Évaluation des psychothérapies

L’évaluation des psychothérapies est l'ensemble des méthodes utilisées pour établir quelles thérapies sont scientifiquement valides – et pour quelles pathologies.

La notion d'évaluation au cours d'une thérapie est également traitée dans l'article psychothérapie cognitivo-comportementale.

Elle a fait l'objet d'une littérature volumineuse et de nombreux raffinements depuis les années 1970. Plusieurs rapports officiels contenant des recommandations fondées sur ces travaux ont été publiés dans différents pays (États-Unis, Royaume-Uni, France, Australie…) à partir de la fin des années 1990.

Questions générales

Le principe d'évaluer l'efficacité de différentes psychothérapies ne va pas forcément de soi. Une critique fréquente considère qu'il n'est tout simplement pas envisageable de mesurer l'état psychique d'un patient, et donc le bénéfice apporté par une psychothérapie.

Une autre critique possible est que chaque psychothérapie poursuit des objectifs différents et exigerait donc ses propres critères d'évaluation, ce qui ne permettrait pas la comparaison entre différentes psychothérapies, ou seulement entre psychothérapies de la même « famille ».

Familles de psychothérapies

Les études regroupent bien souvent plusieurs thérapies proches dans une « famille ». Par exemple, seront distinguées les approches familiales, les approches cognitivo-comportementales, les approches humanistes, les approches psychanalytiques (parfois nommées psychodynamiques).

Groupes de patients

Plus controversée est la question de groupes de patients : il s'agit de comparer différents groupes, certains étant pris en charge, d'autres non, afin d'évaluer l'efficacité d'une prise en charge donnée. Les patients seront regroupés par pathologies : par exemple on comparera deux groupes de patients atteints d'un trouble obsessionnel compulsif, l'un pris en charge et l'autre non. Comment s'assurer que ces groupes soient comparables ? Par exemple, le rapport Inserm de 2004 compare des groupes de patients en utilisant les critères nosographiques fournis par le DSM-IV, lequel est reconnu par une large communauté mais pas par tous[réf. souhaitée].

Travaux

Premières tentatives

En 1941, Knight entreprit d'étudier, au travers de comptes rendus des instituts de psychanalyse de Berlin, Londres et Chicago, le cas de plusieurs centaines patients ayant suivi des psychanalyses[1]. Il décida d'évaluer chez eux les symptômes, la productivité, l'adaptation, le plaisir sexuel, les relations interpersonnelles.

En 1952, Hans Eysenck recoupe 19 études[2]. Selon lui, 44 % des patients en analyse y trouvaient une amélioration – mais 66 % des problèmes névrotiques auraient tendance à guérir « spontanément ». Enfin, 72 % des patients soignés par un médecin généraliste, ou pris en charge au sein d'un hôpital, auraient vu leur état s'améliorer. Gene Glass raconte que les résultats extrêmement négatifs de cette étude et le choix arbitraire des études retenues l'ont poussé à développer la méta-analyse[3].

Méta-analyse

La multiplication des essais cliniques rend de plus en plus difficile la synthèse de résultats épars par une revue de littérature. L'évaluation des psychothérapies repose essentiellement sur des méta-analyses qui permettent d'intégrer différentes études. L'objectif d'une méta-analyse est de fournir une estimation de l'ampleur des effets d'un traitement au lieu de se limiter à compter les études ou à les synthétiser de façon qualitative.

Cette technique a fait l'objet de nombreux développements depuis les travaux de Karl Pearson et les premières applications en épidémiologie dans les années 1950. Son utilisation reste cependant ardue et rencontre plusieurs difficultés. Il est ainsi nécessaire de disposer de suffisamment d'études rigoureuses suivant un plan expérimental comparable et de corriger les biais de publication. D'autres difficultés concernent plus précisément l'évaluation des psychothérapies comme la standardisation des critères de diagnostic et des procédures thérapeutiques, indispensables pour leur comparaison.

Quelques méta-analyses :

  • Luborsky, L., Singer, B., & Luborksy, L. (1975). Comparative studies of psychotherapies. Archives of General Psychiatry, 32, 995–1008.
  • Smith, M.L. and Glass, G.V. (1977). Meta-analysis of psychotherapy outcome studies. American Psychologist, 32, 752-60.
  • Andrews, G., & Harvey, R. (1981). Does psychotherapy benefit neurotic patients? Archives of General Psychiatry, 38, 1203–1208.
  • Prioleau, L, Murdoch, M. & Brody, N. (1983). An analysis of psychotherapy versus placebo studies. Behav. Brain Sci., 6, 275-310.
  • S. Jauhar, P. J. McKenna, J. Radua, E. Fung, R. Salvador and K. R. Laws, Cognitive–behavioural therapy for the symptoms of schizophrenia: systematic review and meta-analysis with examination of potential bias, The British Journal of Psychiatry, no  204, , p.  20–29

En France

En 2001, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes), avait défini des « grades » permettant de définir le « niveau de preuves » des différentes études. Ainsi :

  • le grade A, preuve scientifique établie, est obtenu par les essais comparatifs randomisés de forte puissance, les méta-analyse d'essais comparatifs randomisés ainsi que par les analyses de décision frondées sur des études bien menées ;
  • le grade B, présomption scientifique, vaut pour les essais comparatifs randomisés de faible puissance, les études comparatives non randomisées bien menées ainsi que pour les études de cohorte ;
  • enfin, le grade C, faible niveau de preuve, vaut pour les études de cas témoins, les études comparatives comportant d'importants biais, les études rétrospectives et enfin les études de cas.
Rapport de l'Inserm : contenu et critiques

En 2004, l'Inserm publie un rapport comparant psychothérapies familiales, cognitivo-comportementales et psychanalytiques brèves[4]. L'expertise utilise la technique de méta-analyses.

D'après cette étude – et pour ne garder que les évaluations « avérées » (de grade A d'après l'Anaes) :

Cette étude a conclu au mieux à un faible et, le plus souvent, à l'absence de bénéfice de la cure analytique par rapport aux autres thérapies notamment cognitivo-comportementales.

Cette étude de l'Inserm est jugée partiale dans sa méthode par les psychanalystes qui réfutent la méthode d'évaluation qu'ils jugent inappropriée à leur pratique[5],[6].

Sous la pression des associations de psychanalystes[non neutre], le rapport est désavoué le par le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, à l’occasion du Forum des psys. Il affirme en effet que « la souffrance psychique [n’est] ni évaluable ni mesurable » et annonce le retrait du rapport du site du ministère de la Santé et que les psychanalystes n’en « entendraient plus parler »[7]. Ce fait soulèvera de nombreuses réactions critiques[8], y voyant une censure du rapport à cause de ses conclusions plus favorables aux méthodes non-psychanalytiques.

Études étrangères sur l'efficacité des diverses méthodes psychanalytiques

D’autres études concluent à une efficacité des psychothérapies psychodynamiques à long terme comme plus efficaces que les thérapies d'inspiration psychodynamiques à court terme[9],[10],[11]. Ce qui est montré est que les patients avec des problèmes complexes nécessitent des thérapies longues.

Lien externe

Bibliographie

Notes et références

  1. Robert Knight, « Evaluation of the results of psychoanalytic therapy », American Journal of Psychiatry, 98, 1941, p. 434-446.
  2. Hans Eysenck, « The Effects of Psychotherapy: An Evaluation », Journal of Consulting Psychology, 16, 1952, p. 319-324.
  3. Gene Glass, Meta-Analysis at 25.
  4. [PDF] Psychothérapie - Trois approches évaluées, expertise collective Inserm, 2004. Ce rapport fut demandé par la Direction Générale de la Santé, l'Unafam et la FNAPSY.
  5. Stéphane Thibierge et Christian Hoffmann, « À propos du rapport de l'inserm sur l'évaluation des psychothérapies », Journal français de psychiatrie, ERES, vol. 29, no 2, , p. 48-51. (lire en ligne)
  6. Norbert Bon, « Oui, la psvchanalvse s'évalue », Le Journal des psychologues, Martin Média, vol. 235, no 2, , p. 34-35. (DOI 10.3917/jdp.235.0034, lire en ligne)
  7. Psychothérapies, le défi de l'évaluation. Le Monde – 8 mars 2005
  8. Réaction de l’AAPEL aux déclarations de M. Philippe Douste-Blazy
  9. (en) « Psychotherapy gives faster benefits than psychoanalysis, but in the long run psychoanalysis seems to be more effective. Results from trials, among patients suitable for psychoanalysis and with longer follow-up, are needed before firm conclusions about the relative effectiveness of psychoanalysis and psychotherapy in the treatment of mood and anxiety disorders can be drawn » in Paul Knekt, Olavi Lindfors, Maarit A. Laaksonen, Camilla Renlund, Peija Haaramo, Tommi Härkänen, Esa Virtala, the Helsinki Psychotherapy Study Group « Quasi-experimental study on the effectiveness of psychoanalysis, long-term and short-term psychotherapy on psychiatric symptoms, work ability and functional capacity during a 5-year follow-up », Journal of Affective Disorders 2011;132(1):37-47. DOI:10.1016/j.jad.2011.01.014
  10. (en) Knekt P et Lindfors O, « A randomized trial of the effect of four forms of psychotherapy on depressive and anxiety disorders: Design, methods, and results on the effectiveness of short-term psychodynamic psychotherapy and solution-focused therapy during a one-year follow-up », Studies in Social Security and Health, Helsinki, The Social Insurance Institution, Finland, , p. 112 (ISBN 951-669-639-2, lire en ligne [PDF]).
  11. (en) Falk Leichsenring, Allan Abbass, Patrick Luyten, Mark Hilsenroth et Sven Rabung, « The Emerging Evidence for Long-Term Psychodynamic Therapy », Psychodynamic Psychiatry 2013;41(3):361-384, DOI:10.1521/pdps.2013.41.3.361
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