour construire un mastaba de la sixième dynastie en environ 2280 av. J.-C.[1],[2]. Elle a été découverte le par l'égyptologue George A. Reisner, lors d'une expédition commune de l'université Harvard et du musée des beaux-arts de Boston, et fut retirée du site quatre jours plus tard[15],[16],[17],[18].

La trouvaille a été enregistrée par le photographe de l'expédition, Mohammedani Ibrahim, qui a pris plus de 9 321 photos grand format sur plaque de verre des expéditions de Reisner[19],[20]. La tablette est conservée au musée égyptien du Caire (numéro d'inventaire JE 67573)[21].

Ni la tombe du chien, ni sa momie n'ont été retrouvées[22]. La tombe dans laquelle la tablette a été mis au jour est dans le cimetière G 2100 à Gizeh, à proximité du côté ouest de la grande pyramide[23],[24]. Elle est en calcaire blanc et mesure 54,2 × 28,2 × 23,2 cm ; le texte est réparti sur dix lignes verticales de hiéroglyphes, séparés les uns des autres par des lignes. Un bout de laisse est visible sur le coin supérieur droit, ce qui suggère que la tablette complète affichait une image de Abutiu avec son propriétaire[22].

Le texte de l'inscription traduit par Reisner décrit les dons fait par le pharaon en hommage à Abutiu pour ses funérailles.

Interprétation

L'image d'un chien Tesem issu de la tombe d'Antef II, v. 2065 av. J.-C.

Bien qu'il soit commun d'enterrer les chiens durant l'antiquité égyptienne, les funérailles de Abutiu étaient très élaborées, un honneur normalement réservé à la classe supérieure des humains[1]. Les cadeaux du pharaon suggèrent que le cadavre a été momifié, comme cela était souvent fait avec des humains à l'époque, dans l'espérance que le ka du défunt entrerait dans l'au-delà grâce à la cérémonie funéraire[25].

Bien qu'aucune image d'Abutiu n'ait été trouvée, le texte le caractérise comme Ṯsm (Tesem), un chien de chasse léger semblable à un lévrier, avec les oreilles dressées et une queue recourbée. Les chiens Tesem figurent dans des représentations prédynastiques, faisant d'elle l'une des plus anciennes races de chien, et des images sont fréquentes tout au long de l'histoire de l'Égypte antique[25]. Selon Reisner, le nom de « Abutiu » n'est pas entièrement traduisible, mais il a supposé que bu (« bu ») serait une représentation onomatopique de l'aboiement du chien, car cette syllabe se retrouve souvent dans les noms de chiens de l’Égypte antique[25]. Edward C. Martin Jr estime que le nom Abutiu, signifie « avec des oreilles pointues », qui correspondent à la description de la race Tesem[2].

Voir aussi

Références

  1. Reisner 1936, p. 96.
  2. Martin 1997, p. 104.
  3. Cavendish 2010, p. 138.
  4. Hastings 2001, p. 512.
  5. Teeter 2011, p. 8.
  6. Hinkler 2006, p. 33.
  7. Morey 2010, p. 182.
  8. Spence 2008, p. 23.
  9. Gardner Wilkinson 1837, p. 33.
  10. Velde et Dijk 1997, p. 56.
  11. Detweiler 2004, p. 170.
  12. Lucas 2003, p. 349.
  13. Ikram 2005, p. 24.
  14. Reisner 1936, p. 97–98.
  15. Hayes 1990, p. 65.
  16. Zahradnik 2009, p. 207.
  17. G2188 Y.
  18. G2188.
  19. Photos: Abutiu.
  20. Ragovin 2007.
  21. « Ancient History Basics », Telemachus Ancient History Mentor Program, Department of Ancient History, Faculty of Arts, université Macquarie (consulté le )
  22. Reisner 1936, p. 96–97.
  23. Miller 2012, p. 154.
  24. Leach 1961, p. 283.
  25. Reisner 1936, p. 99.

Bibliographie

  • (en) Cavendish, Ancient Egypt and the Near East: An Illustrated History, Marshall Cavendish, (ISBN 978-0-7614-7934-5, lire en ligne)
  • (en) Laurie Detweiler, Old Testament and Ancient Egypt Teacher's Manual, Veritas Press, (ISBN 978-1-932168-28-0, lire en ligne)
  • (en) « G 2188 Y », Giza Diary, 1935, (consulté le )
  • (en) « G 2188 », Giza Diary, 1935, (consulté le )
  • (en) Sir John Gardner Wilkinson, Manners and Customs of the Ancient Egyptians, (lire en ligne)
  • (en) James Hastings, Encyclopaedia of Religion and Ethics: Algonquins-Art, Elibron.com, (ISBN 978-1-4021-9433-7, lire en ligne)
  • (en) William Christopher Hayes, The Scepter of Egypt: From the Earliest Times to the End of the Middle Kingdom, Metropolitan Museum of Art, (ISBN 978-0-87099-190-5, lire en ligne)
  • (en) Hinkler, Discover Ancient Egypt, Hinkler Books, Penton Overseas, Inc, (ISBN 978-1-74157-524-8, lire en ligne)
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  • (en) Maria Leach, God Had A Dog: Folklore of the Dog, Rutgers University Press, (lire en ligne), p. 283
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  • (en) Steven Miller, Dogs in Australian Art, Wakefield Press, (ISBN 978-1-74305-017-0, lire en ligne)
  • (en) Darcy F. Morey, Dogs: Domestication and the Development of a Social Bond, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-76006-5, lire en ligne)
  • (en) « Photos: Abutiu », The Giza Archives, musée des beaux-arts de Boston (consulté le )
  • (en) Helene Ragovin, « Finding the Pharaohs », Tufts Magazine, (lire en ligne, consulté le )
  • (en) George Andrew Reisner, « The Dog Which Was Honored by the King of Upper and Lower Egypt », Bulletin of the Museum of Fine Arts, Boston, vol. 34, no 206, , p. 96–99 (JSTOR 4170605)
  • (en) Lewis Spence, Myths & Legends of Ancient Egypt, Wildside Press, (1re éd. 1915) (ISBN 978-1-4344-7391-2, lire en ligne)
  • (en) Emily Teeter, Religion and Ritual in Ancient Egypt, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-84855-8, lire en ligne)
  • (en) Herman te Velde et Jacobus van Dijk, Essays on Ancient Egypt in Honour of Herman Te Velde, BRILL, (ISBN 978-90-5693-014-1, lire en ligne)
  • (de) Eveline Zahradnik, Der Hund als geliebtes Haustier im Alten Ägypten anhand von bildlichen, schriftlichen und archäologischen Quellen: Altes und Mittleres Reich, Pro Business, (ISBN 978-3-86805-408-8, lire en ligne)

Liens externes

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