Abstention électorale en France

Cet article fournit diverses informations et statistiques sur l'abstention lors d'élections en France.

La participation aux élections en France subit une érosion continue.

Cadre légal

En France, le vote n'est pas obligatoire au sens juridique : « voter est un droit, c'est aussi un devoir civique » est inscrit sur les cartes électorales[1]. Il n'est obligatoire qu'aux élections sénatoriales pour les grands électeurs (députés et conseillers municipaux, départementaux et régionaux) qui se voient, en cas d’abstention, infliger une amende de 100 euros depuis une loi votée en 2004[2].

Calcul du taux d'abstention

Le taux d'abstention peut être calculé de différentes manières. En France, le ratio est établi en rapportant le nombre des citoyens s'étant abstenus (autrement dit, les personnes ne s'étant pas déplacées) lors d'un vote au nombre de ceux inscrits sur les listes électorales, à la date du scrutin. Les personnes n'étant pas inscrites sur les listes électorales ne sont donc pas comptées dans les abstentions. Les votes blancs et nuls ne sont pas non plus comptabilisés dans les chiffres de l'abstention.

Dans une étude parue début 2015, le chercheur en sciences politiques Vincent Pons affirme que : « Nous avons souvent tendance à surestimer les motifs politiques de l’abstention, alors que la composante sociologique est également très forte ». Alors que la participation est homogène en 2012, la participation oscille au niveau national entre 64 % et 94 % (soit une amplitude de 30 %), en 2014, le spectre s'élargit entre 34 % et 82 % (soit 48 % d'amplitude) en prenant appui sur l'élection présidentielle de 2012 et européennes de 2014. S'appuyant sur le cas non spécifique de Perpignan et du département des Pyrénées-Orientales, il observe que l'amplitude est d'autant plus importante que la participation globale est faible, notamment dans les zones urbaines. Ainsi le différentiel passe de 4 points en 2012 à 9 points en 2014 pour les Pyrénées-Orientales. Dans le cas de la ville de Perpignan, il observe qu'en 2014 le reflux frappe particulièrement les zones où le parti vainqueur de la présidentielle de 2012 s'était imposé[3].

Estimation des non-inscrits

L'inscription sur les listes électorales est obligatoire en vertu de l’article L9 du code électoral, mais aucune sanction n'est prévue. Depuis 1997[4], la loi prévoit l’inscription d’office sur la liste électorale de la commune du domicile des personnes qui remplissent les conditions d’âge requises. Cela concerne les jeunes dans l’année suivant leur majorité électorale[5].

Selon plusieurs études de l'Insee, en y ajoutant les personnes qui ignorent qu'elles sont inscrites sur les listes électorales, environ 4,9 millions de Français ne sont pas inscrits ou croient ne pas l'être (données 2004), chiffre qui varie entre 10 % et 13,3 % du corps électoral sur les neuf dernières années.

En 2007, on estimait que le corps électoral comprenait 44,5 millions d'électeurs[6] pour 62 millions d'habitants.

En 2016, on estimait que le corps électoral comprenait 44,834 millions d'électeurs pour 66 millions d'habitants.[réf. nécessaire]

En 2018, on estimait que le corps électoral comprenait 45,448 millions d'électeurs pour 67 millions d'habitants.[7]

Au , le corps électoral comprenait 47,148 millions d'électeurs pour 67 millions d'habitants[8]

Raisons de l'abstention

Vue de la cité des Cosmonautes à Saint-Denis.

Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen ont étudié sur une longue durée la cité des Cosmonautes à Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris[9],[10].

En France, l'abstention est influencée par un sentiment de non-représentation politique, sur quatre points :

  • l’alternance politique semble assez inutile lorsqu'elle ne résout pas des problèmes majeurs comme le chômage.[réf. nécessaire]
  • la méfiance de la population française par rapport aux politiques en raison du nombre croissant de scandales et d'affaires financières.[réf. nécessaire]
  • le comportement des partis politiques éloigne les politiciens des problèmes réels de la société.[réf. nécessaire]
  • le désengagement des électeurs.[réf. nécessaire]

Le niveau de la catégorie socio-professionnelle affecte l’abstentionnisme en France : les CSP « basses » s'abstiennent plus alors que les CSP niveau d’études élevé s'impliquent davantage.[réf. nécessaire]

La religion a également un impact : les catholiques s'abstiennent moins que les protestants.[réf. nécessaire]

Alors que le second tour des élections législatives de 2017 établit un nouveau record d'abstention pour ce type de scrutin, Céline Braconnier estime qu'elle a été favorisée par le profil jusqu'alors peu clivant du président de la République Emmanuel Macron : « Beaucoup nous disent s’attendre à "en prendre plein la tête". Mais Emmanuel Macron n’est pas assez clivant pour les mobiliser contre lui. Ces abstentionnistes sont dans une indifférence teintée d’appréhension mais pas dans l’opposition[11] ». L'abstention est particulièrement forte chez les moins de 30 ans : « Les jeunes ne vont plus voter quand ils ne comprennent pas pourquoi on leur demande de se rendre aux urnes. Les personnes âgées, elles, y vont encore par devoir et n’arrivent pas à entraîner leurs enfants. Pour la présidentielle [2017], on a vu voter des familles. Là, seulement les parents[11] ».

Impact socio-politique de l'abstention

Les chercheurs en sciences politiques Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen remarquent lors de la présidentielle de 2017 que les deux bureaux test qu'ils étudient au long cours, l'un dans le quartier parisien du Marais l'autre dans le quartier des Cosmonautes à Saint-Denis que la participation atteignait 85,3 % dans le premier et seulement 65,2 % à Saint-Denis. Ils notent qu'un retraité, diplômé du supérieur, âgé entre 65 et 70 ans, avait ainsi 98 % de chances d’avoir voté au premier tour de la présidentielle de 2012, quand une ouvrière non diplômée, ayant entre 18 et 24 ans, présentait 33 % de risques de s’être abstenue. La jeunesse, l'absence d’études, ainsi que le fait d'appartenir aux classes populaires sont autant de facteurs qui favorisent l’abstention[12]. Si le bureau étudié à Saint-Denis a placé Jean-Luc Mélenchon en tête avec 48,5 % des voix et celui de Paris Emmanuel Macron avec 46,1 % des suffrages, les chercheurs remarquent que le différentiel de participation profite au candidat d'En marche ![12].

Taux d'abstention

Élections européennes

DateAbstention
26 mai 201949,88 %
25 mai 201457,57 %
7 juin 200959,37 %
13 juin 200457,24 %
13 juin 199953,24 %
12 juin 199447,24 %
10 juin 198951,2 %
17 juin 198443,28 %
12 juin 197939,29 %

Élections présidentielles

AnnéeDateAbstention
201723 avril (premier tour)22,23 %[13]
7 mai (second tour)25,44 %
201222 avril (premier tour)20,52 %
6 mai (second tour)19,65 %
200722 avril (premier tour)16,23 %
6 mai (second tour)16,03 %
200221 avril (premier tour)28,4 %
5 mai (second tour)20,29 %
199523 avril (premier tour)21,6 %
7 mai (second tour)20,3 %
198824 avril (premier tour)18,6 %
8 mai (second tour)15,9 %
198124 avril (premier tour)18,9 %
10 mai (second tour)14,1 %
19745 mai (premier tour)15,8 %
19 mai (second tour)12,7 %
19691er juin (premier tour)22,4 %
15 juin (second tour)31,1 %
19655 décembre (premier tour)15,2 %
19 décembre (second tour)15,7 %

Élections législatives

AnnéeDateAbstention
201711 juin (premier tour)51,3 %[14]
18 juin (second tour)57,36 %
201210 juin (premier tour)42,78 %
17 juin (second tour)44,59 %
200710 juin (premier tour)39,6 %
17 juin (second tour)40,0 %
20029 juin (premier tour)35,6 %
16 juin (second tour)39,7 %
199725 mai (premier tour)32 %
1er juin (second tour)28,9 %
199321 mars (premier tour)30,8 %
28 mars (second tour)32,4 %
19885 juin (premier tour)34,3 %
12 juin (second tour)30,1 %
198616 mars21,5 %
Pas de second tour : scrutin à la proportionnelle
198114 juin (premier tour)29,1 %
21 juin (second tour)24,9 %
197812 mars (premier tour)16,8 %
19 mars (second tour)15,1 %
19734 mars (premier tour)18,7 %
11 mars (second tour)18,2 %
196823 juin (premier tour)20 %
30 juin (second tour)22,2 %
19675 mars (premier tour)18,9 %
12 mars (second tour)20,3 %
196218 novembre (premier tour)31,3 %
25 novembre (second tour)27,9 %
195823 novembre (premier tour)22,8 %
30 novembre (second tour)25,2 %

Lors du second tour des législatives de 2017, aucun électeur du village drômois de Pennes-le-Sec n'a émis de bulletin de vote[15].

Référendums

DateSujetAbstention
29 mai 2005Traité établissant une constitution pour l'Europe30,6 %
24 septembre 2000Quinquennat69,8 %
20 septembre 1992Approbation du Traité de Maastricht30,3 %
3 novembre 1988Statut de la Nouvelle-Calédonie63,1 %
23 avril 1972Élargissement des Communautés européennes39,8 %
27 avril 1969Création des régions et réforme du Sénat19,9 %
28 octobre 1962Élection du président de la République au suffrage universel direct23 %
8 avril 1962Accords d'Évian sur l'indépendance de l'Algérie24,7 %
8 janvier 1961Autodétermination en Algérie26,3 %
28 septembre 1958Approbation de la Constitution de la Cinquième République19,4 %

Élections régionales

AnnéeDateAbstention
202120 juin (premier tour)66,72 %
27 juin (second tour)65,31 %[16]
20156 décembre (premier tour)50,09 %
13 décembre (second tour)41,59 %
201014 mars (premier tour)53,67 %
21 mars (second tour)48,79 %
200421 mars (premier tour)39,16 %
28 mars (second tour)34,34 %
199815 mars (unique tour)41,97 %
199222 mars (unique tour)31,37 %
198616 mars (unique tour)21,73 %

Élections départementales

AnnéeDateAbstention
202120 juin (premier tour)66,68 %
27 juin (second tour)65,64 %
201522 mars (premier tour)49,83 %[17]
29 mars (second tour)50,02 %
201120 mars (premier tour)55,68 %
27 mars (second tour)55,23 %
20089 mars (premier tour)35,11 %
16 mars (second tour)44,55 %
200421 mars (premier tour)36,09 %
28 mars (second tour)33,52 %
200111 mars (premier tour)34,52 %
18 mars (second tour)43,75 %

Consultations locales

DateSujetAbstention
Référendum sur la Collectivité territoriale d'Alsace64,04 %
2e Référendum sur l'autonomie de la Martinique64,19 %
2e Référendum sur l'autonomie de la Guyane72,58 %
1er Référendum sur l'autonomie de la Martinique44,65 %
1er Référendum sur l'autonomie de la Guyane51,84 %
Consultation locale sur la modification de statut territorial en Martinique56,06 %
Consultation locale sur la modification de statut territorial en Guadeloupe49,66 %
Consultation locale sur la modification de statut territorial à Saint-Barthélemy21,29 %
Consultation locale sur la modification de statut territorial à Saint-Martin55,82 %
Consultation locale sur la modification du statut territorial de la Corse39,17 %

Élections municipales

AnnéeDateAbstention
2020Premier tour55,25 %
Second tour58,6 %
2014Premier tour36,45 %
Second tour37,87 %
2008Premier tour33,46 %
Second tour34,8 %
2001Premier tour32,6 %
Second tour31 %
1995Premier tour30,6 %
Second tour30 %
1989Premier tour27,2 %
Second tour26,9 %
1983Premier tour21,6 %
Second tour20,3 %
1977Premier tour21,1 %
Second tour22,4 %
1971Premier tour24,8 %
Second tour26,4 %
1965Premier tour21,8 %
Second tour29,2 %
1959Premier tour25,2 %
Second tour26,1 %

Abstentions lors des scrutins de 2017

En 2017, l'abstention lors de la présidentielle s'est élevée à 22,23 % le (premier tour) et à 25,44 % le (second tour) soit plus d'un électeur français sur quatre[18].

Les électeurs ont pu voter lors de 4 scrutins : deux pour l’élection présidentielle et deux pour les élections législatives. L’INSEE a analysé les abstentions lors de ceux-ci[19] : 14 % des électeurs se sont abstenus à tous les tours de scrutin et 86 % ont voté à au moins un des quatre tours ; 35 % ont voté à tous les tours des élections et 51 % ont voté par intermittence. Deux inscrits sur dix n’ont voté qu’aux deux tours de la présidentielle. Les élections législatives mobilisent beaucoup moins que la présidentielle : 85 % des inscrits ont voté au moins une fois à la présidentielle contre 58 % aux législatives. Les inscrits qui s’abstiennent systématiquement aux élections de 2017 sont plus souvent jeunes (moins de 30 ans) ou âgés (80 ans ou plus), ils sont aussi plus souvent sans diplôme, ils ont un niveau de vie plus faible et sont plus souvent inactifs ou ouvriers que les autres inscrits.

Notes et références

  1. « Le droit de vote est-il un devoir ? », sur vie-publique.fr, (consulté le )
  2. « Article L318 », sur legifrance.gouv.fr (consulté le )
  3. hélène Bekmezian, « L’abstention et ses territoires », lemonde.fr, (consulté le )
  4. Loi no 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales
  5. Listes électorales : inscription d'office à 18 ans vosdroits.service-public.fr
  6. Chiffres mars 2007, pour les présidentielles, Jean-Dominique Merchet « 44 508 024 voix prêtes à se faire entendre », dans Libération du 28/03/2007, [lire en ligne]
  7. « Recul du nombre d’électeurs en 2018 - Insee Focus - 112 », sur www.insee.fr (consulté le )
  8. « 47,1 millions d’électeurs présents en avril 2019 sur les listes électorales françaises - Insee Focus - 154 », sur www.insee.fr (consulté le )
  9. Braconnier Céline, Dormagen Jean-Yves, La démocratie de l’abstention, Paris, Gallimard, 2007
  10. Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, « Ce que s’abstenir veut dire : Une autre forme d’expression politique », Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
  11. Lilian Alemagna, « Céline Braconnier : «Macron n’est pas assez clivant pour mobiliser contre lui» », liberation.fr, (consulté le )
  12. Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, « La croissance des inégalités de participation n’épargne pas la présidentielle », lemonde.fr, (consulté le )
  13. Ministère de l'Intérieur, « Election présidentielle 2017 », sur elections.interieur.gouv.fr (consulté le )
  14. Résultats globaux des législatives fournis par le ministère de l'intérieur
  15. Gérard Méjean, « Législatives : le village aux 100 % d’abstention », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  16. « Régionales et départementales 2021 : vers un nouveau record d'abstention au second tour », sur LEFIGARO (consulté le )
  17. « Résultats des élections départementales 2015 », sur https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Departementales/elecresult__departementales-2015 (consulté le ).
  18. Sarah Belouezzane, « Présidentielle 2017 : abstention record pour un second tour depuis l’élection de 1969 », Le Monde, (lire en ligne).
  19. Guillemette Buisson et Sandrine Penant, division Enquêtes et études démographiques, INSEE PREMIÈRE n°1670, « Élections présidentielle et législatives de 2017 : neuf inscrits sur dix ont voté à au moins un tour de scrutin », sur insee.fr, (consulté le )

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