AIDA (mission spatiale)

AIDA est une mission spatiale dont l'objectif est de tester le recours à un engin de type impacteur pour dévier un astéroïde qui serait susceptible de frapper la Terre. Ce programme, étudié en 2015 conjointement par la NASA et l'Agence spatiale européenne (ESA), prévoyait le lancement à destination de l'astéroïde binaire (65803) Didymos de deux engins spatiaux : l'impacteur DART, développé par la NASA et chargé de s'écraser à grande vitesse sur Dimorphos, le plus petit des deux astéroïdes ; et l'orbiteur AIM, développé par l'ESA, qui doit mesurer les effets de l'impact. Après une phase d'évaluation dans les deux agences spatiales, l'Agence spatiale européenne décide fin 2016 de renoncer à son développement. La NASA décide de poursuivre seule le développement de l'impacteur DART en confiant à des observatoires terrestres le rôle dévolu dans le scénario initial au satellite AIM développé par l'ESA. L'Agence spatiale européenne doit décider d'ici 2019 si elle développe la mission Hera qui remplace AIM. Hera serait lancé en 2023 et étudierait les effets de l'impact de DART sur Dimorphos trois ans après que celui-ci se soit produit.

Contexte

Chaque année, environ 54 tonnes de matériaux en provenance de l'espace tombent sur Terre dont un astéroïde de 1 mètre de diamètre. Mais il existe environ 1000 objets géocroiseurs d'un diamètre supérieur à un kilomètre qui circulent sur une orbite de 1,3 Unité Astronomique ou moins, susceptibles de s'écraser sur la Terre avec des effets qui pourraient mettre fin à toute civilisation. Toutefois, ce type d'événement ne survient en moyenne qu'une fois par million d'années. Par contre, les astéroïdes géocroiseurs de 50 mètres de diamètre, qui se comptent par centaines de milliers, frappent la Terre en moyenne une fois par siècle ou millénaire. Le dernier impact de cette catégorie recensé est l'Événement de la Toungouska survenu en 1908[1].

L'humanité dispose des technologies permettant d'éviter qu'un astéroïde de grande taille vienne frapper la Terre. Le Congrès américain a demandé à l'agence spatiale américaine, la NASA, d'identifier 90 % des objets potentiellement dangereux de plus de 140 mètres de diamètre. Le travail de recensement a débuté en ayant recours à la fois à des télescopes terrestres et des instruments basés dans l'espace. Dans le cadre de ce projet, la taille, la forme, la période de rotation, la composition et d'autres caractéristiques des objets géocroiseurs sont mesurés. Plusieurs stratégies sont envisagées pour dévier un astéroïde qui constituerait une menace certaine pour la Terre. Certaines, comme le tracteur gravitationnel ou la modification de l'albédo permettant l'utilisation de l'effet Yarkovsky, nécessitent d'intervenir dix ans ou plus avant la collision. Pour cette raison, l'utilisation de techniques dites impulsionnelles (exerçant une poussée) sont préférées. Le recours à des bombes nucléaires est possible mais est politiquement difficile à défendre et présente d'autres inconvénients. La technique de l'impacteur cinétique non nucléaire permettant de dévier légèrement la trajectoire a la préférence de la communauté scientifique[1].

Historique du programme AIDA

Les premiers projets d'impacteur : Don Quijote et NEO-Shield

En 2005-2007, l'Agence spatiale européenne étudie le programme de mission Don Quichotte dont l'objectif est de démontrer qu'il est possible de dévier un astéroïde en utilisant l'énergie cinétique fournie par un impacteur et de mesurer les effets de cet impact. Le programme ne se concrétise pas pour des raisons de cout mais la nécessité d'effectuer un tel test demeure car il subsiste beaucoup d'incertitudes sur les effets de l'impact d'un engin spatial car le recul lié aux éjectats est mal modélisé. En 2012, l'Union européenne lance le financement de « NEO-Shield » (bouclier NEO), qui constitue une version de la mission Don Quijote à la fois moins couteuse et plus flexible. Ce programme prévoit d'envoyer un orbiteur autour de l'astéroïde afin de mieux connaître ses caractéristiques (masse, vitesse, position) puis de dévier sa trajectoire initiale. Début 2013 l'Agence spatiale européenne et la NASA décident de développer une mission conjointe comprenant un impacteur baptisé DART (Double Asteroid Redirection Test) développé sous la supervision de l'agence spatiale américaine et un orbiteur AIM (Asteroid Impact Monitoring) développé par l'ESA et chargé d'analyser les effets de l'impact.

Abandon du projet AIM

En l'Agence spatiale européenne décide d'abandonner sa participation au projet, c'est-à-dire le développement de AIM à la suite d'une décision de l'Allemagne de ne financer que le projet ExoMars. Le financement n'est bouclé qu'à 70%. La NASA par contre choisit de poursuivre le développement de DART. Dans ce nouveau scénario le rôle rempli par AIM est repris par des observatoires terrestres[2].

Le projet Hera

A la demande de plusieurs pays membres l'agence spatiale européenne reprend les études d'un remplaçant pour AIM qui est baptisé Hera. Celui-ci reprendrait tous les objectifs assignés à AIM. Hera serait lancé en 2023 et étudierait les effets de l'impact de Dart sur Didymos trois ans après que celui-ci se soit produit. Cette proposition est à l'étude et l'accord pour son développement sera donné en 2019[3].

Concept de la mission et objectifs

Le projet de mission AIDA prévoit le lancement de deux engins spatiaux :

  • l'impacteur DART (Double Asteroid Redirection Test) dont l'étude est réalisée par l'Applied Physics Laboratory de l'université Johns Hopkins avec l'assistance de plusieurs centres spatiaux de la NASA ;
  • L'orbiteur AIM (Asteroid Impact Monitoring) développé par l'Agence spatiale européenne.

AIDA est la contraction des acronymes désignant les deux engins spatiaux AIM et DART. L'impacteur DART doit venir frapper le membre le plus petit (150 mètres de diamètre) de l'astéroïde binaire. Le choix de ce type d'astéroïde permet de mesurer avec une précision de 10 % le changement de période en utilisant des moyens d'observations terrestres. La vitesse d'impact serait de 6,25 km/s. L'impact devrait produire un changement de la période de rotation de l'astéroïde compris entre 0,6 et 1 %. L'engin spatial AIM doit fournir des résultats complémentaires en observant le cratère d'impact. La mission AIDA doit fournir des données essentielles sur l'efficacité du transfert de moment liée à l'impact cinétique ainsi que des caractéristiques physiques essentielles de l’astéroïde.

Schéma représentant le déroulement de la mission.

L'orbiteur AIM

AIM doit être développé par l'agence spatiale européenne. L'engin spatial aurait une masse à vide de 420 kg à laquelle s'ajouterait 292 kg d'ergols. L'énergie est fournie par deux panneaux solaires fixes déployés en orbite d'une superficie totale de 5,6 m2 fournissant chacun 165 watts à 2,2 Unités Astronomiques du Soleil. Le système de propulsion utilise 24 petits moteurs-fusées à ergols liquides fournissant une poussée unitaire de 10 newtons et brulant un mélange MMH/MOM[4]. La charge utile pour AIM consiste en une caméra dotée d'un téléobjectif, un altimètre laser, un imageur fonction en infrarouge thermique et un spectromètre observant dans le proche infrarouge. Un sismomètre pourrait être également déployé à la surface de l'astéroïde visé[5]. AIM doit également emporter un petit atterrisseur de la taille d'une boite à chaussures MASCOT-2 s'inspirant de l'engin MASCOT développé par l'agence spatiale allemande, la DLR, pour la mission Hayabusa-2. Cet engin emportera comme son prédécesseur un spectromètre infrarouge pour analyser la composition de la surface de l'astéroïde, une caméra grand angle pour filmer l'atterrissage et la structure fine du sol ainsi qu'un radiomètre pour mesurer sa température. Contrairement à son prédécesseur, il comportera des panneaux solaires pour lui permettre de fonctionner durant plusieurs semaines[6].

L'impacteur DART

DART (Double Asteroid Redirection Test) est un engin d'environ 300 kg conçu pour dévier la trajectoire de l'astéroïde de manière mesurable. Sa conception est confiée à l'Applied Physics Laboratory de l'université Johns Hopkins avec le soutien de plusieurs centres de recherche de la NASA. DART est réalisé à partir de composants déjà utilisés sur des engins spatiaux lancés précédemment ou d'éléments achetés sur étagère. La propulsion est de type monoergol liquide et fournit un delta-V de 100 m/s. La masse avec ergols est de 235 kg (marge à la conception de 30 %) auquel est ajouté un ballast aboutissant à un poids total qui peut atteindre 330 kg compte tenu des capacités du lanceur Minotaur retenu. La sonde spatiale doit disposer de 202 watts d'énergie électrique. Elle est équipée d'une antenne parabolique de 1 mètre de diamètre et les données télémétriques sont transmises en bande X. DART est stabilisé 3 axes. La disposition des composants est optimisée pour la phase finale de la mission avec une antenne, des panneaux solaires et une caméra fixes. Aucun appendice ne doit être déployé en orbite. L'engin spatial sera équipé d'une caméra LORRI dotée d'un téléobjectif lui permettant de frapper l'astéroïde avec une précision de 1 % par rapport au diamètre[7].

L’astéroïde Didymos

L’astéroïde (65803) Didymos est un des 158 systèmes astéroïdaux identifiés dans le système solaire[8]. Didymos est un astéroïde géocroiseur de type Apollo avec un périgée légèrement inférieur à l'apogée terrestre. Il est composé d'un corps primaire de 750 mètres de diamètre dont la période de rotation est de 2,3 heures et d'un corps secondaire nommé Dimorphos. Ce dernier, d'un diamètre de 170 mètres, est en orbite autour du primaire à une distance de 1,2 km avec une période de 12 heures[9].

Notes et références

Références

  1. (en) A.F. Chang et all, « Aida : Asteroid impact & deflection assessment »,
  2. (en) Jeff Foust, « NASA presses ahead with asteroid mission despite ESA funding decision », sur spacenews.com,
  3. (en) « Hera : The story so far », Agence spatiale européenne (consulté le )
  4. (en) « Asteroid Impact Mission > Spacecraft », sur ESA (consulté le )
  5. (en) « Asteroid Impact Mission > Payload », sur ESA (consulté le )
  6. (en) « Asteroid Impact Mission > Lander », sur ESA (consulté le )
  7. (en) ESA, ASTEROID IMPACT & DEFLECTION ASSESSMENT (AIDA) MISSION, ESA, , 42 p. (lire en ligne), p. 14-16
  8. (en) D.C. Richardson et all, « Didymosas a binary asteroid »,
  9. (en) « Asteroid Impact Mission > Target asteroid », sur ESA (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Andrew Cheng et al., « AIDA Concept Overview », xxx, , p. 1-21 (lire en ligne)
  • (en) ESA, ASTEROID IMPACT & DEFLECTION ASSESSMENT (AIDA) MISSION, ESA, (lire en ligne)
    Rapport intermédiaire de l'ESA sur la mission AIDA
  • Jean-Sébastien Steyer et Roland Lehoucq, « Impact ! La menace venue de l'espace », Pour la Science, no 511, , p. 52-57

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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