Élisabeth Ire (impératrice de Russie)

Élisabeth Petrovna (en russe : Елизавета Петровна, Ielizaveta Petrovna), dite Élisabeth la Clémente, née à Kolomenskoïe le 18 décembre 1709 ( dans le calendrier grégorien) et morte à Saint-Pétersbourg le 25 décembre 1761 ( dans le calendrier grégorien), est une impératrice de Russie qui régna de 1741 jusqu'à sa mort.

Pour les articles homonymes, voir Élisabeth Ire.

Élisabeth Ire
Елизавета I

Élisabeth Ire la Clémente, portrait de Van Loo.
Titre
Impératrice de Russie

(20 ans et 30 jours)
Couronnement
Prédécesseur Ivan VI
Successeur Pierre III
Biographie
Dynastie Maison Romanov
Nom de naissance Elizaveta Petrovna
Date de naissance
Lieu de naissance Kolomenskoïe
Date de décès
Lieu de décès Saint-Pétersbourg
Sépulture Cathédrale Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg
Père Pierre Ier de Russie
Mère Catherine Ire de Russie
Religion Chrétien orthodoxe russe


Monarques de Russie

Elle est la dernière des Romanov de pure souche russe. La dynastie suivante sera de souche germanique et est appelée « Romanov-Holstein-Gottorp ».

Jeunesse

Fille de Pierre le Grand et de Catherine Ire, elle parlait couramment le français et un peu l'allemand. Son père voulut la marier au duc de Chartres (1703-1752) fils du Régent, mais les négociations entamées en 1721 n'aboutirent pas[1]. Sa mère entra en pourparlers avec la cour de Versailles pour la marier à Louis XV, mais le cardinal de Fleury était hostile à un rapprochement avec la Russie. Elle fut enfin fiancée avec le prince de Lübeck, mais celui-ci mourut peu avant le mariage.

Élisabeth monte sur le trône le 25 novembre 1741 ( dans le calendrier grégorien), profitant d'une lutte entre factions. L'empereur en titre, Ivan VI, étant un nourrisson, la régence avait été confiée à sa mère Anna Leopoldovna, qui accordait aux Prussiens une forte influence politique, ce qui déplaisait à la garde impériale. Aidée et encouragée par le médecin français, le comte Jean Armand de Lestocq, et l'ambassadeur du royaume de France le marquis de La Chétardie, elle fomenta et mena un coup d'État pacifique, mettant fin à la dictature d'Ernst Johann von Biron.

Elle marcha à la tête du régiment Préobrajensky contre le palais d'Hiver, fit arrêter les membres de la famille de Brunswick, Münnich et Ostermann et se fit proclamer impératrice.

Affaires étrangères

Lettre de Jean-Baptiste Decury de Saint-Sauveur, consul à Saint–Pétersbourg auprès de la tsarine Élisabeth Ire , au comte Jean–Frédéric Phélypeaux de Maurepas, secrétaire de la Marine, faisant suite au renvoi du consul M. de La Chétardi. , Archives nationales de France.
1 rouble à l'effigie d'Élisabeth Ire de Russie.

Une fois sur le trône, elle s'appuya fortement sur le comte Alexis Pétrovitch Bestoujev-Rioumine, son chancelier, pour contrebalancer l'influence germanique par celle de la France[2].

Son règne fut marqué par trois guerres victorieuses :

  1. La guerre russo-suédoise de 1741-1743, terminée par le traité d'Åbo, se solda par la cession de la Finlande méridionale à l'Empire russe ;
  2. la guerre de Succession d'Autriche s'apparenta plus à une « promenade de santé » par le faible nombre des engagements militaires de ses troupes (1746) ;
  3. la guerre de Sept Ans, contre la Prusse, fut beaucoup plus sérieuse et manqua se terminer par un désastre pour le roi de Prusse Frédéric le Grand. Les troupes d'Élisabeth furent en effet victorieuses à la bataille de Züllichau, puis à celle de Kunersdorf (1759), qui se termina par la pire défaite qu'ait connue Frédéric II, Berlin étant même temporairement occupé. Frédéric II fut sauvé par la mort de l'impératrice, et par l'avènement de son neveu Pierre III, de culture allemande, et qui retirera rapidement ses troupes, signant la paix, le , puis un traité d'alliance, le .

Affaires internes

Élisabeth Pétrovna, par Heinrich Buchholz.
Portrait officiel d'Élisabeth Ire par Louis Tocqué, avec son cordon de l'ordre de Sainte Catherine (1758), rez-de-chaussée du musée de l'Ermitage.

Elle prit part, sous l'influence de Mikhail Lomonossov (1712-1765), à la fondation de l'université de Moscou (1755) et l'académie des beaux-arts à Saint-Pétersbourg (1758). Elle est conseillée dans ce domaine par Ivan Chouvalov, cousin du ministre, et homme de vaste culture.

Son cousin, le comte Pierre Chouvalov, dirige pendant toute la durée du règne les affaires intérieures.

La première réforme importante est la réorganisation du Sénat qui devient de fait l'institution suprême de l'État et détient la totalité du pouvoir législatif et administratif. Il est donc plus puissant que sous le règne de Pierre le Grand.

Afin d'améliorer la situation financière de l'Empire mise à mal par le règne précédent, Chouvalov augmente le prix du sel et de l'eau de vie, mais renonce à réclamer les arriérés d'impôt. Il afferme toutes les exportations par la mer Blanche et les exploitations minières de l'Oural. Il supprime les douanes intérieures, mais renforce le cordon douanier extérieur. De nombreuses manufactures (984)[3] voient le jour.

La noblesse se voit octroyer le privilège exclusif de la possession des terres habitées par des serfs.

Élisabeth met en œuvre un moratoire sur la peine de mort de façon qu'aucune condamnation n'intervint durant son règne[4].

Sa politique permit aux nobles de gagner du pouvoir au niveau local du gouvernement tout en réduisant leurs obligations de service envers l'État.

Élisabeth fit venir son neveu, Pierre de Holstein (futur tsar Pierre III) et arrangea son mariage avec Sophie d'Anhalt-Zerbst, qui devint ensuite la tsarine Catherine la Grande.

Personnalité

Tempérament

Document adressé au général Balthasar von Campenhausen,
27 mai 1756.

Elle a hérité de Pierre le Grand un tempérament instable et mobile, proche de la cyclothymie, qui la fait continuellement changer de résidences. Une fois montée sur le trône, c'est une femme resplendissante de santé et fort belle. Elle est sujette, comme son père, à de violents accès de colère, mais elle prend l’engagement de ne pas appliquer la peine de mort dans son Empire.

L'impératrice, si elle eut des favoris, n'aima qu'un homme, ancien cosaque, Alexis Razoumovsky, qui ne joua aucun rôle politique.

Au début, son règne est celui de l'émancipation nationale et elle est fort populaire.

Elle avait une nature pieuse, allant parfois jusqu'à la superstition selon les diplomates. Elle sut s'appuyer sur l'Église orthodoxe.

Une impératrice aimant la culture

Tombeau de marbre blanc de l'impératrice Élisabeth Ire de Russie.

Femme peu cultivée dans sa jeunesse[5],[6] (elle ne savait pas, par exemple, que la mer sépare la France de l'Angleterre), Élisabeth est désireuse d'apprendre et, comme son père, de cultiver la Russie. Elle parle français à la perfection et un peu l'allemand et possède des notions d'italien. Elle invite plusieurs peintres français renommés, comme Louis-Joseph Le Lorrain, futur directeur de l’académie de Saint-Pétersbourg, les frères Lagrenée, Louis Tocqué, etc. pour y donner leur enseignement. Elle commanda à Giambattista Tiepolo à la fin des années 1750, une série de «demi-figures de femmes en capriccio» enregistrées dans une lettre de 1760[7].

L'Italien Bartolomeo Rastrelli entreprend la construction du Palais d'Hiver et du couvent Smolny dans la capitale, qui comptait à l’époque 75 000 habitants, et réaménage Peterhof et Tsarskoïé Selo. C'est le fameux style Élisabeth, magnifique et baroque, qui allait donner son empreinte à cette époque brillante. Les bals de la Cour sont renommés dans toute l’Europe.

C'est aussi le début de la francophilie et de l’usage de la langue française dans la noblesse qui allait durer jusqu’à la révolution de 1917.

Le premier théâtre russe est fondé, beaucoup de pièces traduites du français sont jouées, comme celles de Molière. L’impératrice fait venir de Paris la compagnie dramatique de Charles Sérigny en 1742[8]. Les acteurs français recevaient un contrat de deux à cinq ans. La compagnie demeura seize ans à Saint-Pétersbourg, tandis que d’autres s'installaient. Ce flot ininterrompu durera jusqu'en 1918, notamment au théâtre Michel.

Élisabeth donne aussi l'impulsion au renouveau de la musique d'Église, mais pour le reste, il s'agit d'une culture massivement importée dont la greffe demandera encore du temps.

L'image de la cour est brillante et francisée, mais il s'agit parfois d'une façade, car les courtisans - comme dans d'autres cours - ne sont pas tous cultivés et préfèrent rivaliser par le luxe de leurs dépenses[5],[6]. Certains possèdent leurs propres troupes de théâtre et leurs orchestres de chambre. D'autres possèdent des bibliothèques immenses et se font construire des palais néoclassiques par des architectes italiens. Les dames de la cour s'habillent comme à Versailles, mais beaucoup d'entre elles rechignent à la lecture. Dans ses mémoires, Catherine II - en bonne Allemande - raconte qu'elle a souffert de ne trouver personne avec qui avoir une conversation profonde, lorsqu'elle est arrivée à la cour de Russie. Cette cour est en effet le fruit des réformes de Pierre le Grand et des ascensions sociales qu'elles ont permises (Catherine Ire était domestique à l'origine) ; l'ancienne noblesse n'était pas toujours cultivée, vivant attachée aux traditions russes, mais tout se transforme sous le règne d'Élisabeth et de Catherine II avec une grande ouverture aux idées artistiques, philosophiques et scientifiques du reste de l'Europe. Attirés par la richesse de la Russie, un flot d'artisans, de commerçants, mais aussi de militaires, de scientifiques et de toutes sortes de spécialistes s'installent dans le pays, venant surtout d'Europe du Nord, de Hollande et d'Allemagne, mais aussi de France.

Postérité

Élisabeth est représentée sous les traits d'Isa Miranda dans le film Le Secret du chevalier d'Éon de Jacqueline Audry (1959) et dans les séries Intrigues impériales (Young Catherine) et Catherine (en) dans lesquelles le rôle d'Élisabeth est interprétée par Vanessa Redgrave et Julia Aug.

Monogramme

Monogramme de l'impératrice Élisabeth de Russie.

Distinctions

Notes et références

  1. Pierre Kovalevsky, op. cit., p. 234.
  2. Romain Yakemtchouk, La France et la Russie : alliances et discordances, Paris, L'Harmattan, , 264 p. (ISBN 978-2-296-47160-3, lire en ligne).
  3. Pierre Kovalevsky, op. cit., p. 237.
  4. Jean des Cars, La saga des Romanov : de Pierre le Grand à Nicolas II, Paris, Plon, , 358 p. (ISBN 978-2-298-01830-1), p. 102.
  5. Henri Troyat, Terribles tsarines.
  6. Zoe Oldenbourg Catherine de Russie édition Gallimard 1966.
  7. Ashmolean Museum
  8. A. N. Tchesnokova, op. cit., p. 169.

Bibliographie

  • Pierre Kovalevsky, Histoire de Russie, Éditions cinq continents, Paris, 1970.
  • Francine-Dominique Liechtenhan, Élisabeth Ire de Russie, Fayard, Paris, 2007, prix Auguste Gérard 2010. (ISBN 978-2-21362-861-5)
  • Daria Olivier, Elisabeth de Russie, Paris, Librairie académique Perrin, 1962, 356 p., 22 cm.
  • (ru) Alla Nikolaïevna Tchesnokova, Les Étrangers et leurs descendants à Saint-Pétersbourg, Satis, Saint-Pétersbourg, 2003 (ouvrage en russe).
  • Henri Troyat, Catherine la Grande, Paris, Flammarion, 1977, 544 p..
  • Albert Vandal, Louis XV et Elisabeth de Russie, Paris, Plon, 1882, xv, 446 p., in-8°.

Liens externes

  • Portail du XVIIIe siècle
  • Portail de l’Empire russe
  • Portail de la monarchie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.