Œnôtres

Les Œnôtres furent un peuple de l'Italie antique qui occupèrent le territoire qui correspond aux actuelles régions de la Basilicate et de la Calabre ainsi que le Cilento (province de Salerne) vers le VIe siècle av. J.-C.

Selon Denys d'Halicarnasse et d'autres historiens grecs, ils seraient originaires du Péloponnèse et de la même ethnie que les Arcadiens, premiers habitants de la Grèce continentale de souche hellène. Les Œnôtres chassèrent d'abord les Sicules avant d'être chassés ou assimilés à leur tour par les Lucaniens apparentés aux Samnites au Ve siècle. D'après Pausanias le Périégète[1], ils devaient leur nom à Œnotros (en latin : Œnōtrus, -i), le fils puiné de Lycaon et le frère de Nyctimos. Le poète latin Virgile rappelle que l'un de leurs rois, Italos, devint un législateur si apprécié pour sa justice et sa manière de gouverner, que son peuple appela ses territoires du nom d'Italie en son honneur, à sa mémoire[2].

D'après Denys d'Halicarnasse toujours, Lycaon, roi d'Arcadie, aurait eu vingt-deux fils et aurait divisé son royaume en autant de parts. N'étant pas satisfait de leurs parts respectives, les deux frères Œnotros (« riche en vin ») et Peucetios (« riche en beauté ») quittèrent le Péloponnèse pour s'établir en Italie. Des Arcadiens et d'autres Grecs les accompagnèrent. Ils équipèrent une flotte et traversèrent la mer Ionienne. Peucetios débarqua au promontoire d'Iapygie, la première région de l'Italie qu'ils rencontrèrent, et s’y installa. C’est de lui que les habitants de cette région prirent le nom de Peucétiens. Mais Œnotros, avec une grande partie de l'expédition, parvint à la mer Ausonienne. Trouvant là beaucoup de terres convenant soit au pâturage soit au labourage, et pour la plupart inoccupées ou fort peu peuplées, il s'y installa. Il en chassa les habitants Sicules et construisit de petites villes contiguës les unes aux autres sur les montagnes. Le territoire qu'il occupa prit le nom d'Œnôtrie et ses habitants celui d'Œnôtres.

D'après l’Histoire naturelle de Pline l'Ancien[3], la Lucanie et le Bruttium, qui formaient la troisième région augustéenne d'Italie, auraient été occupés par les Pélasges, les Œnôtres, les Itales, les Morgètes, les Sicules, les Grecs surtout, et en dernier lieu par les Lucaniens, issus des Samnites et conduits par Lucius. En face de Vélie, les îles de Pontia et Ischia étaient connues sous le nom d'Œnotrides, et Pline l'Ancien[4] y voyait la preuve que l'Italie avait été possédée par les Œnôtres. Enfin, le territoire que les Grecs appelèrent Messapie, de Messapius, le chef des Messapiens, aurait d'abord porté le nom de Peucétie, de Peucetios, le frère d'Œnotrus[5].

L’auteur grec Strabon nous rapporte dans sa Géographie que « avant l’arrivée des colonies grecques, c’est-à-dire à une époque où la nation lucanienne n’existait même pas encore, c’étaient les Chônes et les Œnôtres qui y dominaient »[6]. Plus loin dans le même texte, il nous précise, en s’appuyant pour cela sur Antioche, que les Chônes constitueraient une subdivision, une tribu de ces Œnôtres, une « nation œnôtrienne déjà fort civilisée »[7]. Aristote dans sa Politique semble confirmer cette origine œnôtre des Chônes[8].

Les Œnôtres avaient aussi la réputation d'être de grands cultivateurs de vigne et c'est peut-être l'étymologie de leur nom.

Parmi leurs cités, on connait Cosenza et Pandosia.

Notes et références

  1. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (L, VIII) : Arcadie (3, 5)
  2. Virgile, Énéide [détail des éditions] [lire en ligne] (Chant I, vers 235 et passim)
  3. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (III, 10, 1)
  4. Pline l'Ancien, op. cit., III, 13, 3.
  5. Pline l'Ancien, op. cit., III, 16, 1.
  6. Strabon, Géographie, VI, 1, 2.
  7. Strabon, Géographie, VI, 1, 4.
  8. Aristote, Politique, IV(VII), 1329b.

Bibliographie

  • Bianco S. et Preite A., « Identificazione degli Enotri », Mélanges de l'École française de Rome - Antiquité, 126–2, , consulté le  ; DOI : 10.4000/mefra.2438
  • Dominique Briquel, « Denys, témoin de traditions disparues : l'identification des Aborigènes aux Ligures », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, T. CI, no 1, 1989, p. 97-111 [(fr) texte intégral (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Dominique Briquel, « Le problème des Dauniens », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, T. LXXXVI, no 1, 1974. p. 7-40 [(fr) texte intégral (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Dominique Briquel, « Le regard des Grecs sur l'Italie indigène », dans Crise et transformation des sociétés archaïques de l'Italie antique au Ve siècle av. J.-C. (Actes de la table ronde de Rome, 19-), Rome, École Française de Rome, 1990, p. 165-188 [(fr) texte intégral (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Mario Denti, « Potiers œnôtres et grecs dans un espace artisanal du VIIe siècle av. J.-C. à l'Incoronata », La concentration spatiale des activités et la question des quartiers spécialisés, actes de la conférence tenue à Lille en décembre 2009, [(fr) notice bibliographique (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Mario Denti, « Les phases œnôtres du VIIIe siècle av. J.-C. à l'Incoronata : nouvelles perspectives pour la connaissance des relations entre Grecs et Indigènes à l’âge du Fer  », Communication à la Journée du Centre de Recherche en Archéologie, Archéoscience, Histoire (CReAAH) du 28 mars 2009, p. 11-14 [(fr) notice bibliographique (page consultée le 17 mars 2012)] et [(fr) texte intégral (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Mario Denti, « Premiers contacts entre Grecs et Œnôtres en Basilicate avant la colonisation : l'Incoronata », dans Y. Rivière (sous la direction de), De la Grèce à Rome : Tarente et les lumières de la Méditerranée, 2009, 56 p. [(fr) notice bibliographique (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Mario Denti, « Nouvelles perspectives à l'Incoronata : les phases œnôtres du VIIIe et une zone artisanale gréco-indigène du VIIe siècle av. J.-C. », Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, T. CXXI, no 1, 2009, p. 350-360 [(fr) notice bibliographique (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Mario Denti, « Un contesto produttivo enotrio della prima metà del VII secolo a.C. all'Incoronata », dans M. Bettelli, C. De Faveri, M. Osanna (sous la direction de), Prima delle colonie. Organizzazione territoriale e produzioni ceramiche specializzate in Basilicata e in Calabria settentrionale ionica nella prima età del ferro (Atti delle Giornate di Studio, Matera 20-21 novembre 2007), Venosa, 2008, p. 111-138.
  • Mario Denti, « Des Grecs très indigènes et des indigènes très grecs. Grecs et Œnôtres dans au VIIe siècle av. J.-C. », dans P. Rouillard (sous la direction de), Portraits de migrants, portraits de colons I, Actes du Colloque international, Paris, Maison René-Ginouvès, juin 2008, Paris, 2009, p. 77-89.
  • Maria Cecilia d'Ercole, « Identités, mobilités et frontières dans la Méditerranée antique : l’Italie adriatique, VIIIe – Ve siècle av. J.-C. », Annales. Histoire, Sciences Sociales, T. LX no 1, 2005, p. 165-181 [(fr) texte intégral (page consultée le 17 mars 2012)].
  • Portail de l’histoire
  • Portail du monde antique
  • Portail de l’Italie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.