Émosson

Le cirque d'Émosson est une cuvette d'origine glaciaire située en Suisse. Elle est précisément adossée au massif des Aiguilles Rouges, au cirque de Sixt, au Val d'Illiez. Son unique débouché se fait vers la partie suisse de la vallée de l'Eau noire, par le cours d'eau de Barberine.

Panorama du site d'Émosson, vue de la rive Est.

Lac d'Émosson

Le lac d'Émosson.
Administration
Pays Suisse
Canton Valais
Géographie
Coordonnées 46° 04′ 18″ N, 6° 55′ 10″ E
Altitude 1 780 m
Géolocalisation sur la carte : Suisse

Étymologie

Le cirque se compose de deux lieux-dits :

  • Émosson. Probablement une agglutination de *des mossons, c'est-à-dire : « des génisses ».
  • Le Vieux. Peut-être du latin viduus, veuf, parce que ce site est complètement isolé. Une hauteur du cirque (et un ruisseau) porte le nom de Veudale. Vieux et Veudale sont évidemment issus de la même origine, peut-être *Vidulus et *Vidala, le (petit) veuf et la veuve ? On peut se demander si ces deux noms ne sont pas à rattacher à la racine pan-celtique vidu-, « arbre, bois », mais ce cirque est singulièrement dépourvu de toute végétation sylvestre.

Barrages d'Émosson

Le site d'Émosson accueille trois barrages : le barrage de Barberine (années 1920), le barrage du Vieux-Émosson (années 1950) et enfin le barrage d'Émosson (années 1970) (46° 03′ 58″ N, 6° 55′ 55″ E )

Barrage de Barberine

Le barrage de Barberine a été construit de 1920 à 1925 par les CFF (Chemins de fer fédéraux suisses) lorsque le réseau a été électrifié à la fin de la première guerre mondiale pour garantir l'indépendance du pays, le charbon pour les trains à vapeur devant être importé (d'Allemagne en particulier). Ce barrage a fermé le verrou de la haute vallée de Barberine, en amont du plateau d'Émosson. Il produisait avec ses deux centrales électriques du courant à la fréquence ferroviaire nord-européenne de 16  Hz, correspondant aux besoins des CFF pour toute la Suisse romande. Il est de type poids, d'une hauteur de 79 mètres et son volume d'eau est de 40 millions de m³.

Barrage du Vieux-Émosson

Le second barrage, dit barrage du Vieux-Émosson est situé à l'ouest, sur le Nant de Drance (au lieu-dit Le Vieux, cote : 2 205 m). Mis en service en 1955 par les CFF, il permettait d'envoyer dans la retenue de Barberine les 13,5 millions de mètres-cubes d'eau qu'il pouvait contenir, sans noyer le plateau d'Émosson et son hameau. D'une hauteur initiale de 45 mètres, il a été rehaussé à 67 mètres dans les années 2010 dans le cadre du projet Nant de Dranse, afin de porter sa capacité à 25 millions de mètres-cubes.

Barrage d'Émosson

Le troisième barrage, dit barrage d'Émosson, a été construit en aval de 1967 à 1973, sur la rivière Barberine, pour fabriquer essentiellement du courant industriel à 50 Hz. Sa construction a provoqué l'engloutissement du plateau d'Émosson. Le nom du barrage a été choisi en souvenir de ce plateau.

Cet ouvrage entièrement situé en Suisse reçoit également des eaux en provenance de France, en particulier des glaciers d'Argentière et du Tour, mais aussi du vallon de Bérard. L'aménagement hydro-électrique ainsi formé est franco-suisse et fut inauguré en octobre 1976.

Le lac artificiel (cote : 1 931 m) mesure km de long et contient environ 225 millions de m³ d'eau. Lorsqu'il est plein, ce troisième barrage submerge de 42 m le premier barrage de Barberine. Il est alimenté non seulement par les eaux du voisinage mais aussi par celles du massif du Mont-Blanc, captées et acheminées dans des puits blindés passant sous la vallée de l'Eau noire et remontant par effet de vases communicants.

Alors que le lac et le barrage d'Émosson sont en Suisse, la centrale correspondante est située en France, à la frontière du Châtelard. L'exploitation des eaux est réalisée par une société binationale, Électricité d'Émosson SA, qui produit du 50 Hz industriel. La production est proportionnelle aux volumes d'eau amenés par chaque partenaire (EDF et Alpiq) et est partagée à 50 % pour la France et 50 % pour la Suisse.

Par ailleurs, les CFF continuent à exploiter les droits d'eau acquis avec les barrages de Barberine et du Vieux-Émosson par leurs propres centrales électriques situées au Châtelard VS et à Vernayaz et fabriquant du courant fréquence 16,7 Hz (16  Hz jusqu'en 1995, voir l'article sur l'électrification ferroviaire).

On accède au barrage soit par l'ancienne route de service ayant servi à la construction du barrage, soit en empruntant les Attractions ferroviaires du Châtelard VS (Funiculaire + Petit Train Panoramique + Minifunic)[1] depuis le village suisse de Le Châtelard VS, soit à pied par le col du Passet (ou Passer) depuis Vallorcine ou Barberine.

Géologie

Le cirque d’Émosson est situé dans le domaine structural de l’Helvétique. La moitié sud est située sur les socles cristallins paléozoïques du massif des Aiguilles Rouges tandis que la moitié nord est creusée dans les couvertures sédimentaires mésozoïques de la nappe de Morcles constituant notamment les dents du Midi. La limite se situant à hauteur de la Combe du Col, se poursuit sous les falaises menant à la Pointe de la Fenive puis transite sous le lac du Vieux Emosson et rejoint la Pointe de la Terrasse.

Socle paléozoïque

Le socle est ici composé de gneiss œillés issus du métamorphisme d'un granite (orthogneiss) et contenant localement des passées de micaschistes voire d'amphibolites. En surface, les gneiss sont généralement altérés (de 2 à 10 m de profondeur voire plus) et arborent une coloration rouge, violacée ou verte. Le dernier mètre présente une allure arkosique et contient des nodules de dolomie ferrugineuse. La surface est irrégulière est présente parfois des restes de paléosol où se sont concentrés des oxydes de fer et de jaspe rouge à blanc.

Trias

Les grès quartzitiques constituant la formation du Vieux Emosson forme la majeure partie du Trias du massif des Aiguilles Rouges[2],[3]. Ils reposent de manière discordante sur le socle paléozoïque. Les grès décrivent des dépôts fluviatiles évoluant vers des séries marines vers le sommet. Bien qu’azoïque (i.e. dépourvue de fossiles), la formation du Vieux Emosson a pu être daté au Trias précoce à moyen grâce à la présence d’empreintes au sud du lac du Vieux Emosson.

Empreintes de pas

Les pistes d'empreintes se concentrent sur le versant helvétique du col de la Terrasse à l'extrémité sud-est du cirque (46° 02′ 56″ N, 6° 53′ 04″ E [4]). La dalle inclinée de 40° a été découverte par Georges Bronner le grâce à la fonte partielle du névé recouvrant en permanence le vallon après une période de sécheresse et de canicule[5]. Il s'agit d'un des plus grands gisements européens à affleurement naturel avec près de 800 empreintes réparties sur 350 m2. Contrairement à une idée générale, ces empreintes n’appartiennent pas à des dinosaures mais à des pseudosuchiens auxquels appartiennent notamment les crocodiles. Le site est protégé par arrêté du Conseil d’État du Canton du Valais en date du [6], puis reconnu par l’Académie suisse des sciences naturelles comme géotope d’importance nationale en 1996[4],[7]. Les empreintes sont généralement accessibles entre la mi-juillet et la fin octobre mais l'érosion météorique devrait les faire disparaitre d'ici à 2020-2030. Des moulages ont été effectués et sont conservés au Muséum d'histoire naturelle de Genève.

Deux groupes d'empreintes sont initialement décrits : un groupe d'empreinte pentadactyle de type chirotherium (en) de 20 cm de longueur et attribué à l'ichnogenre Isochirotherium[note 1] ; et un groupe plus fréquent d'empreintes tridactyles affiliées aux premiers dinosaures du Trias[5],[8]. Ces empreintes permettaient aux auteurs de proposer un âge Trias moyen à tardif. Une première révision[9] précisa les déterminations des chirotheriums (genres Brachychirolherium et Isochirotherium) et attribua les empreintes tridactyles à des dinosaures ornithischiens dont la plupart étaient décrites comme de nouvelles ichnoespèces des genres Paratrisauropus, Deuterosuaropodus et Pachysaurichium. Ces déterminations permettaient aux auteurs de préciser l'âge Ladinien à Carnien. Néanmoins ces interprétations ont par la suite été remis en cause et toutes les empreintes sont maintenant attribuées à des chirotheriums[10],[11], des reptiles mesurant entre deux et quatre mètres de haut et pesant moins de 500 kg.

En 2020, après une décennie de déneigement important liée à des étés chauds, des empreintes de pas fossilisées de type Isochirotherium herculis sont retrouvées sur des dalles de grès des sites paléontologiques de la Veudale près d’Emosson et d’Emaney, à 2400 m d'altitude. Elles indiquent la présence d’une ancienne voie longue de 6,4 km, quasi rectiligne, empruntée par ces animaux bipèdes il y a 240 millions d’années (Trias), avant la formation des Alpes. À l'époque où elles ont été laissées, la zone se trouvait au niveau de la mer. Les chercheurs soulignent que l’élément le plus remarquable de cette longue voie est d’être quasi rectiligne, ce qui révèle que ces archosaures proto-dinosaures ») entreprenaient des déplacements au long cours quasi en ligne droite, rappelant le cheminement d’animaux actuels en activité de migration, comme les zèbres ou certaines antilopes des savanes africaines[12],[13],[14].

Jurassique

La retenue du Vieux-Émosson au milieu de terrains sédimentaires du Jurassique.

Cyclisme

La montée au barrage d'Émosson (ou col de la Gueulaz), sur le site, a été classée hors-catégorie et a servi d'arrivée à la 7e étape du critérium du Dauphiné Libéré 2014. Lieuwe Westra réussit à s'extirper de son groupe d'échappés pour l'emporter. Aussi, Alberto Contador attaqua à km de l'arrivée et réussit à prendre 20 secondes à Christopher Froome, et ainsi endosser provisoirement le maillot jaune[15].

Une arrivée au lac d'Émosson a été organisée sur le tour de France 2016 lors de la 17e étape. Ilnur Zakarin s'imposait en échappée tandis que Christopher Froome consolidait son maillot jaune, ayant suivi une accélération de Richie Porte dans les deux derniers kilomètres.

Voir aussi

Notes et références

Notes

  1. Les empreintes des pas et toutes autres traces d'activité (bioturbation, fouissement, etc.) ne pouvant pas être précisément rattaché à un organisme, les paléontologues utilisent des termes de la systématique (genre, espèce) pour décrire et grouper les empreintes.

Références

  1. Parc d'attractions du Châtelard VS SA.
  2. (en) Michael C. Wizevich, Justin Ahern et Christian A. Meyer, « The Triassic of southwestern Switzerland – Marine or non-marine, that is the question! », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, vol. 514, , p. 577-592 (DOI 10.1016/j.palaeo.2018.11.016).
  3. (en) Michael C. Wizevich, Christian A. Meyer, Ulf Linnemann, Gärtner Gärtner, Benita-Lisette Sonntag et Mandy Hofmann, « U–Pb zircon provenance of Triassic sandstones, western Swiss Alps: implications for geotectonic history », Swiss Journal of Geosciences, vol. 112, nos 2-3, , p. 419-434 (DOI 10.1007/s00015-019-00342-5).
  4. Daniel Decrouez et Lionel Cavin, « Le géotope du Vieux Emosson (Finhaut, Valais, Suisse) », Géovisions, vol. 37 « Les géosciences au service de la société. Actes du colloque en l’honneur du Professeur Michel Marthaler, 24-26 juin 2010 », , p. 245-252 (lire en ligne).
  5. (en) Georges Bronner et Georges Demathieu, « Premières traces de reptiles archosauriens dans le Trias autochtone des Aiguilles Rouges (Col des Corbeaux, Vieil Emosson, Valais, Suisse). Conséquences paléogéographiques et chronostratigraphiques », Comptes Rendus Académie des Sciences (Paris), vol. 285(D), , p. 649-652.
  6. « Arrêté du 9 novembre 1983 concernant la protection du site paléontologique du Vieux-Emosson », Recueil des lois, décrets et arrêtés du Canton du Valais, t. LXXVII, , p. 147 (lire en ligne).
  7. Emmanuel Reynard, Jean-Pierre Berger, Monica Constandache, Markus Felber, Lucien Grangier, Philipp Häuselmann, Pierre-Yves Jeanin et Simon Martin, « Révision de l’inventaire des géotopes suisses: rapport final », Groupe de travail pour les géotopes en Suisse, (lire en ligne).
  8. Germaine Demathieu et Georges Demathieu, « Aperçu sur l'étude des empreintes du Trias, appliqué au gisement du Vieux Emosson (Valais, Suisse) », Bulletin de la Murithienne, , p. 21-34 (lire en ligne).
  9. Georges Demathieu et Marc Weidmann, « Les empreintes de pas de reptiles dans le Trias du Vieux Emosson (Finhaut, Valais, Suisse) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 75, no 3, , p. 721-757 (DOI 10.5169/seals-165250).
  10. (en) Marco Avanzini et Lionel Cavin, « A new Isochirotherium trackway from the Triassic of Vieux Emosson, SW Switzerland: Stratigraphic implications », Swiss Journal of Geosciences, vol. 102, no 2, , p. 353-361 (DOI 10.1007/s00015-009-1322-4)
  11. (en) Lionel Cavin, Marco Avanzini, Massimo Bernardi, André Piuz, Pierre-Alain Proz, Christian Meister, Jean Boissonnas et Christian A. Meyer, « New vertebrate trackways from the autochthonous cover of the Aiguilles Rouges Massif and reevaluation of the dinosaur record in the Valais, SW Switzerland », Swiss Journal of Palaeontology, vol. 131, no 2, , p. 317-324 (DOI 10.1007/s13358-012-0040-0).
  12. Lionel Cavin et André Piuz, Muséum d'histoire naturelle de Genève (photogr. U. Deesri), « La Haute Route valaisanne des «proto-dinosaures» », sur museumlab-geneve.ch, (consulté le )
  13. Lionel Cavin (chercheur et conservateur du département de paléontologie du Muséum de Genève) et Pascal Moeschler (responsable de la communication), Muséum d'histoire naturelle de Genève, « La Haute Route valaisanne des «proto-dinosaures» » [PDF] (Communiqué de presse), sur institutions.ville-geneve.ch, (consulté le )
  14. (en) Lionel Cavin et André Piuz, « A Several-Kilometer-Long Archosaur Route in the Triassic of the Swiss Alps », Frontiers in Earth Science, vol. 8, (ISSN 2296-6463, DOI 10.3389/feart.2020.00004, lire en ligne, consulté le )
  15. Westra sur le fil, Contador en jaune.
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